Qatar 2022Un but, ça change tout
Grâce à la réalisation de Breel Embolo, la Suisse a pu résister beaucoup plus facilement aux velléités camerounaises jeudi. Une victoire 1-0 qui rend la vie plus facile.
- par
- Valentin Schnorhk Doha
Il y a une statistique qui dit que l’équipe de Suisse a désormais 58% de chances de se qualifier pour les 8es de finale. Elle n’en avait que 49% avant de l’emporter 1-0 contre le Cameroun jeudi. Ce sont des chiffres. Les faits, les émotions, la confiance, tout cela autorise autre chose: la sérénité, le temps de quelques jours.
Aspirait-elle à quelque chose d’autre? Pas vraiment. Parce que le premier match semblait trop important pour évoquer autre chose qu’une victoire. Pourtant, la prestation globale de la Suisse laisse planer certains questionnements.
Les trois enseignements
C’est une forme de quiétude qui s’offre aux Suisses. En gagnant, l’équipe nationale s’est donné les moyens de disputer une forme de «finale» contre la Serbie lors du troisième match de poules. Surtout, elle peut affronter le Brésil en sachant qu’elle aura surtout à bien s’organiser défensivement, sans penser à se découvrir. Cela met Murat Yakin et les siens dans les meilleures dispositions possibles.
Reste que Murat Yakin aura pris une petite leçon jeudi: son organisation défensive comporte de véritables failles. On pense là au pressing individuel que le Cameroun a su déstructurer en étant mobile et en permutant les postes. Plusieurs fois en première période, la Suisse s’est fait prendre à ce jeu-là, laissant Eric Maxim Choupo-Moting et ses coéquipiers se créer d’énormes situations en exploitant la verticalité. La correction apportée après la pause (avec un 4-4-2 ou 4-2-3-1 plutôt organisé en zone, en phase défensive) et surtout le 1-0 ont permis à la Suisse d’adopter une attitude plus attentiste, qui correspondait beaucoup moins au Cameroun.
Comment ne pas parler de lui? Breel Embolo prend une dimension de plus en plus importante dans l’équipe de Suisse. Sa capacité à se montrer constamment entre les lignes et a servir de cible offre un bol d’air à ses coéquipiers, même s’ils ne lui apportent pas toujours la complémentarité nécessaire. En plus, il ne cesse de marquer (un but à chacun des trois derniers matches officiels de la Suisse). Tout cela, en devant composer avec toutes les émotions inhérentes au rendez-vous de jeudi.
Le meilleur Suisse: Silvan Widmer
Un match plein, une sûreté défensive exemplaire, un impact offensif récurrent. Silvan Widmer disputait son premier match de Coupe du monde, et le capitaine de Mayence a répondu présent. Il sauve des buts, comme devant Toko-Ekambi en première mi-temps, et il offre une passe décisive que Ruben Vargas ne saisit pas pour inscrire le 2-0.
Plus globalement, il y a dans la performance de Widmer une régularité qui garantit un palier jamais trop bas. Et un plafond qui peut ne pas être extrêmement élevé, mais qui laisse de la place à certaines performances de haut niveau. Contre le Cameroun, son abattage était total: avec 10,6 kilomètres parcourus, il est le troisième Suisse à voir le plus couru (derrière Freuler et Xhaka). Surtout, seul Vargas a effectué plus de sprints que lui (59 contre 66).
Le moins bon Suisse: Nico Elvedi
On ne peut pas lui enlever qu’il finit souvent par dégager des ballons. Il en récupère, aussi. Mais avec des interventions qui manquent de netteté, il met parfois plus ses coéquipiers en difficulté que l’adversaire. Dans un style certes totalement différent de Manuel Akanji (beaucoup moins en quête du duel), il affiche ses limites actuelles, déjà mises en exergue lors du match contre la République tchèque en septembre dernier.
Y a-t-il une place qui peut se dégager pour Fabian Schär? La question va finir par se poser durant ces prochains jours.
La décla’
Le fait tactique: le positionnement de Xhaka
Que s’est-il passé pour que Murat Yakin parvienne à convaincre Granit Xhaka? Peut-être satisfait du rôle similaire qu’il occupe à Arsenal, le capitaine de l’équipe de Suisse a vraisemblablement été motivé par l’idée de jouer dans un rôle plus haut, de milieu relayeur gauche également en équipe de Suisse. De quoi laisser Remo Freuler seul devant la défense. «Ce n’est pas la position qui compte, nous avons une certaine liberté au milieu», a assuré après le match le porteur du numéro 10.
Qu’en penser vraiment? Que Xhaka, même s’il clamait encore en juin dernier sa préférence pour le poste d’organisateur, est tout à fait capable de s’exprimer aussi dans ce rôle. Cela ne l’empêche pas de se proposer. Il est d’ailleurs le Suisse à avoir le plus souvent demandé la balle: 101 «offres pour recevoir», selon la donnée compilée par la FIFA durant cette Coupe du monde. Problème: il n’a été touché concrètement que 28 fois. Une fois sur quatre, autrement dit.
Cela peut frustrer. Xhaka veut toujours avoir la balle, mais le jeu avance moins par lui. Pourtant, son activité dans le demi-espace gauche, où il a répété les mouvements et les appels, a été constante. La machine suisse est-elle pertinente quand le rôle d’organisation est délégué à Freuler? Pas sûr, lui qui est également intéressant en projection, à l’instar du but où il n’a pas hésité à demander le ballon dans l’intervalle. Il y a des questions à se poser.
La statistique
13, comme le nombre de passes qui ont mené au but de Breel Embolo. Pour l’équipe de Suisse, il faut croire que c’est une rareté, comme l’affirme Opta. Une telle séquence de possession transformée par la Nati n’était jamais arrivée en Coupe du monde.
On peut notamment en interpréter le fait que l’équipe nationale est toujours capable d’avoir le contrôle du jeu dans le camp adverse. Et, surtout, de trouver des solutions. En fixant le jeu à gauche après une touche et plusieurs passes, il n’a suffi que de deux transmissions de Xhaka puis Freuler pour se retrouver à l’opposer et exploiter au mieux la largeur. Le déséquilibre était créé.
Une question pour penser l’avenir
Dans une configuration de match qui s’annonce complètement différente contre le Brésil, quels sont les changements à envisager?