Emmanuel Macron rééluUne «victoire sans la gloire»: la presse française ne saute pas de joie
Les médias de l’Hexagone sont revenus sans grand enthousiasme sur la réélection du président, dimanche soir face à Marine Le Pen.
«Une victoire, mille défis» à la Une du «Télégramme», «Tout reste à faire» pour «La Croix»: pour les quotidiens de lundi, Emmanuel Macron doit désormais se porter au chevet d’une France aux fractures béantes. «Le Monde» le résume en parlant d’une «réélection sans état de grâce», du fait notamment d’une «abstention proche des records et une extrême droite qui dépasse pour la première fois la barre des 40% des suffrages».
Rares sont les Unes où perce un certain enthousiasme: «Les Échos» parlent d’«Un nouveau départ» et «Le Figaro» titre: «Grande victoire, grands défis». Alexis Brézet y note qu’«en apparence, c’est une apothéose». «Chapeau, l’artiste! Après ce quinquennat «maudit» – les gilets jaunes, Samuel Paty, Notre-Dame, le Covid, l’Ukraine… –, la performance n’est pas mince». Mais «en vérité, la statue de marbre est un géant aux pieds d’argile» car «qui peut croire à la réalité de son ancrage populaire?», nuance l’éditorialiste.
Côté opposé, «Libération» pose un grand «Merci qui?» sur la tête du président, coupée en bas de page. «Macron réélu, la victoire sans la gloire», lit-on en pages intérieures du journal de gauche, où l’éditorialiste Paul Quinio liste les lourds dossiers à traiter.
«Et maintenant?»
Pas de K.-O., ni de chaos: «Cette élection a permis d’éviter le chaos, sûrement pas d’atténuer la colère», remarque Jean-Pierre Dorian dans «Sud Ouest». D’où le scepticisme, mordicus. «Oui, mais», titre «La Provence», «Et maintenant?», s’interroge «Corse-Matin». «C’est gagné, mais rien n’est fait», écrit Stéphane Vernay dans «Ouest-France», en titrant son édito: «Réconcilier les Français… et vite».
Luc Bourrianne pointe, lui, la responsabilité du chef de l’État dans «L’Est Républicain»: «La stratégie du président allie brio et cynisme en se jouant des opportunismes. Mais en affaiblissant la gauche et la droite modérées, il participe à l’émergence d’aucune alternative autre que les extrémismes, la radicalité, l’affrontement». Après cette «victoire en trompe-l’œil», selon le titre de l’édito de «La République des Pyrénées», Macron doit innover dans la pratique démocratique, pour «éviter une «giletjaunisation» de son quinquennat», écrit Jean-Marcel Bouguereau.
Dans «Midi Libre», analyse Olivier Biscaye, «le camp des perdants a gagné. Autant que celui des désabusés, des découragés, des indifférents. Et ce n’est pas une blague! Depuis hier soir, ils sont devenus la seule et principale attention d’un président réélu à la tête d’un pays que l’on a l’habitude de considérer à raison comme fracturé».
Législatives cruciales
«Emmanuel Macron devra être la Marielle Goitschel de la politique, aussi à l’aise dans les virages à gauche, que dans ceux à droite», glisse Géraldine Baerh Pastor dans son édito «L’inratable grand virage», pour «L’Union».
Et voilà le double fond de la séquence électorale de 2022 qui se reflète déjà dans la presse, avec ce fameux «troisième tour» que représentent les élections législatives de juin. Elles pourraient «faire bouger quelques murs, voire paralyser l’action publique si aucune majorité nette ne se dégageait à l’Assemblée nationale», prévient Frédéric Vézard dans les DNA.
Dans le droit-fil d’un Jean-Luc Mélenchon demandant aux Français de l’élire Premier ministre, «L’Humanité» présente à sa Une un bulletin Marine Le Pen froissé, tamponné d’un «BATTUE», au-dessus du mot d’ordre: «Et maintenant, combattre Macron». En écho, l’édito de Sébastien Crépel a pour titre: «Le président ne perd rien pour attendre».