Argentine: Dernier hommage à «Hebe», pionnière des Mères de la Place de Mai

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ArgentineDernier hommage à «Hebe», pionnière des Mères de la Place de Mai

Des milliers d’Argentins sont venus assister jeudi à la dispersion à Buenos Aires des cendres d’Hebe de Bonafini, figure historique des «Mères de la Place de Mai».

Hebe de Bonafini avait 39 ans lorsqu’en 1977 la «Guerra Sucia» (Sale guerre) de la dictature bouleversa sa vie.

Hebe de Bonafini avait 39 ans lorsqu’en 1977 la «Guerra Sucia» (Sale guerre) de la dictature bouleversa sa vie.

AFP

Sur «sa» Place, à jamais. Des milliers d’Argentins ont assisté jeudi à Buenos Aires à la dispersion des cendres d’Hebe de Bonafini, figure historique des «Mères de la Place de Mai», à l’endroit même où pendant des décennies elles ont tourné, tourné, pour connaître le sort de leurs disparus sous la dictature.

Elle était venue une dernière fois, le 10 novembre, autorisée par ses médecins malgré la fragilité qui l’a emportée dix jours plus tard, à 93 ans. «Parce qu’ils savent que c’est bon pour ma santé, que j’ai besoin de la Place pour me soigner», avait-elle alors souri.

Jeudi, cinq de ses consœurs -- Visitacion, Josefa, Irene, Sara, Carmen -- parmi les dernières d’une armée vieillissante, le foulard blanc comme toujours noué sur la tête (symbolisant les langes des enfants disparus) ont déposé ses cendres sur un carré de verdure, au pied de l’obélisque de la Plaza de Mayo, face à la présidence.

«Guerra Sucia»

«30’000 fois merci!» (pour les 30’000 disparus ou tués sous la dictature, selon les ONG), «S’il y a lutte, il y a espoir», «Notre lutte n’a pas de date de péremption»… Les banderoles, pancartes, messages accrochés aux grilles de l’obélisque, reprenaient des mots d’Hebe, disaient la gratitude pour son infatigable combat.

Hebe de Bonafini avait 39 ans lorsqu’en 1977 la «Guerra Sucia» (Sale guerre) de la dictature bouleversa sa vie. Ses fils, Jorge, Raul, étaient enlevés à quelques mois d’intervalle, puis l’épouse de Jorge en 1978. Désemparée, Hebe voyait alors une mère de disparu lui proposer de se joindre à un rassemblement devant la Maison Rose, le siège du pouvoir exécutif argentin. Début d’un combat que seule la mort, disait-elle, pourrait arrêter.

Et pendant plus de 40 ans, tous les jeudis à 15h30, des «Mères», et sympathisantes, tournaient autour de l’obélisque, comme continue la quête des disparus. Jeudi, c’était la «Marche N.2328», et après la dispersion des cendres, des «Mères» ont brièvement tourné, à pied, transportées pour les plus frêles. Puis des milliers de personnes ont emprunté un circuit, élargi pour l’occasion aux grandes avenues avoisinantes.

Dans la foule, une atmosphère militante, incarnée par maints élus ou organisations péronistes, mais aussi des anonymes aux yeux rougis, dont beaucoup de contemporain(e)s de la peur sous la junte (1976-1983), et des premières «rondes» d’Hebe.

«Tout perdu, rien à perdre»

«Pour moi Hebe est une héroïne», affirme à l’AFP Virginia Garcia, 42 ans, de l’association Barrios de Pie, «car rechercher les disparus est quelque chose que peu de personnes osèrent faire.» «Cette lutte n’est pas finie, elle est éternelle car il reste beaucoup de douleur. Cela ne guérit pas, c’est une blessure ouverte», assure Martha Cervantes, 77 ans, dont le petit ami fait partie des disparus. «Mais nous avons la démocratie grâce à ces femmes. À elles toutes».

Car bien sûr, il y eut les «dissensions», les controverses autour de Hebe, à l’association très politisée (aveuglément pro-Kirchner), bifurquant vers la dénonciation de tous types d’oppressions, et scindée des «Mères de la Place de Mai-Ligne fondatrice». Il y eut sa défense des régimes Chavez, Maduro au Venezuela, sa réaction sans empathie au 11 septembre 2001, la procédure pour détournement de fonds à sa fondation…

Mais pas de quoi souiller sa lutte pionnière, le défi à la junte. «Ce qu’on célèbre aujourd’hui, c’est son héritage. Hebe était une grande combattante, très frontale. Elle ne reculait devant personne», se souvenait Angela Cardella, 82 ans, qui passa la dictature en «exil intérieur», dans un village loin de Buenos Aires, pour échapper au sort voué aux «subversifs». Hebe «disait qu’elle avait tout (ses enfants) perdu, et n’avait donc plus rien à perdre», ajoutait Angela, venue souvent au fil des ans marcher aux côtés des «Mères».

(AFP)

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