État civilTrop tôt, trop de boulot: le Conseil fédéral balaie le troisième sexe
Le gouvernement estime que la société n’est pas prête à renoncer à la binarité des sexes et que tout changement impliquerait des travaux trop importants.
«Le cadeau de Noël de notre Conseil fédéral: il nous dit que les Suisses sont plus arriérés que les Allemands et les Autrichiens et que la société n’est pas encore mûre pour un troisième sexe». La déclaration est signée de la conseillère nationale Sibel Arslan (Verte/BS), qui avait fait voter au parlement en 2018 un postulat qui chargeait le Conseil fédéral de dresser un rapport sur l’introduction d’un «troisième sexe» à l’état civil pour les personnes non binaires ou d’un abandon de la mention du sexe dans les registres.
Celui-ci a été publié mercredi et le Conseil fédéral est sans ambiguïté: il estime que la société n’est pas prête car «le principe de la binarité des sexes y reste profondément ancré et est un modèle consacré par une tradition sociale multiséculaire». «Bien qu’avec une relative timidité, le débat s’amorce en Suisse. Pour l’instant, on n’observe toutefois pas de grand mouvement sociétal, malgré une sensibilisation à ce sujet au cours des dernières années», dit-il.
Des années de travail
Et s’il est vrai que l’Autriche et l’Allemagne ont déjà avancé sur la question (lire encadré), la Confédération ne veut pas lui emboîter le pas… et pas seulement pour des raisons idéologiques. «Abandonner le principe de la binarité des sexes impliquerait de procéder à de nombreuses adaptations des législations fédérales et cantonales. Il faudrait prévoir un délai suffisant pour adapter toutes ces réglementations, l’effort législatif requis demandant plusieurs années», dit le gouvernement. À titre d’exemple, il cite l’armée. «La Constitution ne contient pas de règles concernant les personnes sans mention de sexe ou inscrites sous un autre sexe qu’homme ou femme», écrit-il.
Des pays plus propices
«L’Allemagne et l’Autriche ont introduit, à la suite d’un arrêt de principe de leurs cours constitutionnelles respectives, de nouvelles catégories sexuelles ou la possibilité de renoncer à l’enregistrement du sexe», note le Conseil fédéral. Et ce ne sont pas les seuls pays à s’y mettre. Certains États américains, comme la Californie ou New York, «prévoient des marques non binaires dans leurs cartes d’identité». Les Pays-Bas, la Belgique, la Suède et le Luxembourg ont aussi à leur ordre du jour les modifications législatives qui permettent soit de choisir de s’identifier comme non-binaire, soit de ne pas déclarer d’identité sexuelle.