AfghanistanLes talibans interdisent aux ONG de travailler avec des femmes
D’après les autorités talibanes, les organisations non gouvernementales nationales ou internationales ne respecteraient pas le port du voile islamique.
Les autorités talibanes ont ordonné samedi aux organisations non gouvernementales (ONG) de ne plus travailler avec des femmes car elles ne respectaient pas un code vestimentaire approprié, une annonce qui intervient quatre jours après l’interdiction faite aux filles d’étudier à l’université pour les mêmes raisons.
«Il y a eu des plaintes sérieuses concernant le non-respect du hijab islamique et d’autres règles et règlements relatifs au travail des femmes dans les organisations nationales et internationales», affirme, dans une lettre, le ministère chargé d’approuver les licences des ONG opérant en Afghanistan.
«En cas de négligence de la directive (…) la licence de l’organisation qui a été délivrée par ce ministère sera annulée», précise le courrier qui s’adresse aux ONG nationales et internationales. Deux ONG internationales ont confirmé avoir reçu le courrier. «Nous suspendons toutes nos activités à partir de dimanche», a déclaré, sous couvert d’anonymat, un haut responsable d’une organisation internationale impliquée dans l’action humanitaire dans plusieurs régions reculées du pays.
Privées aussi d’études universitaires
Cette annonce intervient quatre jours seulement après la décision du gouvernement taliban d’interdire aux femmes afghanes de suivre des cours dans les universités publiques et privées du pays pour une durée indéterminée. Le ministre de l’Enseignement supérieur, Neda Mohammad Nadeem, a expliqué avoir pris cette décision car les «étudiantes qui se rendaient à l’université (…) ne respectaient pas les instructions sur le hijab».
«Le hijab est obligatoire dans l’islam», a-t-il insisté, faisant référence à l’obligation faite aux femmes en Afghanistan de se couvrir le visage et entièrement le corps. Selon lui, les filles qui étudiaient dans une province éloignée de leur domicile «ne voyageaient pas non plus avec un «mahram», un accompagnateur masculin adulte».
Retour à une interprétation ultra-rigoriste de l’islam
Cette nouvelle atteinte aux droits des femmes a été un choc pour de nombreuses jeunes Afghanes déjà exclues des écoles secondaires et suscité des condamnations internationales. En dépit de leurs promesses de se montrer plus souples, les talibans sont revenus à l’interprétation ultra-rigoriste de l’islam qui avait marqué leur premier passage au pouvoir (1996-2001).
Depuis 16 mois, les mesures liberticides se sont multipliées en particulier à l’encontre des femmes qui ont été progressivement écartées de la vie publique et exclues des collèges et lycées. Dans une volte-face inattendue, le 23 mars, les talibans avaient refermé les écoles secondaires quelques heures à peine après leur réouverture annoncée de longue date. Divers membres du pouvoir avaient déclaré qu’il n’y avait pas assez d’enseignants ou d’argent mais aussi que les écoles rouvriraient une fois qu’un programme d’enseignement islamique aurait été élaboré.
Bannies des salles de sport, des parcs et des jardins publics
En plus d’être privées d’étudier, les femmes sont également bannies de la plupart des emplois publics ou payées une misère pour rester à la maison. Elles n’ont pas le droit non plus de voyager sans être accompagnées d’un parent masculin et doivent se couvrir d’une burqa ou d’un hijab lorsqu’elles sortent de chez elles. En novembre, les talibans leur ont également interdit d’entrer dans les parcs, jardins, salles de sport et bains publics.
L’UE condamne «fermement» la décision
L’UE, contributeur majeur au financement des ONG en Afghanistan, a réagi samedi à la décision. «L’Union européenne condamne fermement la décision récente des talibans d’interdire aux femmes de travailler dans les ONG nationales et internationales», a déclaré la porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell dans un communiqué. Nabila Massrali a fustigé «une nouvelle restriction sévère de la capacité des femmes afghanes à exercer leurs droits humains et leurs libertés fondamentales, et une violation claire des principes humanitaires».