Wimbledon 2023«Stan m’a dérobé deux Grand Chelem»
Avant ses retrouvailles avec Stan Wawrinka (19 h), Novak Djokovic a déroulé une foule de compliments sur le Vaudois. Non sans masquer une pointe d’agacement.
- par
- Mathieu Aeschmann Londres
Ces deux-là se connaissent par cœur. Depuis ce premier tour de Challenger sur moquette, en 2004 à Aix-la-Chapelle (non comptabilisé dans le «head to head»), Stan Wawrinka et Novak Djokovic ne se sont plus lâchés. Il y a les finales de Grand Chelem, bien sûr, entrées au panthéon de la carrière du Vaudois. Mais aussi la finale d’Umag (2006), un quart de finale à Bâle (2009), des Masters 1000 à la pelle; sans compter les kilomètres de séances d’entraînement en commun et les confidences échangées dans la bulle monégasque.
Alors tard mercredi soir, après sa victoire contre Thompson, nous nous sommes glissés dans un «Media Theatre» étonnamment vide (cinq journalistes internationaux) pour interroger Novak Djokovic sur «sa relation avec Stan» et «le rôle qu’il avait joué dans sa carrière». La réponse a fusé du tac au tac, dans un sourire aigre-doux. «Ben, disons que Stan m’a dérobé deux titres du Grand Chelem. Voilà le rôle qu’il a joué dans ma carrière.» Froide et statistique, cette réponse du ventre a le mérite de l’honnêteté. Et vient rappeler que deux champions en activité, malgré l’admiration réciproque et une certaine proximité, restent des adversaires.
C’est pourquoi Novak Djokovic a ensuite déroulé des compliments à la fois sincères et distanciés. «J’aime beaucoup Stan. C’est une belle personne et je trouve très inspirant de le voir continuer à s’arracher à presque 40 ans. Peu de monde serait capable de revenir comme lui après tant de blessures pour continuer d’écrire sa propre histoire et celle du tennis. N’oublions pas qu’il est un triple champion du Grand Chelem, un vainqueur de la Coupe Davis et un médaillé d’or olympique. Sa carrière est juste fantastique.»
«Novak y pense, forcément»
Tout est dit, avec élégance. Même si on aurait aimé un peu d’affect, voire de l’intime. Tout au fond de sa tête, Novak Djokovic craint-il le retour de «Stanimal», ce joueur surpuissant (le seul?) capable d’éteindre le «Cosmic Djoko» sur le format cinq sets? «Il y pense, forcément. On le sent dans ses réponses, souriait Stan Wawrinka jeudi. Mais d’un autre côté, un tel champion sait parfaitement rester dans le moment. Il ne va pas entrer sur le terrain en pensant au passé. Ma seule chance de le faire remonter, c’est de livrer un gros match et de l’embêter.»
Commencer pied au plancher et tenir le bras de fer, voilà le plan pour réveiller les fantômes de 2015 et 2016. Ceux que Novak Djokovic a préféré ne pas développer; ce qui est de bonne guerre. «J’espère que ce sera Stan, disait l’homme aux 23 titres du Grand Chelem mercredi soir (avant la qualification du Vaudois). Parce qu’on ne s’est pas joué depuis assez longtemps (jamais sur gazon) et que j’aime bien l’idée d’un duel entre vétérans.» L’idée est entretemps devenue réalité. Elle fait vibrer Wimbledon de plaisir.