Tennis: Stan Wawrinka a secoué le cocotier de la Coupe Davis. Sera-t-il entendu?

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TennisStan Wawrinka a secoué le cocotier de la Coupe Davis. Sera-t-il entendu?

Vainqueur de la Coupe Davis en 2014, le Vaudois a révélé en mondovision les défauts de la formule actuelle. Mais pas sûr qu’elle change, à écouter René Stammbach, président de Swiss Tennis et trésorier de l’ITF.

Jérémy Santallo
par
Jérémy Santallo
Stan Wawrinka ici à l’entraînement avec l’équipe de Suisse à l’AO Arena de Manchester.

 Stan Wawrinka ici à l’entraînement avec l’équipe de Suisse à l’AO Arena de Manchester.

Getty Images for ITF

Mardi, à Manchester, Dominic Stricker était à l’échauffement lorsque la caméra de télévision s’est attardée sur le banc de l’équipe de Suisse. Au bout de celui-ci, Stan Wawrinka a relevé la tête au dernier moment et on a cru percevoir un léger rictus sur son visage. Téléphone en mains, le Vaudois était déjà en train de pianoter. Et au fil des minutes, l’approche de son match – perdu – contre Ugo Humbert ne l’a pas freiné.

«Merci Gerard Piqué et l’ITF! France – Suisse en Coupe Davis à Manchester lol». Son tweet de 14 h 16 a été vu plus de 6 millions de fois. Il est accompagné d’une vidéo d’une dizaine de secondes où l’on voit des tribunes de l’AO Arena quasi vides – «L’Équipe» parle d’environ 600 personnes dans son édition du jour. Certes, c’était un mardi, en début d’après-midi, à une heure où les gens lambda travaillent. Mais quand même…

«Les joueurs ne pouvaient pas s’engager à être présents quatre semaines par an.»

David Haggerty, président de l’ITF

Le courroux de «Stan The Man» trouve son origine dans la formule de la Coupe Davis depuis 2018 et l’arrivée du groupe d’investissement Kosmos, présidé par l’ancien footballeur espagnol Gerard Piqué. À ce moment-là, les traditionnelles rencontres à domicile ou à l’extérieur avaient été abandonnées (sauf pour le premier tour) au profit de phases de groupe disputées dans un seul lieu. Pour mieux regrouper télévisions et fans.

«La raison aussi pour laquelle nous avons changé la formule est que l’ancien format ne marchait pas. Les joueurs ne pouvaient pas s’engager à être présents quatre semaines par an, expliquait David Haggerty, président de l’ITF. Donc nous avons conservé un peu de la tradition, avec des matches à domicile ou à l’extérieur lors de la phase éliminatoire, et avons fusionné cela dans un nouveau format plus moderne.»

Celui-ci a été fortement décrié et depuis lors, l’entente avec Kosmos, prévue sur vingt-cinq ans et pour 3 milliards de dollars, a été rompue par l’instance. Piqué ne s’est pas privé de le rappeler à «Stanimal». «Après une mauvaise journée sur le court, au moins cela m’aura fait rire, a répliqué le Suisse. Si c’était un si grand succès l’année passée, ce serait formidable de mieux comprendre pourquoi le deal a été arrêté après cinq ans.»

Mardi, sur Twitter, le journaliste du «Times» Stuart Fraser a rappelé la revendication première de David Haggerty, président de la Fédération Internationale de Tennis, à l’époque. «Créer une atmosphère de Coupe du monde de football.» Toujours pendant le match de Stricker, Wawrinka lui a répondu. «Pourquoi continue-t-il à décider de sort de la Coupe Davis après l’avoir si mal fait?»

«On jouait la Coupe Davis pour jouer à domicile devant son public ou à l’extérieur, contre un public, avec un fan-club qui nous suivait.»

Stan Wawrinka

Comme absent mentalement après la perte du premier set contre Ugo Humbert – défaite 6-4 6-4 au final – mardi, le 40e joueur mondial s’est épanché sur la question en salle de presse. «À une ou deux exceptions près, tous les joueurs vous diront que, malheureusement, la Coupe Davis a été complètement détruite, par rapport à pourquoi on la jouait, à pourquoi, jeunes, on l’aimait.»

Dans des propos rapportés par «L’Équipe», il a développé. «C’était pour jouer à domicile devant son public ou à l’extérieur, contre un public, avec un fan-club qui nous suivait. J’ai grandi en rêvant de la jouer et j’ai eu la chance de pouvoir le faire plus de dix ans, de la gagner, de vivre des rencontres incroyables. Comme à Lille devant 30 000 spectateurs. Depuis que ça a été chamboulé, ça a été un désastre.»

Le timing choisi par le triple vainqueur en Grand Chelem pour faire sa sortie médiatique n’est pas forcément anodin. Parce que c’est dans dix jours que se tiendront les élections de l’ITF. Dietloff von Arnim, président de la Fédération allemande, sera le rival de David Haggerty, en poste depuis 2015. Mais le président actuel de l’ITF possède de nombreux appuis, dont celui de Swiss Tennis.

«La formule sera rediscutée au moment des élections mais je ne vois pas pourquoi on la changerait.»

René Stammbach, président de Swiss Tennis et trésorier de l’ITF

Membre du Board (2011), vice-président (2015) et désormais trésorier (2019) de l’ITF, René Stammbach confirme. «La formule sera rediscutée au moment des élections mais je ne vois pas pourquoi on la changerait, explique celui qui est aussi président de Swiss Tennis. Pour moi, le bien-être financier de 211 fédérations est plus important que celui d’une demi-douzaine. Même les plus grandes.»

Pour étayer son discours, Stammbach tient à énoncer des chiffres. «Avant, seulement quelques fédérations faisaient de l’argent, nous inclus. D’ailleurs, à Palexpo, on a fait de sacrés profits. De 2017 à 2022, on a fait passer les paiements aux fédérations de 31 à 71 millions mais aussi l’argent versé aux joueurs et aux joueuses après la phase de groupes de 15 à 44 millions. Tout n’est donc pas négatif.»

La «big picture»

Mercredi, l’AO Arena devait sonner moins creux puisque près de 11 000 âmes étaient attendues pour l’entrée en lice de la Grande-Bretagne. «Il y aura une belle ambiance, comme à Málaga l’année dernière (ndlr: la ville espagnole est aussi le théâtre des finales fin novembre), appuie Stammbach. Ce Suisse – France, bien sûr que c’était triste et sur ce point, Stan a raison. Cette formule a ses défauts. Mais il faut voir le tableau d’ensemble.»

Étant donné qu’il est très impliqué à l’ITF, on a demandé au président de Swiss Tennis. «Comment faire pour qu’il y ait moins de journées tristes en Coupe Davis?» «C’est une bonne question, je n’ai pas encore la réponse», a-t-il enchaîné. Dans son for intérieur, Stan Wawrinka espère peut-être qu’elle puisse être trouvée à la fin du mois, à Cancún au Mexique. Pour que son coup de gueule mancunien ne reste pas vain.

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