Espionnage: Des secrets industriels auraient été livrés à Pékin et Moscou

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EspionnageDes secrets industriels auraient été livrés à Pékin et Moscou

Deux Français et deux Chinois ont été mis en examen à Paris fin mars, dont deux dirigeants du fleuron français des semi-conducteurs Ommic, soupçonnés d’avoir livré des secrets industriels à la Chine et à la Russie.

Fabrication de puces électroniques dans une usine de semi-conducteurs (image d’illustration).

Fabrication de puces électroniques dans une usine de semi-conducteurs (image d’illustration).

AFP

Ommic, spécialiste français tricolore de semi-conducteurs pour l’industrie des télécommunications et le domaine spatial, a d’après «Le Parisien» été progressivement pris en main par Ruodan Z., homme d’affaire chinois de 62 ans, qui en est devenu président en 2018, après avoir racheté 94% des parts via un fonds d’investissement créé en France.

Selon des documents consultés par l’AFP, Ruodan Z. a pris des participations dans diverses entreprises du secteur, jusqu’à susciter, d’après un article d’Intelligence Online de 2021, l’inquiétude de l’Etat français. Domicilié en Chine, il serait recherché par la justice française.

Stratagèmes de contournement

Marc R., le directeur général, ainsi qu’une cadre chinoise de la société, ont été mis en examen le 24 mars, pour livraison à une puissance étrangère de procédés, documents ou fichiers de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, un crime passible de quinze ans de détention criminelle et de 225’000 euros d’amende.

D’après le quotidien, la justice soupçonne Marc R. d’avoir «mis en place de nombreux stratagèmes de contournement pour livrer sciemment des puces puissantes et informations sur des technologies sensibles à la Chine et la Russie», sous la direction de Ruodan Z. Ciblée, la maîtrise par Ommic du nitrure de gallium, un matériau qui permet une puissance démultipliée des semi-conducteurs.

D’après un document de l’Agence d’innovation de la défense du ministère des Armées de 2021, développer une telle technologie est un «enjeu stratégique pour la défense».

Un «montage complexe»

Mais d’après «Le Parisien», ces opérations auraient également abouti, via un «montage complexe», à «transférer du matériel prohibé vers Moscou et contourner l’embargo commercial qui vise le pays depuis l’invasion de la Crimée, en passant par la Chine». Ces secrets industriels, «en bout de chaîne, ont très probablement servi à équiper les armées» de Pékin et Moscou, s’inquiète le journal.

Initialement placé en détention provisoire, Marc R. a été remis en liberté sous contrôle judiciaire par la cour d’appel de Paris, d’après la source judiciaire. Les trois autres personnes mises en cause sont également sous contrôle judiciaire, a précisé la même source. Cinq autres personnes avaient été arrêtées par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) en mars, d’après «Le Parisien», ce que n’ont pas confirmé les différentes sources interrogées par l’AFP.

Le quotidien affirme que les premiers soupçons sont apparus lors d’un contrôle douanier, début 2021, qui a donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire par le Pnat en novembre 2022, confiée à la DGSI et à l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF). D’importantes saisies pénales ont été opérées, d’après la source judiciaire.

L’information judiciaire, ouverte à la demande du Pnat et confiée selon «Le Parisien» à deux magistrats antiterroristes et un magistrat financier, porte également sur des soupçons d’exportations illégales en contrebande, d’association de malfaiteurs, de faux et usage de faux, d’abus de biens sociaux, d’après la source judiciaire.

Quand le gouvernement alerte sur le risque d’espionnage industriel, ce n’est pas pour faire du James Bond, c’est la réalité aujourd’hui, la guerre économique existe

Roland Lescure., ministre français de l’industrie

En pleine guerre russo-ukrainienne, dans un contexte de vives tensions internationales et au moment où chaque pays accuse l’autre d’ingérences, cette affaire vient illustrer la lutte sourde entre puissances sur le terrain industriel. «Ces méfaits supposés ont été interrompus et il y a aujourd’hui des gens mis en examen», a réagi sur Sud Radio, jeudi, le ministre de l’Industrie, Roland Lescure. «J’en profite surtout pour interpeller tous les dirigeants de PME: soyez extrêmement prudents, on est dans le domaine des semi-conducteurs qui est un domaine stratégique», a-t-il ajouté.

(AFP)

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