FranceEmmanuel Macron commémore le 80e anniversaire de la rafle du Vél’d’Hiv
Le président français a inauguré dimanche dans l’ancienne gare de Pithiviers, d’où furent déportés des milliers de juifs vers Auschwitz-Birkenau en 1942, un nouveau lieu de mémoire de la Shoah. Il y a prononcé un «discours offensif» contre l’antisémitisme.
«Il y a huit décennies, la France de Vichy (ndlr: qui collaborait avec l’occupant nazi) trahissait ses enfants en livrant des milliers d’entre eux à leurs bourreaux. C’est le devoir de la France, pour être fidèle à elle-même, de le reconnaître et de ne rien céder à ce combat contemporain contre l’antisémitisme», a déclaré Emmanuel Macron, en se rendant sur un nouveau lieu de mémoire de la Shoah avec quatre ministres. Il a appelé «les forces républicaines de notre pays» à «redoubler de vigilance».
Le 16 juillet 1942 et les jours suivants, 13’000 juifs, dont 4115 enfants, avaient été arrêtés à Paris et dans sa banlieue par 9000 fonctionnaires français, à la demande des Allemands. 8160 d’entre eux, y compris les vieillards et les malades, avaient d’abords été conduits au stade du Vélodrome d’Hiver, connu sous le nom de Vél’d’Hiv, dans le XVe arrondissement de Paris.
Le discours d’Emmanuel Macron s’inscrit dans la droite ligne de celui prononcé, en 1995, par le président Jacques Chirac qui avait marqué les esprits en reconnaissant, le premier après cinquante ans de silence des autorités françaises, la pleine responsabilité de la France dans la Rafle du Vél’d’Hiv, à laquelle aucun soldat allemand n’avait participé. «Ces heures noires souillent à jamais notre histoire. La France ce jour-là accomplissait l’irréparable», avait déclaré Jacques Chirac. En juillet 2012, le président François Hollande avait été plus loin. «Ce crime fut commis en France, par la France», avait-il dit.
Un musée dans une ancienne gare
Emmanuel Macron a inauguré dimanche un musée dans l’ancienne gare de Pithiviers (centre), d’où étaient partis 8100 juifs, dont 4400 enfants, pour le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Seulement quelques dizaines d’entre eux en sont revenus.
«N’en déplaise à certains, cette gare témoigne de l’antisémitisme profond et inhumain de l’État français», qui «a mis à disposition des Allemands sa police, sa gendarmerie, ses trains…» a souligné Eric de Rothschild, le président du Mémorial de la Shoah, responsable du site.
Révisionnisme
Aujourd’hui, l’antisémitisme «peut prendre d’autres visages, se draper dans d’autres mots, d’autres caricatures», a estimé Emmanuel Macron. «Mais l’odieux antisémitisme est là, il rode, toujours vivace», a-t-il poursuivi, évoquant tour à tour la «barbarie terroriste», les «assassinats et crimes», les résurgences sur «les réseaux sociaux» ou les «profanations de tombes».
«Il s’immisce dans les débats sur les plateaux de télévision. Il joue de la complaisance de certaines forces politiques. Il prospère aussi autour d’une nouvelle forme de révisionnisme historique, voire de négationnisme», a-t-il insisté, faisant allusion, sans le nommer, au candidat d’extrême droite à la dernière élection présidentielle, Eric Zemmour, qui avait notamment soutenu que le maréchal Pétain, chef du régime de Vichy, avait «sauvé» des juifs français durant la Seconde Guerre mondiale.
«C’est une falsification de l’histoire», a répondu le chef de l’État. «Ceux qui s’adonnent à ces mensonges ont pour projet de détruire la République et l’unité de la Nation», a-t-il fustigé.
Une mémoire à transmettre
Il s’exprimait devant un parterre de personnalités de la communauté juive et d’élus, dont deux nouveaux députés Rassemblement national (extrême droite). L’un d’entre eux, Thomas Ménagé, a estimé que «la question de la responsabilité en tant que telle de l’État» dans la rafle du Vél’d’Hiv n’était pas «remise en cause», même si la cheffe de son parti, Marine Le Pen, avait tenu des propos inverses en 2017.
Il est important d’enseigner cette période de l’histoire «pour que les jeunes la connaissent et aient l’esprit critique», a souligné Serge Klarsfeld, le président de l’Association des fils et filles de déportés juifs.
Alors que le nombre de témoins de la Shoah encore vivants se réduit inexorablement, la priorité du musée de la gare de Pithiviers est d’accueillir les scolaires en leur montrant des films et des images, notamment de portraits des victimes.