Moyen-OrientRetour de Netanyahou à la tête du gouvernement le plus à droite d’Israël
Après une pause dans l’opposition, Benyamin Netanyahou doit revenir jeudi au pouvoir à la tête du gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël.
Vainqueur des législatives du 1er novembre, il doit présenter à partir de 11h00 son équipe ministérielle aux députés. Il devrait par la suite obtenir la confiance du parlement, où il dispose de la majorité des sièges avec ses alliés.
Âgé de 73 ans et inculpé pour corruption dans plusieurs affaires, le chef du parti Likoud (droite) avait été chassé du pouvoir en juin 2021 par une coalition hétéroclite avant de promettre un retour aux affaires en s’alliant à l’extrême droite, un pari réussi aux dernières élections.
Depuis ce scrutin, Benyamin Netanyahou a mené des pourparlers avec des partis ultraorthodoxes et d’extrême droite, incluant Sionisme religieux, de Bezalel Smotrich, et Force juive, d’Itamar Ben Gvir, connus pour leurs propos hostiles aux Palestiniens et leurs positions favorables à l’annexion d’une partie de la Cisjordanie. Or Bezalel Smotrich et Ben Gvir seront respectivement chargés des colonies en Cisjordanie et de la police israélienne, dont des unités opèrent aussi dans ce territoire palestinien occupé depuis 1967 par Israël.
Il s’agit pour Israël d’«une trajectoire complètement nouvelle […]. C’est un rêve pour les partenaires de Netanyahou mais un cauchemar pour ses adversaires», souligne Yohanan Plesner, directeur de l’Institut démocratique d’Israël (IDI).
«Soif de pouvoir»
Avant l’entrée en fonction de l’équipe Netanyahou, les partis de la majorité ont voté des lois permettant au chef de la formation orthodoxe Shass de siéger au gouvernement malgré une condamnation pour fraude et d’étendre les pouvoirs d’Itamar Ben Gvir à la tête de la police.
La procureure générale, Gali Baharav-Miara, a mis en garde contre des réformes visant à réduire le pouvoir des juges et une «politisation des forces de l’ordre» qui «porterait un coup sérieux aux principes les plus fondamentaux de l’État de droit». Et le chef d’état-major de l’armée Aviv Kochavi s’est dit inquiet de la création d’un second poste de ministre, celui de Bezalel Smotrich, au sein même de la Défense pour superviser la gestion civile de la Cisjordanie.
Pour de nombreux analystes, Benyamin Netanyahou a multiplié les concessions à ses partenaires dans l’espoir d’obtenir une immunité judiciaire ou l’annulation de son procès pour corruption. «Ce gouvernement est l’addition de la faiblesse politique de Netanyahou, compte tenu de son âge et de son procès, et du fait qu’on a une nouvelle famille politique, liée à la droite révolutionnaire, que l’on n’avait jamais vue avec cette force en Israël», explique à l’AFP Denis Charbit, professeur de sciences politiques à l’Open University d’Israël.
Bezalel Smotrich et Ben Gvir «ont une très forte soif de pouvoir et ils savent que ce qu’ils n’obtiennent pas d’ici trois mois, six mois, voire deux ans, n’aura pas lieu», en raison notamment de la courte durée de vie des gouvernements israéliens, ajoute Denis Charbit. Or ces deux dirigeants de l’extrême droite souhaitent développer la colonisation en Cisjordanie, territoire où habitent plus de 2,8 millions de Palestiniens et où vivent déjà plus de 475’000 colons juifs, dit-il.
«Explosion» à venir?
Dans la foulée de la dernière guerre Hamas/Israël à Gaza (mai 2021) et des violences récentes en Cisjordanie, les plus graves depuis la Seconde intifada (2000 à 2005), la crainte d’une escalade militaire avec les Palestiniens est bien présente.
«Il y a de nombreuses lignes rouges: al-Aqsa, l’annexion [de la Cisjordanie], le statut des prisonniers palestiniens [en Israël]… Si Ben Gvir, à titre de ministre, se rend à al-Aqsa, ce sera une grande ligne rouge de franchie et cela mènera à une explosion», confie à l’AFP Basem Naim, haut responsable politique du Hamas.
Itamar Ben Gvir s’est déjà rendu ces derniers mois sur l’esplanade des Mosquées (mont du Temple pour les juifs), lieu saint au cœur des tensions israélo-palestiniennes à Jérusalem-Est. En vertu d’un statu quo historique, les non-musulmans peuvent s’y rendre mais pas y prier, mais la visite d’un ministre israélien en fonction sur ce site serait perçue comme de la provocation parmi les Palestiniens. «Si le gouvernement agit de manière irresponsable, cela pourrait provoquer une crise sur le plan de la sécurité», a d’ailleurs déclaré le ministre sortant de la Défense, Benny Gantz.