Réforme des retraites en FranceUn 1er Mai «massif» et «populaire» ou une forme de «baroud d’honneur»?
Une journée unitaire, inédite depuis 15 ans: les syndicats français veulent faire du 1er Mai une démonstration contre la réforme des retraites. Le gouvernement pense qu’il faut passer à autre chose.
En France, après douze journées de mobilisation contre la réforme des retraites, qui repousse l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, l’intersyndicale, toujours unie, mise sur une journée «historique» et «un raz de marée» dans la rue, réclamant «l’abrogation» du texte.
Le dernier défilé unitaire, avec les huit principaux syndicats, remonte à 2009, face à la crise financière (la CGT avait compté près de 1,2 million de manifestants, la police 456’000). En 2002 (de 900’000 à 1,3 million de personnes), les syndicats avaient aussi fait bloc pour «faire barrage» à Jean-Marie Le Pen. Cette fois, 300 rassemblements sont annoncés dans le pays. Le trafic aérien s’annonce très perturbé, avec entre 25 et 33% des vols annulés dans les plus grands aéroports français.
Dans la capitale, le cortège s’élancera à 14h de la place de la République, vers la Nation. «Ce sera familial, festif», a promis la numéro un de la CGT, Sophie Binet, soulignant que le défilé parisien aurait «une dimension particulière», avec la présence «de syndicalistes du monde entier» en soutien. Laurent Berger, qui a annoncé son départ de la tête de la CFDT le 21 juin, a dit espérer «une grande fête populaire contre les 64 ans, pour la dignité du monde du travail».
Au moins un demi-million de manifestants attendus
Les autorités espèrent de 500’000 à 650’000 personnes sur tout le territoire, entre 80’000 et 100’000 à Paris. Dans la capitale, de source policière, on attend de 1500 à 3000 gilets jaunes et de 1000 à 2000 individus «à risque»: 12’000 policiers et gendarmes seront mobilisés, dont 5000 à Paris.
Mais depuis la dernière journée de mobilisation, le Conseil constitutionnel a validé, le 14 avril, l’essentiel de la réforme, promulguée dans la foulée. Les syndicats tournent leurs regards vers deux nouvelles dates: le 3 mai, lorsque les «Sages» se prononceront sur une deuxième demande de référendum d’initiative partagée, et le 8 juin, lorsqu’une proposition de loi du groupe des députés Liot, abrogeant la réforme, sera au menu de l’Assemblée.
Dans la rue – comme dans les sondages – la colère reste vive: outre deux journées en forme de «tour de chauffe», les 20 et 28 avril, avec des actions axées sur les transports ou les accidents de travail, des «casserolades» perturbent les déplacements de l’Exécutif, chef de l’État inclus.
Dans le même temps, la décision de Laurent Berger, bien qu’attendue, a surpris par son timing. Les responsables des autres syndicats ont aussitôt souligné que cela ne changerait pas la donne, notamment parce que sa successeure désignée, Marylise Léon, est sur la même ligne.
Pour l’État, le plus dur est passé
Au sein du gouvernement, certains veulent croire «qu’on a passé le plus gros en termes de contestation» et que ce 1er Mai «peut être le baroud d’honneur de l’interprofessionnelle», même si les «casserolades» devraient notamment «perdurer».
Tout en soulignant que c’est «difficile de faire de la météo sociale», Dominique Andolfatto, politologue, dit avoir «l’impression que le mouvement social essaye de faire ses adieux à une séquence», évoquant «une espèce de point d’orgue». Il relève notamment que la décision annoncée de Laurent Berger «a donné l’impression que finalement, une page se tournait».
En finir avec «les mobilisations chétives»
Le 17 avril, Emmanuel Macron s’est donné «100 jours d’apaisement» et «d’action» pour relancer son quinquennat. Sa Première ministre, Élisabeth Borne, va envoyer des invitations aux syndicats «la semaine prochaine», selon Matignon.
Un test pour leur unité? «Nous allons en parler en intersyndicale le 2 mai et nous allons décider ensemble des suites que nous donnerons», a indiqué, vendredi, Sophie Binet. Elle martèle qu’«il n’y aura pas de retour à la normale s’il n’y a pas de retrait de la réforme». Alors que les dernières journées montraient un essoufflement, Laurent Berger a dit ne pas vouloir terminer avec des «mobilisations chétives, à 100’000 personnes».