Minorités sexuellesAu Danemark, une étude inédite sur le taux de suicide des transgenres
Cette recherche, dont les résultats sont jugés «profondément préoccupants et douloureux» par l’association LGBT+, est la première au monde à présenter des statistiques nationales.
Au Danemark, les personnes transgenres ont près de huit fois plus de risque de faire une tentative de suicide que le reste de la population, selon la première étude nationale sur le sujet publiée dans la revue scientifique Journal of the American Medical Association.
Réalisée entre 1980 et 2021
Cette étude est la première au monde à présenter des statistiques nationales. Jusqu’à présent, seules des données partielles étaient disponibles mais montraient déjà que suicide et tentatives de suicide étaient beaucoup plus fréquents chez les personnes transgenres. Aux Etats-Unis, selon l’Académie américaine de pédiatrie, plus de 56% des jeunes transgenres ont eu des idées suicidaires au cours de leur vie et 31% ont fait au moins une tentative de suicide.
«Le Danemark est connu pour être un pays assez libéral. On pourrait donc craindre que les taux soient plus élevés dans d’autres pays où les personnes transgenres sont davantage stigmatisées, discriminées et victimes de crimes haineux», analyse la sociologue Annette Erlangsen, interrogée par l’AFP. L’étude danoise, réalisée entre 1980 et 2021 sur plus de 6,6 millions de Danois de plus de 15 ans à partir de données issues du registre national d’identité, montre que les personnes transgenres ont 3,5 fois plus de risque de mourir par suicide que le reste de la population.
«Stress minoritaire»
Sur 3759 personnes transgenres identifiées, l’étude a recensé 12 suicides et 92 tentatives de suicide sur la période. Sur ces 42 ans, le taux de mortalité par suicide s’est élevé à 75 pour 100’000 pour les personnes transgenres contre 21 pour les personnes non transgenres.
Comment expliquer ces chiffres? Pour la responsable du projet, cela tient principalement au phénomène du «stress minoritaire». «Lorsque vous appartenez à un groupe minoritaire marginalisé, comme c’est le cas des personnes transgenres, vous éprouvez plus de stress», explique la sociologue Annette Erlangsen, évoquant «des situations difficiles» comme le choix des toilettes publiques à utiliser.
«Lorsqu’on est en contact avec le système de santé, les examens physiques peuvent être très difficiles à affronter pour les personnes transgenres», développe-t-elle. «Nous espérons que nos résultats élimineront les derniers doutes sur le fait que les personnes transgenres forment un groupe vulnérable», estime le professeur de santé sexuelle et épidémiologie Morten Frisch, co-auteur de l’étude. En outre, «les tentatives de suicide et les décès par suicide que nous avons observés et analysés ne représentent que la partie émergée de l’iceberg», affirme-t-il.
Solitude, anxiété, dépression
«En dessous se trouve un fardeau encore plus lourd de problèmes de santé mentale moins visibles, tels que la solitude, l’anxiété, la dépression et l’automutilation non suicidaire chez les personnes transgenres», explique le médecin. D’après l’étude, la proportion de personnes transgenres présentant des troubles psychiatriques (42,9%) est environ six fois plus élevée que dans le reste de la population (7,1%). «Les personnes transgenres sont plus susceptibles de souffrir de troubles mentaux en raison du stress qu’elles subissent dans la société. Cela peut également conduire à ce que nous appelons des comportements à haut risque», renchérit sa collègue.
Interrogée par l’AFP, l’association LGBT+ a jugé les résultats de l’étude «profondément préoccupants et très douloureux, mais pas surprenants». «Je pense que nous pouvons utiliser l’étude pour lancer davantage d’initiatives dans ce domaine, afin d’offrir un meilleur soutien», propose la directrice de l’association, Susanne Branner.