FranceEn marge du procès du 13-Novembre, un cadre de l’EI jugé à Paris
«Quand je sors, j’agis»: l’an dernier, en première instance, la cour d’assises avait choisi de ne pas prononcer la peine maximale, soit la réclusion criminelle à perpétuité.
Figure du microcosme des jihadistes francophones à l’origine des attentats de 2015-2016 à Paris et Bruxelles, le Français Tyler Vilus, converti monté en grade au sein du groupe État islamique, est jugé en appel à Paris à partir de lundi, à l’ombre du procès du 13-Novembre.
À la fois combattant, chef d’escouade, prosélyte en ligne, recruteur et membre de la police de l’EI, selon l’accusation, ce «jihadiste intégral» de 31 ans a été condamné à trente ans de prison en première instance. Il doit répondre devant la cour d’assises spéciale de crimes commis entre 2013 et 2015 lors de son séjour en Syrie. À l’issue de son premier procès l’an dernier, la cour d’assises l’avait déclaré coupable de tous les chefs d’accusation mais choisi de ne pas prononcer la peine maximale, la réclusion criminelle à perpétuité. Une «lueur d’espoir» pour lui laisser une chance d’«évoluer», avait-elle expliqué, considérant qu’il avait commencé à questionner son fanatisme mortifère.
Hasard du calendrier judiciaire, cette audience d’appel coïncide avec l’ouverture pour neuf mois du procès des attentats du 13 novembre 2015, qui se tient lui aussi sur l’île de la Cité à Paris. Des attaques perpétrées pour partie par des proches de Tyler Vilus, qui ont combattu avec lui en Syrie. Arrêté à l’été 2015 en tentant de revenir en Europe, au moment où l’EI envoyait des hommes sur le continent pour y perpétrer des tueries de masse, l’accusé devait-il jouer un rôle dans les attaques qui ont fait 130 morts à Paris? Lui le nie. Ni l’instruction, ni le premier procès n’ont permis de faire la lumière sur ses intentions véritables.
Faute d’éléments, la justice française le poursuit pour son rôle dans la guerre en Syrie, où il est arrivé fin 2012 et a rapidement rejoint l’EI. Elle lui reproche notamment d’avoir participé au printemps 2015, en tant que membre de la police islamique, à l’exécution publique, d’une balle dans la tête, de deux prisonniers à Shaddadi (est).
«Brigade des immigrés»
Sans être le Français le plus gradé de la hiérarchie de l’EI en zone irako-syrienne, Tyler Vilus est toutefois le plus important cadre du groupe extrémiste détenu par la France, un «combattant de grande envergure», selon le témoignage en première instance d’une enquêtrice des services de renseignement.
Né en 1990 à Troyes, ce délinquant déscolarisé, consommateur important d’alcool et de cannabis, se convertit à l’islam en 2011 et adopte aussitôt un comportement rigoriste, intolérant et brutal. Après un passage dans la Tunisie post-révolution où bourgeonnent des mouvements jihadistes, il gagne la Syrie. Dès l’été 2013, Abou Hafs Al Faransi (le Français) – son nom de guerre – est «émir» à la tête d’un bataillon de plusieurs dizaines de combattants français.
Fin 2013-début 2014, il est dans les rangs de l’ultraviolente «brigade des immigrés» de l’EI, une escouade de jihadistes étrangers – français et belges pour une bonne part – qui sévit dans les environs d’Alep. Un «groupe de copains» qui torture, massacre et décapite dans la bonne humeur d’une «colonie de vacances», d’après la femme d’un d’entre eux, interrogée par les renseignements français. Dans cette unité figurent notamment, aux côtés de Tyler Vilus, plusieurs des protagonistes du 13-Novembre: le coordinateur Abdelhamid Abaaoud, les assaillants du Bataclan Samy Amimour et Ismaël Omar Mostefaï, l’artificier Najim Laachraoui.
Le 2 juillet 2015, sorti de Syrie, Tyler Vilus est à l’aéroport d’Istanbul et s’apprête à monter dans un vol à destination de Prague. Mais, intrigués par son passeport suédois, des douaniers turcs l’en empêchent. Il est placé dans un centre de rétention administrative. Là, avant son expulsion vers la France où il sera arrêté à son arrivée, il prévient par texto Abdelhamid Abaaoud, qui est en route pour Paris. Des messages supprimés de son téléphone mais que les enquêteurs ont réussi à exhumer: «ils ne vont pas m’enfermer indéfiniment, ça ne change rien. Quand je sors, j’agis.» Le verdict est attendu le 21 septembre.
Version originale publiée sur 20min.ch.