Motocyclisme: Suzuki envoie un signal inquiétant

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MotocyclismeSuzuki envoie un signal inquiétant

Le constructeur d’Hamamatsu, a (enfin) officialisé ce que beaucoup de monde savaient depuis le lendemain du GP d’Espagne. Il y aura une marque de moins en MotoGP dès l’an prochain.

Jean-Claude Schertenleib
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Jean-Claude Schertenleib

Rappel des faits: la bombe explose le 2 mai, il y a donc dix jours. Les teams MotoGP sont restés sur le circuit de Jerez de la Frontera, qui a accueilli la veille le traditionnel GP d’Espagne. Sur le coup des 16 heures, le staff et le personnel du team Suzuki Ecstar sont convoqués pour une séance d’informations.

A la sortie de ladite, les visages sont fermés: «Vous comprendrez que nous n’allons pas parler», lance à peine Livio Suppo, le team-manager engagé par Suzuki cet hiver; pour un contrat valable plusieurs années. Dans l’après-midi, de premières fuites surgissent: «Suzuki va se retirer en fin d’année!» Certains croient savoir qu’un communiqué officiel va être rendu public le mardi matin, mais rien.

Sauf une réaction de Dorna, le promoteur du championnat du monde, qui rappelle «qu’on ne peut pas ainsi casser un contrat de façon unilatérale et que Suzuki avait prolongé son entente avec le promoteur du MotoGP jusqu’à fin 2026.» Le fait qu’un organisme aussi important que Dorna réponde à ce qui n’est alors... qu’un bruit prouve bien que, jusqu’au sommet de l’organigramme MotoGP, tout le monde a été pris de cours, que personne ne savait. Et c’est inquiétant!

Pas d’info, trop d’infos!

Joan Mir est sous le choc suite à l’annonce du retrait de Suzuki, on le serait à moins.

Joan Mir est sous le choc suite à l’annonce du retrait de Suzuki, on le serait à moins.

AFP

Les jours passent, l’officialisation se fait attendre. Alors, comme il faut bien noircir du papier – ou plutôt nourrir la curiosité des internautes -, chacun y va de son petit secret. Joan Mir et Alex Rins, les deux pilotes Suzuki, sont sous le choc, on le serait à moins. «Le président voulait poursuivre le MotoGP, c’est la direction générale qui a eu le dernier mot», affirment certains. «Pas vrai, tout le monde sait que le président n’aime pas la moto, qu’il est un homme de l’automobile», répondent d’autres.

Sans oublier: «Et puis, empêtré dans un scandale pareil à celui connu par Volkswagen aux Etats-Unis – le «dieselgate», ou une réduction frauduleuse des émissions polluantes sur les voitures allemandes -, Suzuki va devoir payer des amendes à hauteur de plusieurs milliards.»

Cela part dans tous les sens. Jusqu’à l’annonce de ce jeudi matin 12 mai, au lendemain de la publication des résultats financiers de Suzuki Motor Company, dans lesquels on apprend que, d’avril 2021 à mars 2022, le bénéfice du secteur automobile apparaît en baisse de 18,2%, celui du secteur moto, de 59,5%.

Quelques lignes bien crues

Le texte de ce communiqué tient en quelques lignes: «Suzuki Motor Corporation est en discussion avec Dorna en ce qui concerne la possibilité de mettre un terme à sa participation au MotoGP à la fin 2022. Malheureusement, la situation économique actuelle et le besoin de concentrer nos efforts sur les grands changements en cours dans le cadre des véhicules à moteur obligent Suzuki à diminuer ses coûts et à recadrer ses ressources humaines pour développer de nouvelles technologies. Nous aimerions exprimer notre plus profonde gratitude au team Suzuki Ecstar, à tous ceux qui ont soutenu les activités sportives de Suzuki pendant des années, ainsi qu’à tous les fans de la marque qui nous ont apporté leur enthousiasme.»

Quid de 2023... et d’après?

Le retrait d’un constructeur historique du sport motocycliste – ce n’est pas la première fois que Suzuki se retire des GP; en plus, la marque n’est plus présente depuis cinq ans maintenant en mondial de motocross – est un signal inquiétant. Comme le fut celui du renoncement, en fin de saison dernière, du sponsor malaisien Petronas. La qualité et la densité du spectacle MotoGP ne seraient-ils que, pour prendre une formule connue, un arbre cachant la forêt?

«On ne peut pas casser un contrat de façon unilatérale, mais je ne crois pas qu’il y a une solution. Et nous n’avons pas plus intérêt d’obliger quelqu’un à continuer, s’il ne le veut pas.»

Carmelo Ezpeleta, CEO de Dorna

En attendant une prise de position officielle de Dorna, son CEO, Carmelo Ezpeleta s’est exprimé sur un canal «twitch» espagnol: «On ne peut pas casser un contrat de façon unilatérale, mais je ne crois pas qu’il y a une solution. Et nous n’avons pas plus intérêt d’obliger quelqu’un à continuer, s’il ne le veut pas. Nous avons beaucoup de demandes pour occuper les deux places qui devraient se libérer et mon rôle, désormais, est de travailler sur ce dossier dans la tranquillité.»

Aprilia: double mise?

Si le nom de GasGas a été entendu pour récupérer les deux places laissées vacantes par Suzuki (il s’agirait alors de deux KTM supplémentaires, «badgées» aux couleurs de la marque espagnole du groupe Pierer Mobility), beaucoup pensent dans le paddock que c’est bien Aprilia qui pourrait doubler la mise: «Nous aimerions pouvoir nous appuyer sur un team junior», avoue le patron Massimo Rivola.

«D’ici un mois, nous devrions savoir», ajoute l’ancien manager de la relève chez Ferrari. Nouveau bruit: le team «satellite» Yamaha (Dovizioso et Darryn Binder) chercherait un autre constructeur-partenaire!

La phrase: Alex Rins

Alex Rins, pilote Suzuki.

Alex Rins, pilote Suzuki.

AFP

«Je pense que nous avons le meilleur package qui n’a jamais existé chez Suzuki. Donc, montrons-leur qu’ils ont pris la mauvaise décision»: Alex Rins est quatrième du classement intermédiaire du championnat du monde à la veille de ce GP de France. Et il est motivé comme jamais.

Domi, l’éclectique électrique

Avant de retrouver le championnat du monde supersport dans une semaine au Portugal (Estoril), Dominique Aegerter est engagé ce week-end en Coupe F.I.M. MotoE, dont il occupe le deuxième rang après les deux premières manches de Jerez de la Frontera. «Le Mans, c’est un circuit historique, la météo y est souvent spéciale, mais mon but est toujours le même: me battre pour la victoire et le podium à chaque course», explique le Bernois.

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