Commentaire: un an après, la guerre en Ukraine divise les Suisses

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CommentaireUn an après, la guerre en Ukraine divise les Suisses

Faut-il en faire plus pour l’Ukraine? Faut-il permettre la livraison d’armes? À ces questions les Suisses se répartissent en deux camps.

Eric Felley
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Eric Felley
Un char Léopard 2 allemand qui aurait besoin des munitions suisses pour participer aux opérations en Ukraine.

Un char Léopard 2 allemand qui aurait besoin des munitions suisses pour participer aux opérations en Ukraine.

AFP

Un mois après le WEF de Davos, la pression ne faiblit pas sur la Suisse pour qu’elle autorise la réexportation de matériel militaire pour défendre l’Ukraine. À l’occasion de la Conférence de Munich en fin de semaine dernière, Ignazio Cassis et Viola Amherd se sont fait remonter les bretelles. La ministre allemande Annalena Baerbock a été cette fois très claire: «La neutralité n’est plus une option. Être neutre, c’est prendre le parti de l’agresseur».

Depuis le début de la guerre, qui aura un an le 24 février prochain, la Suisse est dans le viseur de ses alliés occidentaux. Au mois de mai 2022, la Commission d’Helsinki l’avait accusée d’être «le principal complice du dictateur russe Vladimir Poutine et de ses acolytes» à cause des fonds russes qui s’y trouvent estimés à 200 milliards de francs. Cette accusation avait été démentie par l’ambassadeur américain et la polémique s’était éteinte.

«Peut-être une modification»

Mais nos partenaires habituels gardent un œil critique sur la Suisse. Samedi, c’est le quotidien «Le Monde» qui a publié un éditorial titré: «La Suisse ne peut se retrancher derrière sa neutralité». À Munich, Ignazio Cassis a répondu: «Le Conseil fédéral n’a pas d’espace de manœuvre. C’est au Parlement que cela se joue». Viola Amherd déclare aussi dans «Le Temps»: «La Suisse doit éviter un isolement. Le Parlement discute en ce moment d’un changement de la loi sur le matériel de guerre. Il y aura peut-être une modification». Ce «peut-être» en dit long sur l’absence de consensus sur l’échiquier politique helvétique, que ce soit entre les partis ou à l’interne des partis.

Du soutien à l’Ukraine

Selon le sondage publié ce dimanche dans la presse alémanique, la population suisse est aussi divisée. 55% des personnes estiment que la Suisse doit permettre la réexportation d’armes contre 45% qui y sont opposés. À la question de savoir si le Conseil fédéral doit en faire plus pour l’Ukraine, 41% estiment que non, 41% estiment que oui et 18% qu’il doit poursuivre sa politique actuelle. Une année après le début de conflit, la population suisse n’est pas homogène sur cette question, même si le soutien à l’Ukraine conserve une certaine majorité.

Pour en revenir au Parlement, lors la session de printemps qui s’ouvre dans une semaine, le Conseil des États débattra de la réexportation d’armes le 6 mars et le Conseil national le 8 mars. Les Chambres ont des approches différentes, mais le Conseil fédéral se montre plutôt réticent. Selon lui, les déclarations de non-réexportation déjà signées resteraient valables. La réexportation de matériel de guerre suisse ne serait possible que pour de futurs achats. La demande de l’Allemagne concernant les munitions pour les chars Léopard en Ukraine ne pourrait de toute façon pas être acceptée.

Un choix souverain

Les discussions du Parlement risquent fort d’aboutir à une impasse ou à des solutions dilatoires. Les pays qui demandent la possibilité de réexporter les munitions helvétiques ne doivent pas s’attendre à une décision rapide. Or la guerre, c’est maintenant. Si la Suisse ne veut pas y être associée militairement, c’est un choix souverain, au risque de se retrouver cataloguée dans le camp de l’agresseur et d’en assumer les probables conséquences.

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