Royaume-UniBoris Johnson peut-il vraiment espérer revenir au pouvoir?
Dans un nouveau coup de théâtre, Boris Johnson cherche vendredi à obtenir les parrainages nécessaires pour tenter de redevenir Premier ministre britannique.
En vacances aux Caraïbes, Boris Johnson n’est pas encore candidat pour devenir Premier ministre du Royaume-Uni, pas plus que Rishi Sunak, l’ancien ministre des Finances avec lequel il était encore récemment à couteaux tirés. Mais les deux hommes semblent les mieux placés dans cette élection accélérée, interne au parti conservateur, qui doit accoucher d’un nouveau Premier ministre en une semaine maximum, après la démission de Liz Truss jeudi, dirigeante éphémère pendant 44 jours.
Soutien des conservateurs
Alors que le pays aspire à la stabilité après plusieurs mois d’un mauvais feuilleton politique mettant en scène dissensions, trahisons et incompétence, Boris Johnson, l’ancien héros charismatique du Brexit qui avait démissionné en juillet après une série de scandales, continue à diviser l’opinion: 52% des Britanniques ne souhaitent pas son retour selon une enquête d’opinion YouGov. Mais 56% de ceux qui avaient voté conservateur en 2019 seraient «heureux» ou «très heureux» de son retour.
Pour ses partisans, c’est lui ou l’oblitération du parti conservateur aux prochaines élections. Ils le voient aussi comme le seul à être légitime, ayant offert une majorité historique aux conservateurs lors des législatives de 2019.
«Seul Boris peut gagner la prochaine élection»
Le ministre de la Défense Ben Wallace, très populaire auprès de la base du parti, a ainsi déclaré vendredi qu’il «penchait» pour lui; le ministre des Entreprises et de l’Énergie Jacob Rees-Mogg a été le premier membre du cabinet à lui apporter son soutien en affirmant: «seul Boris peut gagner la prochaine élection.»
Un décompte officieux du site politique Guido Fawkes lui donnait vendredi après-midi 62 soutiens de députés, contre 81 pour Rishi Sunak et 23 à Penny Mordaunt, ministre des Relations avec le Parlement, la première à se lancer officiellement. Il leur faut 100 parrainages d’ici lundi 14h pour pouvoir être candidat, à trouver parmi 357 députés conservateurs.
Week-end sanglant
Les tractations en coulisses vont bon train. Boris Johnson s’apprêterait à rentrer à Londres et le week-end promet d’être sanglant. Mais ses adversaires sont horrifiés à l’idée de son retour. Ils ont en mémoire les fêtes illégales arrosées à Downing Street durant les confinements anti-Covid, ses mensonges à répétition et son manque de discipline qui avaient sapé la confiance, conduisant à des dizaines de démissions au sein du gouvernement, et à la sienne le 7 juillet.
«Farce absolue»
«Ce feuilleton est en train de virer à la farce absolue», a déclaré son ancien assistant Will Walden, demandant au parti conservateur «de se ressaisir». «Nous faisons ce qu’il aime, parler de Boris», a-t-il dit, en comparant la situation au célèbre tableau d’Edvard Munch «Le Cri».
«Il fait actuellement l’objet d’une enquête d’une commission parlementaire», a rappelé le député conservateur Richard Graham. C’est «presque 100% certain que la commission des privilèges conviendra qu’il a trompé le Parlement.» Auquel cas Boris Johnson, toujours député, pourrait être suspendu. Ce retour renverrait son parti «directement dans le pétrin dans lequel nous étions lorsqu’il était au pouvoir», a commenté un autre élu.
Apprécié par la base
Si deux candidats obtiennent les 100 parrainages, les députés se prononceront à titre indicatif lundi sur leur candidat préféré. Et il reviendra alors aux militants du parti de trancher par un vote en ligne. Et même s’il est moins populaire qu’il ne l’a été, Boris, formidable orateur, reste très apprécié de la base du parti.
«S’il est dans les finalistes, alors il est probable qu’il gagnera», estime Simon Usherwood, professeur de sciences politiques à l’Open University. «Le problème c’était sa personnalité, et elle n’a pas changé depuis qu’il est parti», dit-il aussi à l’AFP.
«Le Berlusconi anglais»
Dans un contexte de crise économique et sociale, l’opposition travailliste, largement en tête dans les sondages, demande à cor et à cri des législatives anticipées. Le parti centriste des libéraux-démocrates veut lui bloquer la candidature de Boris Johnson, soulignant qu’il a été reconnu coupable d’avoir enfreint la loi durant le «partygate». «Boris Johnson est le Berlusconi anglais», a dénoncé Daisy Cooper, chef adjointe du parti.