Consentement dans Droit pénal: «Il faudra toujours apporter la preuve qu’il y a eu viol»

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Consentement dans Droit pénal«Il faudra toujours apporter la preuve qu’il y a eu viol»

Le Conseil des États doit débattre, le 7 juin, de la redéfinition du viol dans le droit suisse. Deux variantes sont sur la table. Explications.

Christine Talos
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Christine Talos
À l’avenir, le juge pourra prononcer une condamnation pour viol, même si l’auteur n’exerce pas de contrainte sur la victime.

À l’avenir, le juge pourra prononcer une condamnation pour viol, même si l’auteur n’exerce pas de contrainte sur la victime.

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Le Conseil des États va se pencher sur un sujet sensible, le 7 octobre. En effet, il va empoigner la révision du droit pénal relatif aux infractions sexuelles. Sa Commission des affaires juridiques souhaite redéfinir les infractions liées au viol. Elle souhaite notamment introduire la notion du consentement dans le Code pénal. À l’avenir, le juge pourra prononcer une condamnation pour viol même si l’auteur n’exerce pas de contrainte (violence, menaces ou pression psychologique) sur la victime. Il suffira qu’il ait intentionnellement passé outre le consentement que la victime aura exprimé verbalement ou non verbalement. Une personne de sexe masculin pourra également être reconnue victime de viol. En outre, une personne qui oblige un tiers à violer quelqu’un sera également considérée comme une violeuse. Explications.

Pourquoi revoir aujourd’hui la notion du viol?

«Il y a un consensus pour dire que la notion du viol actuelle est désuète», explique l’avocat et conseiller national Raphäel Mahaim (Verts/VD). Car la loi dit que seule la pénétration vaginale non consentie d’une femme par un homme est considérée comme un viol. D’autre part, elle précise qu’il doit y avoir contrainte. «En gros, il ne peut y avoir de viol que s’il y a violence, physique ou psychique», poursuit-il. «Et les tribunaux acquittent aujourd’hui des prévenus accusés de viol parce qu’il n’y a pas eu de contrainte».

On parle des modèles «non c’est non», et «seul un oui est un oui». De quoi s’agit-il?

Ce sont les modèles évoqués par la commission du Conseil des États. Une majorité prône «non c’est non», tandis qu’une minorité, soutenue par les organisations féministes et plusieurs élus de gauche comme de droite, veut le «seul un oui est un oui». «Dans le premier modèle, tant qu’il n’y a pas de refus, tant que la victime n’a pas dit non, on considère qu’il n’y a pas de viol, que l’acte sexuel a été consenti. Et c’est une prise en compte insuffisante de la notion de consentement», estime Raphaël Mahaim. Dans le modèle du «Seul un oui est oui», – qu’il soutient – il faut en revanche obtenir le consentement explicite ou implicite de son ou sa partenaire.

Pour le sénateur et avocat Philippe Bauer (PLR/NE), membre de la commission et partisan du «non c’est non», quel que soit le modèle, cela ne changera rien au final. «C’est une question de preuve, il faudra dans les deux variantes, arriver à apporter la preuve qu’il y a eu contrainte, ou impossibilité de réagir», explique-t-il. Mais pour lui, la variante du «seul un oui est un oui» risque d’inverser le fardeau de la preuve. «J’ai peur qu’avec ce modèle on crée de faux espoirs pour la victime. Celle-ci pourrait en effet penser qu’il suffit de dire à la police qu’elle n’était pas consentante au moment de l’acte pour faire condamner son agresseur», explique-t-il. Ce n’est pas le cas. Il faudra toujours qu’elle apporte la preuve qu’il y a eu viol, explique-t-il.

Et si la victime ne peut pas prouver le viol?

«Si on est dans un cas où il est totalement impossible de savoir ce qu’il s’est passé parce que les faits ont eu lieu dans l’intimité sans preuves ni indices, il n’y aura pas de condamnation», explique Raphaël Mahaim. Car le droit pénal prévoit toujours la présomption d’innocence et ne condamne pas quelqu’un sans preuve, indique-t-il en confirmant les propos de son confrère. «Il n’y a donc aucun renversement du fardeau de la preuve comme le disent les opposants au «seul un oui est un oui». Pour Philippe Bauer, c’est à la justice de trancher ce genre de cas en fonction des déclarations des parties, des antécédents éventuels, de la situation, etc.

Et si la victime, choquée, n’arrive pas à dire non?

«C’est ce qu’on appelle l’état de sidération. La personne est tétanisée, elle ne dit rien. Du coup l’auteur du viol considère à tort qu’elle est consentante et continue», explique Raphaël Mahaim. Et le Vaudois craint que si le modèle du «non c’est non» passe, ces cas échappent à la loi. Or, «il faut à tout prix qu’ils soient sanctionnés», estime-t-il. Pour lui, seule la variante du oui c’est oui le permettra. Ce n’est pas l’avis de Philippe Bauer. «Le Tribunal fédéral tient déjà compte aujourd’hui des cas de sidération, des affaires ont fait jurisprudence», explique-t-il. Le modèle du «non c’est non» en tiendra compte aussi, selon lui. Mais évidemment, il faudra pouvoir prouver la sidération, via des examens ou des expertises, rappelle-t-il.

Comment obtenir le consentement du partenaire?

«Cela ne doit pas être un contrat signé en trois exemplaires», rassure Raphaël Mahaim. Il suffit d’aller chercher l’accord de la personne avant l’acte sexuel et de s’assurer qu’elle en a envie. «Cela peut être explicite en communiquant verbalement avec elle. Ou implicite. Comme lorsqu’on se lance dans des préliminaires et que la personne y répond positivement», explique-t-il. «Si l’une va chercher un préservatif et que l’autre l’encourage, c’est aussi un consentement implicite» imagine-t-il. «En fait, c’est ce qui correspond déjà à la réalité pour beaucoup de monde», constate-t-il. «Et c’est comme cela que doit se passer».

À noter encore que selon une récente enquête, la majorité des Suisses pensent que le principe du «seul un oui est un oui» est la meilleure façon de protéger les victimes.

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