FootballCommentaire: La Suisse de Yakin à l’épreuve du feu
Au Mondial 2022, la Suisse défiera au premier tour le Brésil, la Serbie et le Cameroun. Tirage très difficile. Défi à la hauteur.
- par
- Daniel Visentini
Dans l’absolu, Gianni Infantino a peut-être raison. Le tout-puissant patron de la FIFA, nouveau résident de Doha, affirme depuis longtemps et avec encore plus d’insistance ces derniers jours, que le Mondial 2022 au Qatar sera «le plus grandiose de tous les temps».
Cinquième participation consécutive
Il faut sans doute s’asseoir sur la morale, les droits de l’homme, ceux des travailleurs qui ont construits les stades et dont beaucoup l’ont payé de leur vie, mais oui, dans un cynisme absolu qui ne s’arrêterait qu’aux frontières du terrain, fût-il climatisé en plein désert, il y aura là, peut-être la plus grandiose Coupe du monde de football de tous les temps. Un Mondial qui aura lieu du 21 novembre au 18 décembre. Avec des joueurs internationaux qui n’auront, pour la plupart, que deux ou trois mois de compétition dans les jambes et pas toute une saison complète. Sur le plan de la promesse sportive seule, quelque chose de fort s’annonce.
Ce quelque chose doit aussi exister pour l’équipe de Suisse. Après 2006, 2010, 2014 et 2018, ce sera la cinquième participation consécutive de la sélection helvétique à la phase finale du tournoi mondial. Pour qui pense que c’est chose acquise de se qualifier cinq fois de suite sur les cinq dernières éliminatoires, on rappelle que la Suisse fait là mieux que la Belgique, les Pays-Bas, l’Uruguay et des dizaines d’autres. Dont l’Italie bien sûr, absente en 2018 et éliminée cette année en barrage, après avoir fini derrière la Suisse dans les qualifications. En fait, il n’y a sur la planète foot que onze équipes en plus de la Suisse à s’être qualifiées pour les cinq derniers Mondiaux, de 2006 à 2022. En Europe, il n’y a que l’Allemagne, l’Angleterre, l’Espagne, la France et le Portugal à l’avoir fait. Cela pose une performance, sur sa régularité.
Changement de mentalité
L’exploit est là, en toutes lettres. Forcément, on devient gourmand, on considère que le minimum, c’est de se qualifier. C’est bien, cela dénote d’un changement de mentalité. On en vient même, pour certains, à considérer qu’une élimination en huitième de finale relève de l’échec. Là, c’est plus compliqué. Mais c’est ce à quoi à dû se confronter Vladimir Petkovic durant sept ans, malgré les résultats exceptionnels.
C’est désormais Murat Yakin qui est devant son destin. La Suisse est devenue ce petit pays du foot qui rêve en grand et ces rêves-là sont autant de chimères pour qui ne leur donne pas vie. Yakin, c’est l’homme providentiel de l’automne passé. Il arrive pour succéder à Petkovic, parti s’égarer à Bordeaux, il hérite d’une équipe privée de plusieurs cadres, dont le plus important - Granit Xhaka -, mais il qualifie la Suisse à la première place du groupe, devant l’Italie, avec la conséquence que l’on sait aujourd’hui pour les Transalpins. Exploit majuscule.
La Ligue des nations en juin
Mais c’est en 2022 que le nouveau sélectionneur doit asseoir son prestige. Il a commencé l’année avec une défaite en Angleterre et un nul poussif contre le Kosovo: personne ne lui en tient rigueur. Il y aura la Ligue des nations en juin et en septembre: c’est bien pour se préparer. C’est toutefois en fin d’année, au Qatar, qu’il est attendu vraiment. L’objectif minimum est un huitième de finale. Ce serait faire aussi bien qu’en 2006, en 2014 et en 2018. Forcément, après le quart de finale atteint à l’Euro 2020 et cette place en demi-finale qui ne s’est évanouie qu’aux tirs au but contre l’Espagne, le petit plus est furieusement espéré. C’est à cette pression que Murat Yakin doit faire face. C’est l’épreuve du feu.
Il est servi. Comme en 2018, la Suisse se retrouve dans le groupe du Brésil. C’était une équipe à éviter… Comme en 2018, la Suisse a ensuite été rejointe dans ce groupe G par la Serbie, l’une des équipes les plus dangereuses du chapeau 3. Troublant mimétisme, doublé de tout le malaise qui avait entouré ce Suisse-Serbie, pour les tensions politiques qui l'enveloppaient et les pressions malsaines faites sur les joueurs suisses d’origines albanaise ou kosovare. Avec aussi en réponse cet aigle bicéphale, formé avec les doigts par Xhaka et Shaqiri, les deux buteurs de la victoire. Les retrouvailles seront lourdes. Si l’on ajoute encore le Cameroun, il y a là l’un des tirages les plus compliqués qui soit pour la Suisse.
Adversaires redoutables
Ce sera l’occasion de voir où se situe la Suisse, celle de Yakin, quatre ans plus tard. Contre le Brésil, la Suisse avait commencé par un nul (1-1), à Rostov-sur-le Don. Elle avait continué par une victoire sur la Serbie à Kaliningrad (2-1). Avant de concéder le nul face au Costa-Rica à Novgorod (2-2). Avec le Cameroun, c’est la taille au-dessus, mais il n’y avait eu aucune défaite pour accéder aux huitièmes de finale.
Murat Yakin est donc fixé sur ses adversaires. Ils sont tous redoutables, le défi est immense. Il l’était aussi pour Petkovic. A lui de relever le défi maintenant. Si la Suisse a vraiment franchi un palier à l’Euro, l’été passé, elle doit en faire la démonstration au Qatar. Et c’est au nouveau sélectionneur d’écrire maintenant son histoire, aux joueurs aussi de continuer à le faire avec lui. Ce groupe G est sans doute très compliqué. C’est justement pour cela que l’opportunité est belle de montrer que la Suisse a un nouveau statut.