Conseil fédéralLa folle élection d’Élisabeth Baume-Schneider
La Jurassienne a tiré son épingle du jeu pour une petite voix dans une élection à trois tours perturbée par la candidature fantôme de Daniel Jositsch. Un incroyable succès pour le Jura à Berne.
- par
- Eric Felley
Jean-Paul Gschwind (C/JU) en avait les larmes aux yeux. Le conseiller national jurassien avait pronostiqué 123 voix pour Élisabeth Baume-Schneider au troisième de scrutin, et voilà qu’il avait tout juste. Il faut dire que les élus jurassiens ont travaillé d’arrache-pied, depuis le début de la session d’hiver, pour soutenir la candidature d’Élisabeth Baume-Schneider, suivie comme son ombre par le conseiller aux États du Centre, Charles Juillard.
Cette 123e voix, ils l’ont grattée partout, dans tous les groupes, et ils l’ont eue. Qu’est-ce qui a fait la différence? «C’est le monde paysan, répond spontanément Jean-Paul Gschwind, elle a montré qu’elle avait les pieds sur terre. Nous avons fait aussi une bonne campagne dans la discrétion. Et elle a surtout un punch extraordinaire!»
Un premier tour prometteur
Mais ce matin, rien n’était acquis. Sa victoire s’est construite en trois tours qui ont mis les nerfs des Jurassiens à rude épreuve. Tout a bien commencé pourtant dès le premier tour. Élisabeth Baume-Schneider arrive en tête avec 96 voix, à la surprise générale devant Eva Herzog avec 83. Ce qui frappe alors, c’est le résultat de 58 voix pour le candidat zurichois Daniel Jositsch, non retenu sur le ticket socialiste.
De toute évidence, une action concertée a été lancée par des élus bourgeois, principalement à l’UDC et au PLR, pour «un vote d’avertissement», selon l’expression utilisée par Jean-Pierre Grin (UDC/VD). En effet, une frange importante de parlementaires masculins a voulu manifester sa désapprobation face au ticket socialiste exclusivement féminin.
Une progression constante
Au deuxième tour, les voix de ces protestataires se sont reportées majoritairement en faveur d’Eva Herzog, mais également sur la Jurassienne, qui progressait à 112 voix, tandis que la première atteignait 105 et que 28 parlementaires continuaient à voter pour Daniel Jositsch. Entre le deuxième et le troisième tour, le suspense était total. Il ne manquait que 11 voix à Élisabeth Baume-Schneider. Si le report de voix des mécontents se poursuivait de la même manière, elle en obtiendrait 124 au troisième tour, selon les calculs du socialiste valaisan Emmanuel Amoos (PS/VS)
La personnalité qui fait la différence
À une voix près, il n’avait pas tort. C’est arrivé avec 123 voix, laissant sa concurrente à 7 voix derrière elle. Pour Benjamin Roduit (C/VS), ce qui a fait la différence pour la Jurassienne: «C’est la présence de Jositsch en regardant le report des voix entre les tours. Mais plus profondément, c’est sa personnalité, son entregent et l’empathie qu’elle dégage qui l’ont emporté». Un avis que partage la fribourgeoise Valérie Piller Carrard (PS/FR): «Son caractère l’a démarquée de sa concurrente. Comme avec Albert Rösti, ce sont deux personnes qui se montrent ouvertes et proches de la population qui ont été choisies. J’en suis très heureuse».
Pierre-André Page (UDC/FR) doit reconnaître que la candidate jurassienne a réussi à se «profiler» ces dernières semaines. Dans son groupe son «abord sympathique» a fini par convaincre même les Alémaniques: «Au début de cette campagne j’étais convaincu que les Alémaniques ne voteraient pas pour une Romande».
«L’amitié jurassienne au Conseil fédéral»
Émue et fébrile, Élisabeth Baume Schneider est montée à la tribune pour un discours empreint d’émotion, exprimant son «profond respect et sa gratitude» envers l’Assemblée fédérale. «J’apporte l’amitié jurassienne au Conseil fédéral» a-t-elle dit pour son jeune canton, qui accède pour la première fois au Gouvernement helvétique. Elle a remercié ses proches, ses soutiens et évoqué sa tâche future avec «tendresse et amour». Pour sûr que les parlementaires ont fait cette fois le choix du cœur. Pour une petite voix il est vrai.