Amérique du SudLe président déclare l’Équateur en état de «conflit armé interne»
L’évasion dimanche d’un chef de gang considéré comme l’ennemi public numéro un a précipité l’Équateur dans une crise sécuritaire sans précédent.
Le président de l’Équateur Daniel Noboa a déclaré son pays en état de «conflit armé interne» et ordonné la «neutralisation» des groupes criminels impliqués dans le narcotrafic, au troisième jour d’une crise sécuritaire sans précédent, marquée mardi par une spectaculaire prise d’otage en direct sur un plateau télé. Les violences ont fait au moins 10 morts, dont deux policiers, selon un premier bilan, a annoncé mardi soir la police.
Huit morts et trois blessés ont été recensés dans la ville portuaire de Guayaquil (sud-ouest), fief des gangs de narcotrafiquants, a déclaré un chef de la police locale lors d’une conférence de presse. La police a indiqué sur le réseau social X que deux agents avaient également été «vicieusement assassinés par des criminels armés» dans la ville voisine de Nobol.
Dans un décret signé dans l’après-midi, le président Noboa a reconnu «l’existence d’un conflit armé interne» et ordonné «la mobilisation et l’intervention des forces armées et de la police nationale (...) pour garantir la souveraineté et l’intégrité nationale contre le crime organisé, les organisations terroristes et les belligérants non-étatiques».
«Neutralisation»
Après avoir déjà décrété l’état d’urgence lundi, Daniel Noboa, 36 ans, plus jeune président de l’histoire de l’Équateur, a ordonné cette fois la «neutralisation» de tous ces groupes criminels, dont il a fourni une liste exhaustive, tout en soulignant la nécessité pour les forces armées d’agir «dans le respect des droits de l’Homme».
Le département d’État américain s’est dit mardi «extrêmement préoccupé» par la violence dans le pays. «Nous sommes extrêmement préoccupés par la violence d’aujourd’hui et la prise d’otage en Équateur», a déclaré le chef de la diplomatie américaine pour l’Amérique latine, Brian Nichols, sur X (ancien Twitter). La Chine a interrompu mercredi les activités consulaires de son ambassade en Équateur ainsi que celles de son consulat.
Ces bandes criminelles, pour la plupart de simples gangs de rues il y a encore quelques années, sont devenues les acteurs sanglants du narcotrafic aux tentacules internationales, à mesure que l’Équateur s’est converti en principal point d’exportation de la cocaïne produite au Pérou et en Colombie voisines. Autrefois un havre de paix, le pays est aujourd’hui ravagé par la violence de ces gangs.
«Jours extrêmement difficiles»
Ennemi public numéro 1, le chef des Choneros (l’un de ces gangs comptant environ 8000 hommes, selon les experts), Adolfo Macias, alias «Fito», s’est volatilisé dimanche de la prison de Guayaquil (sud-ouest). Son évasion a précipité cette crise sécuritaire majeure à laquelle tente de faire face le président élu en novembre sur la promesse de rétablir la sécurité.
Dernier et spectaculaire épisode, des hommes armés vociférant ont fait irruption mardi après-midi sur le plateau d’une télévision publique à Guayaquil, prenant brièvement en otage journalistes et autres employés de la chaîne. Au milieu des coups de feu, la diffusion de ces images surréalistes s’est poursuivie en direct pendant de longues minutes.
Avec ce nouvel incident retentissant culmine une crise sécuritaire que rien ne semble pouvoir endiguer depuis la disparition de «Fito» dans la nature. «Ce sont des jours extrêmement difficiles», l’exécutif ayant pris «la décision importante de lutter de front contre ces menaces terroristes», a reconnu mardi le secrétaire à la communication de la présidence, Roberto Izurieta.
Écoles fermées
L’évasion de «Fito» a été suivie de plusieurs mutineries et prises en otage de gardiens dans diverses prisons, le tout relayé par d’effrayantes vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrant les captifs menacés par les couteaux de détenus masqués. Dans un communiqué, l’administration pénitentiaire (SNAI) a fait état de 139 de ses personnels actuellement toujours retenus en otage dans cinq prisons du pays.
L’état d’urgence décrété lundi par de «Fito» Noboa s’étend à tout le territoire et pendant 60 jours. L’armée est ainsi autorisée à assurer le maintien de l’ordre dans les rues (avec un couvre-feu nocturne) et les prisons. Il reste manifestement sans grand effet jusqu’à présent. Dans le grand port de Guayaquil, où les groupes criminels sont tout-puissants, de nombreux établissements hôteliers et restaurants ont fermé leurs portes au public, tandis que des véhicules de l’armée patrouillent dans les rues, a-t-on constaté.
Dans la capitale Quito, gagnée par la peur, magasins et centres commerciaux fermaient également prématurément, avec des embouteillages bien plus lourds que d’habitude mardi soir. Dans la soirée, le ministère de l’Éducation a ordonné la fermeture provisoire de toutes les écoles du pays.