RomeAux sources de la Voie appienne, autoroute candidate à l’Unesco
L’Italie rêve de faire inscrire la Voie appienne au patrimoine mondial. Des fouilles menées à Rome, pour mettre au jour les premiers mètres de la chaussée, ont déjà permis de découvrir des trésors.
Tous les chemins mènent à Rome, mais ils en partent aussi: la Voie appienne, autoroute stratégique de l’Empire romain, qui aspire à entrer au patrimoine mondial de l’Unesco, fait l’objet de recherches sous la ville contemporaine. Ruban pavé de plus de 500 kilomètres construit à partir de 312 av. J.-C. par Claudio Appius l’Aveugle, censeur et consul romain, la Via Appia Antica est un livre d’histoire que les fouilles archéologiques nourrissent indéfiniment.
Elle projetait Rome vers la Grèce et l’Orient, en la reliant au port de Brindisi, sur la mer Adriatique, serpentant dans les provinces du Latium, de la Campanie, de la Basilicate et des Pouilles.
L’emprunter, c’est voyager dans le passé: on y découvre de précieux monuments, comme le tombeau d’une fille de consul, Cecilia Metella, datant du premier siècle avant J.-C., des catacombes, des mausolées, des villas. On y lit la grandeur et la chute de l’Empire romain, mais aussi la vie au Moyen-Âge, avec ses basiliques et cryptes, et même celle du XXe siècle, avec les demeures de légendes du cinéma comme Gina Lollobrigida.
Près du Cirque Maxime
La construction de l’Appia Regina Viarum (la «Reine des voies») a nécessité des travaux herculéens, le percement de reliefs, le creusement de canaux, l’édification de ponts, de viaducs et de digues, mais aussi de relais de poste et d’auberges pour accueillir hommes et chevaux. À Rome, la Via Appia Antica débutait à proximité du Cirque Maxime et des somptueux Thermes de Caracalla, où la direction du patrimoine de la Ville éternelle a convoqué, cette semaine, la presse pour soutenir la candidature du site à l’inscription sur la liste du patrimoine mondial.
Les travaux visant à localiser les premières centaines de mètres du parcours de la Via Appia, à environ huit mètres de profondeur, ont commencé en 2018 et ont permis d’exhumer des vestiges de différentes époques, dont un buste en marbre du IIe siècle après J.-C et une étrange pièce de monnaie carrée papale, frappée entre 690 et 730.
«La question historique à l’origine de ces fouilles effectuées devant les Thermes de Caracalla est celle-ci: où passait le premier mille romain de la Voie appienne?» a expliqué Daniela Porro, conservatrice au département d’archéologie de Rome. «Dans le paysage contemporain, le tracé initial de la Voie appienne a quasiment disparu.»
Assez large pour croiser, avec des trottoirs
Des fragments de verre et de céramique, des restes d’une amphore, des mosaïques, révélant les diverses époques de l’histoire de Rome, ont également été retrouvés. «Si nous pouvions continuer à creuser plus bas, nous trouverions la Rome archaïque et la Rome impériale, avec ses monuments et ses maisons. Nous avons atteint la Rome antique tardive, celle qui a commencé à vivre dans les ruines de la Rome antique», a détaillé le professeur Daniel Manacorda, qui a travaillé avec une équipe interdisciplinaire de jeunes archéologues, géologues et architectes.
«Ici, par exemple, nous savons qu’il y avait un xénodoche. Un xénodoche était une sorte d’hébergement pour recevoir des malades et des pèlerins», souligne-t-il.
En plus d’avoir résisté à plus de deux millénaires, la Via Appia témoigne de l’ingéniosité des bâtisseurs romains. Alors que les routes n’étaient encore que des chemins herbeux, boueux et rocailleux, ils ont inventé la voie moderne, assez large pour permettre à deux chariots de se croiser, flanquée de trottoirs en terre battue pour les piétons et d’un système de drainage pour évacuer les eaux de pluie.