Interview - Laurent Baffie: «La répartie, ce n’est pas que pour torcher les connards»

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InterviewLaurent Baffie: «La répartie, ce n’est pas que pour torcher les connards»

Le sniper de la blague sera sur scène à Genève, vendredi, et à Lausanne, samedi. Il revient sur son impertinence et ses buzz qu’il n’apprécie pas tant.

Fabio Dell'Anna
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Fabio Dell'Anna
Laurent Baffie sera à Genève et Lausanne les 4 et 5 mars prochain.

Laurent Baffie sera à Genève et Lausanne les 4 et 5 mars prochain.

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Laurent Baffie ne laisse personne indifférent. Grâce à sa répartie légendaire, l’humoriste a su se créer une carrière qui a duré dans le temps. Et s’il avoue ne plus vraiment apprécier la télévision, il trouve refuge sur scène. Un endroit qu’il considère comme son «havre de liberté».

Avec son spectacle «Laurent Baffie se pose des questions», il sera au Théâtre du Léman à Genève vendredi 4 mars et à la salle Métropole de Lausanne le lendemain. «J’espère que les salles seront pleines, nous dit-il au bout du fil. S’il n’y a personne je n’aurai pas de fric à planquer chez vous. C’est dans votre intérêt que ce soit complet. Venez!» Le message est passé.

Qu’allez-vous proposer à votre public suisse avec votre spectacle?

De l’impro, du rire et quelques questions que je me suis toujours posées. Par exemple: «Pourquoi quand je rêve que je baise, je me réveille toujours avant et quand je rêve que je pisse, je me réveille trop tard.» Une autre un peu plus philosophique: «Une éphémère peut-elle procrastiner?» C’est un prétexte pour parler de tout et déconner. Le but n’est pas de trouver une réponse, mais juste de passer un bon moment ensemble.

En 2014, vous aviez sorti un livre intitulé «500 questions que personne ne se pose». Pourquoi ne le mettre en scène que maintenant?

Le livre est un prétexte. Je ne le mets pas en scène. J’ai brodé autour et j’ai écrit des sketchs. Le bouquin est juste une base sur laquelle j’ai pu commencer. Je change le show à chaque représentation et je m’adapte aux villes. Je pourrais faire ce spectacle pendant dix ans, il ne serait jamais pareil.

On vous appelle le roi de la répartie. D’où vient ce caractère piquant, voire impertinent?

C’est un art qui se travaille. Quand je fais mes courses, je me raconte des blagues à moi-même. Les gens ne s’imaginent pas que je passe ma vie à travailler ma répartie. J’ai une casquette et on ne me reconnaît pas. J’essaie aussi d’en faire à l’étranger. Je me promène et je passe mon temps à faire des gags. Un jour, j’étais en tournée avec mon manager, Roman. Je voulais prendre de l’essence. J’ai dit à la caissière: «Ceci est un hold-up. Mais comme on démarre dans le métier, donnez-nous ce que vous voulez.» La fille nous a alors tendu un petit nougat. (Rires.) C’était une jolie rencontre. Je lui ai ensuite offert un livre. La répartie ce n’est pas que pour torcher les connards. Cela peut être aussi pour être gentil avec les gens et permettre de créer de beaux moments.

Vous en souffrez parfois?

Bien sûr. Avoir une grande gueule, ça se paie cash. On se fait virer de partout. On se fait des ennemis. Il y a des gens qui vous détestent… C’est un luxe qui coûte très cher. Mais ça m’a rapporté plus que cela m’a coûté, donc je ne peux pas me plaindre. C’est vrai que l’on m’embauche et que l’on me vire pour les mêmes raisons. Cela m’a tout de même permis de me diversifier et d’avoir une dizaine de boulots. J’ai duré dans le temps et c’est le plus important.

La censure est de plus en plus présente aujourd’hui. Est-ce que vous réfléchissez désormais différemment à l’écriture de vos sketchs?

Non. Je vois qu’il n’y a plus de liberté en télé ou dans les médias, donc je me réfugie sur scène. Là, personne ne m’emmerde et je dis ce que je veux. La scène est un havre de liberté.

«La télévision ne m’intéresse plus à moins que l’on me donne carte blanche»

Laurent Baffie, humoriste

Pourtant vous êtes bon à la télévision. Cela ne vous intéresse vraiment plus?

Non, à moins que l’on me propose quelque chose de formidable.

C’est-à-dire?

Pfff. La télé, ce n’est pas le Graal. C’est le média que j’aime le moins. Mon préféré reste la radio. Je suis beaucoup moins à l’aise lorsqu’il y a des caméras. Si on me donnait carte blanche, j’accepterais. Malheureusement, ce n’est pas possible dans le contexte et l’époque actuelle.

Lors de vos interventions dans les différentes émissions de Thierry Ardisson, comme «Salut les Terriens», vous aviez l’air très à l’aise.

C’était juste une impression. Je suis quelqu’un qui a le trac et j’ai pris l’habitude peu à peu. L’émission avec Thierry était enregistrée. Quand je faisais une mauvaise vanne, elle était coupée au montage. Je suis beaucoup moins drôle que ce que les gens imaginent. Ne marquez pas ça, ce n’est pas bon pour ma carrière. (Rires.)

Vous avez un grand sens de l’autodérision. Par exemple, vous n’avez aucun problème à évoquer vos opérations esthétiques avec humour.

Lorsque vous passez votre temps à vanner des gens, il faut tout de même faire preuve d’autodérision. Les personnes ont été étonnées à ce sujet. Je n’avais apparemment pas le profil à faire des implants capillaires ou les poches sous les yeux. Même moi, j’ai été étonné de le faire.

«Je ne suis vraiment pas fan des buzz. Par définition un buzz est éphémère et racoleur.»

Laurent Baffie, humoriste

Ce buzz vous a fait sourire?

J’ai trouvé ça surréaliste. Quand vous faites des implants capillaires, on vous montre un catalogue avec tous les gens qui ont eu recours à cette pratique. J’en connais des centaines qui ont sauté le pas. Il y en a qui le font quand ils perdent juste un peu de cheveux. Cela s’est totalement banalisé. Je ne pensais pas une seconde en devenir l’ambassadeur en France. De voir l’ampleur du buzz alors qu’il y a le Covid… Cela m’a fait rire. Cette info passait avant plein de choses beaucoup plus importantes. Finalement, c’est emblématique de ce qui se passe aujourd’hui sur les réseaux sociaux et les médias putaclic.

Vous aviez alors répondu: «J’ai fait tout ça il y a deux ans et les gens le découvrent maintenant. Pour le blanchiment de l’anus je vous tiens au courant.»

J’ai répondu comme à mon habitude. Cela m’a fait sourire. Si jamais, le blanchiment de l’anus ça fait un mal de chien. Et je n’étais pas au courant: il vous faut douze séances. (Rires.)

Finalement, les buzz vous les aimez?

Je n’en suis pas très fan… Quand je faisais mon émission «17e sans ascenseur» et que Christophe Hondelatte s’était engueulé avec Dave d’une manière extrêmement violente, j’avais demandé que la séquence soit coupée. Je n’ai malheureusement pas eu mon mot à dire, car je n’étais pas producteur de l’émission. (Il réfléchit un instant.) Non, je ne suis vraiment pas fan des buzz. Par définition un buzz est éphémère et racoleur.

Pourquoi avoir annoncé votre candidature aux élections législatives pour le parti animaliste en France?

J’ai toujours soutenu la cause animale. Je suis parrain de plein d’associations comme L214 et la SPA. Le parti m’a demandé si je pouvais me présenter pour leur donner un petit coup de projecteur et j’ai accepté sans hésiter. Je trouve anormal de voir ce parti sans ses 500 signatures. Il est indispensable dans le paysage politique.

Spectacle «Laurent Baffie se pose des questions» au Théâtre du Léman à Genève le 4 mars 2022 et à la salle Métropole de Lausanne le 5 mars 2022

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