Guerre en Ukraine: Le Conseil des Etats ouvre la voie à la réexportation des armes suisses

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Guerre en UkraineLe Conseil des États ouvre la voie à la réexportation des armes suisses

La Chambre des cantons a accepté mercredi une initiative parlementaire visant à autoriser les réexportations des armes, notamment vers l’Ukraine. Mais ce n’est pas pour demain.

Eric Felley
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Eric Felley
Le Conseil des États tentent une première approche pour assouplir l’utilisation des armes suisses vendues à l’étranger.

Le Conseil des États tentent une première approche pour assouplir l’utilisation des armes suisses vendues à l’étranger.

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Le Conseil des États a accepté ce mercredi une initiative parlementaire visant assouplir la loi sur le matériel de guerre par 24 voix à 17 et 4 abstentions. Le débat continue au Parlement pour trouver des solutions qui permettraient de répondre à l’affirmative aux sollicitations de certains pays (Allemagne, Espagne ou Danemark) qui ont fait des demandes à la Suisse pour pouvoir réexporter des armes afin de soutenir l’Ukraine contre l’invasion russe.

Cette initiative veut répondre en partie à la pression internationale. Comme l’a dit Charles Julliard (C/JU) au nom de la commission: «La position de la Suisse est de moins en moins comprise à l’international, malgré les explications du Conseil fédéral». Pour la majorité de la commission: «La réglementation actuelle est trop restrictive. Une modification de la loi relève du droit national dans le respect de la neutralité». Un avis partagé par le président du PLR, Thierry Burkart (PLR), qui est à l’origine du texte. La modification créerait ainsi un mécanisme et le Conseil fédéral n’aurait plus à se déterminer au cas par cas. Par ailleurs, la majorité craint que la situation actuelle ne finisse par nuire à la «compétitivité de l’industrie suisse de l’armement».

Interdiction abrogée après cinq ans

L’initiative du Conseil des États veut assouplir les conditions de réexportation pour certains pays fiables (voir la liste ci-dessous), qui ont acheté des armes suisses. L’Ukraine pourrait en bénéficier, car les déclarations de non-réexportation de ces pays, signées il y a plus de cinq ans, deviendraient caduques au moment de l’entrée en vigueur de la loi. Si cela était le cas aujourd’hui, des armes achetées avant 2018 pourraient être réexportées en Ukraine. Mais le Parlement n’en est pas là.

Une loi pour l’industrie de l’armement

Mathias Zopfi (V/VL) a défendu la minorité contre ce changement. S’il a reconnu la légitimité de l’Ukraine à combattre, il a dénoncé une modification alibi pour «défendre l’industrie de l’armement». Pour la minorité, une modification du régime de réexportation n’est pas compatible avec la neutralité suisse. Des modifications apportées rétroactivement à la loi créeraient également de l’insécurité juridique. Pour elle, il ne faut pas s’écarter de la loi en vigueur qui a été voulue restrictive en 2021. «L’Ukraine a besoin de notre aide, mais pas de nos armes», a dit le Glaronais.

Carlo Sommaruga (PS/GE) a également mis en garde. «Je suis inquiet de cette décision. Changer les règles du jeu en cours d’un conflit majeur a un impact fort. Demain, les critiques vont s’étendre sur notre neutralité, et c’est très préoccupant. Par ailleurs, les délais de traitement parlementaire de l’initiative, font que cette modification arrivera probablement après la fin du conflit. On aura fait une loi qui favorise les possibilités d’exportation de l’armement».

Le conseiller fédéral Guy Parmelin a écouté le débat, «très fructueux et intéressant» a-t-il souligné, sans se prononcer pour l’instant sur l’initiative des États. Il s’est exprimé sur la motion du Conseil national. Au mois de mars, le Conseil national avait adopté une motion pour modifier la loi sur le matériel de guerre. Mais, amputée de tout aspect contraignant, elle restait sans effet sur des dérogations possibles. Le Conseil des États l’a finalement rejetée.

L’acceptation de l’initiative par le Conseil des États est un tout premier petit pas vers un assouplissement futur de la loi. Les Chambres fédérales mettent du temps à s’accorder autour de cette question. La commission sœur du Conseil national a déjà fait savoir qu’elle s’opposait à l’initiative parlementaire des États par 16 voix contre 7 et 2 abstentions. Mais qu’elle défendait sa propre initiative «lex Ukraine», qui a été cependant refusée à semaine dernière par 98 voix contre 74.

Les principales propositions de l’initiative des États

  • Limiter à 5 ans la durée de validité des déclarations de non-réexportation pour les pays qui achètent du matériel de guerre suisse

  • La réglementation ne s’applique qu’aux pays mentionnés à l’annexe 2 de l’ordonnance sur le matériel de guerre (voir ci-dessous).

  • Des critères stricts doivent être appliqués pour qu’aucun matériel de guerre suisse ne soit utilisé lors de conflits armés ou contre les populations civiles.

  • La réexportation de matériel de guerre vers un pays en guerre est possible si le pays concerné fait usage de son droit à la légitime défense, conformément au droit international public.

  • Les déclarations de non-réexportation, signées par les pays de l’annexe 2 plus de cinq ans avant l’entrée vigueur de la loi, seront abrogées.


Liste des pays qui seraient concernés par l’assouplissement

  • Allemagne

  • Argentine

  • Australie

  • Autriche

  • Belgique

  • Canada

  • Danemark

  • Espagne

  • États-Unis

  • Finlande

  • France

  • Grande-Bretagne

  • Grèce

  • Hongrie

  • Irlande

  • Italie

  • Japon

  • Luxembourg

  • Nouvelle-Zélande

  • Norvège

  • Pays-Bas

  • Pologne

  • Portugal

  • Suède

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