JuraUne terrasse de bistrot fait jaser à Delémont
Deux restauratrices rendront leur tablier après avoir été contraintes de mettre la sourdine.
- par
- Vincent Donzé
Quelle est la vocation d’une vieille ville? À Delémont, le parlementaire Léo Macquat interroge les autorités après la victoire d’un couple de résidents sur un duo de restauratrices: au Cheval Blanc, la petite terrasse nichée à l’arrière de l’établissement doit fermer à 19 heures, sur ordre des autorités.
En remarquant l‘absence de permis de construire pour la terrasse d’une vingtaine de places, le couple dérangé par des brouhahas de paroles et musique pensait obtenir sa fermeture. Mais depuis 1985, cinq tenanciers ont exploité cette terrasse mentionnée dans la patente jusqu’à l’arrivée de Fatima Charmillot et Samia Perrin, si bien que la construction ne doit pas être démontée. Pour les nuisances sonores, c’est une autre histoire…
Expertise acoustique
Le bruit mesuré lors d’une expertise acoustique a légitimé une restriction d’utilisation de la terrasse. Sur ordre du tribunal de première instance, cet espace entre trois murs doit être fermé non plus à 22 heures, mais à 19 heures, afin de respecter les normes de bruit de la zone, ainsi qu’une condition du permis de construire délivré en 2018.
«On était d’accord de payer des panneaux acoustiques afin de réduire le bruit. Mais le mari et sa femme ne veulent pas entrer en matière», ont raconté au «Quotidien Jurassien» les deux tenancières pour qui «cette terrasse, c’était notre survie».
À leur métier
«Nous sommes écœurées, à bout», disaient Fatima et Samia avant les vacances. Après avoir surmonté la pandémie, les deux amies jetteront leur tablier pour se consacrer entièrement à leur métier, les soins à domicile pour l’une, l’aide aux migrants pour l’autre.
Le Cheval Blanc changera de mains ou fermera ses portes, mais sa terrasse fait jaser à Delémont. Elle s’invitera lundi prochain au Conseil de Ville, le parlementaire Léo Macquat ayant déposé une intervention intitulée: «La terrasse du Cheval Blanc va-t-elle être un précédent pour la fermeture de toutes les terrasses de la vieille ville?».
De jolis côtés
Dans sa demande de précisions, l’élu chrétien-social indépendant a choisi son camp: «Nous savons que vivre en vieille ville a beaucoup de jolis côtés, y compris celui de pouvoir être proche de l’apéro. Peut-être trop proche selon certains citoyens, qui ont décidé de mener la vie dure à certains tenanciers», écrit Léo Macquat.
En s’exprimant à visage découvert dans «Le Quotidien Jurassien», les voisins ne se sont pas fait que des amis. Ce couple de retraités affirme pourtant ne pas être «des quérulents qui veulent garder une paix royale et empêcher les autres de vivre».
À l’aide sociale
«Faut-il être à l’aide sociale pour vivre en vieille ville de Delémont?» interroge le mari octogénaire, ancien membre de la direction du géant pharmaceutique Ciba Geigy.
Ce voisin mécontent tient «à ce que cette partie de la vieille ville ne se transforme pas en gueuloir et en fin de nuit en dégueuloir». Le débat est lancé en prévision de la séance du Conseil de Ville, d’autant que le voisin gêné par les fêtards est conseiller de Ville dans les rangs socialistes.
Les carottes sont cuites
Avec ou sans débat parlementaire, les carottes sont cuites pour Fatima Charmillot et Samia Perrin: le cuisinier et les sommelières ont reçu leur congé, à défaut de leurs derniers salaires. Le Service de l’urbanisme s’est manifesté à la rentrée pour tendre une perche, mais c’est trop tard: «La saison est fichue», indiquent les tenancières.
«Pendant qu’on nous assassine, on ne reçoit aucun soutien: le maire n’est jamais venu au Cheval Blanc!» déplore Fatima. Elle s’est fait une promesse pour le printemps prochain, une fois son bistrot fermé: «Je ne remettrai plus jamais les pieds en vieille ville», lance-t-elle en vantant la vie nocturne de Porrentruy et de Bienne.