Football: Humeur: les gardiens du monde entier remercient Neuer

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FootballHumeur: les gardiens du monde entier remercient Neuer

En commettant une immense bourde, le rempart infranchissable du Bayern a rappelé qu’il était faillible, tout Neuer qu’il était. Voilà de quoi consoler tous les portiers vivant avec le poids de leurs erreurs.

Nicolas Jacquier
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Nicolas Jacquier
88e minute mercredi soir à Madrid: Manuel Neuer vient de relâcher la frappe anodine de Vinicius, Joselu (à dr.) ne se prive pas d’exploiter pareil cadeau pour égaliser.

88e minute mercredi soir à Madrid: Manuel Neuer vient de relâcher la frappe anodine de Vinicius, Joselu (à dr.) ne se prive pas d’exploiter pareil cadeau pour égaliser.

AFP

Jusque-là, hier soir à Bernabéu, Manuel Neuer, imperturbable, avait été impeccable, multipliant les sauvetages jusqu’à dégoûter les joueurs du Real Madrid. Dans sa cage, l’infranchissable portier et capitaine bavarois avait été énorme, immense, imbattable, repoussant chaque nouvelle vague. Si le Bayern était sur le point de rejoindre le Borussia Dortmund dans une finale 100% allemande à Wembley le 1er juin, c’était principalement grâce à lui - accessoirement au magnifique but signé Alphonso Davies aussi (68e, 0-1). Mais l’homme de la soirée, il n’y avait pas photo, c’était forcément déjà lui…

Puis allait survenir cette fatidique 88e minute et cette action somme toute anodine. Avec une frappe de Vinicius certes enroulée et au rebond curieux - mais certainement pas de quoi pouvoir abuser jusqu’à le tromper un gardien de la trempe de Neuer.

Pourtant, lui qui avait tenu la baraque jusque-là, lui contre lequel les Merengue s’étaient systématiquement brisés jusque-là, allait commettre l’irréparable, relâchant un ballon mal contrôlé, qui avait étonnamment rebondi sur sa poitrine sans que l’on sache trop ni comment ni pourquoi – l’intéressé le saura-t-il vraiment un jour? Une boulette fatidique qui allait aussitôt profiter à Joselu, n’ayant plus qu’à pousser le ballon au ballon pour une égalisation qui allait forcément tout changer.

De super-héros à roi des cons

Voir Neuer commettre ce genre de bourde, aïe… Avouons-le, c’était le gars à qui cela ne pouvait pas arriver mais cela s’est quand même produit; l’un des meilleurs gardiens de la planète, sinon le plus grand, trahi par lui-même lorsqu’il a abandonné son costume de super-héros pour revêtir celui de poissard, ou de roi des cons si vous préférez une formule plus proche de la réalité.

En quelques secondes, Manuel Neuer allait soudainement redevenir bêtement humain, normalement faillible parce qu’en même temps fragile. Au pire moment de la compétition de clubs la plus prestigieuse qui soit, dans l’antichambre de la finale et devant des millions de téléspectateurs, beaucoup incrédules comme on l’a été. Les fans du Bayern n’en ont pas cru leurs yeux. Neuer, l’objet de leur dévotion, non plus, tandis que ceux du Real pouvaient jubiler devant ce cadeau aussi inattendu qu’inespéré.

À 38 ans, après avoir galéré pour revenir au plus haut niveau et retrouver sa place entre les poteaux après un stupide accident de ski survenu en décembre 2022, Neuer méritait-il de vivre cela? On laissera à chacun le soin de répondre en fonction de son ressenti personnel. Souvent impassible au point de ressembler à une statue de cire, Neuer, lui, devait enfin esquisser un imperceptible mouvement d’humeur. On a alors vu le monument se fissurer, le masque tomber et à ce moment-là, la détresse de celui qui l’incarnait faire peine à voir tant elle traduisait un instant de stupéfaction.

Personne n’est à l’abri

Quand une telle erreur arrive à un petit junior E, D ou C, le réflexe consiste à (lui) dire que cela doit servir de leçon. Lorsqu’elle est commise par un géant comme Neuer, on se dit que cela doit consoler tous les gardiens amateurs qui, chaque week-end, sont coupables d’une même erreur sur des terrains de campagne, ici ou ailleurs.

Thomas Tuchel n’a bien sûr pas cherché à enfoncer son capitaine davantage qu’il ne l’était déjà. «S’il y a bien quelqu’un qui ne méritait pas ça, c’est Manu, devait simplement répéter le coach déchu. C’est impensable qu’il fasse cette erreur, et il la fait ce soir, après sa rencontre de classe mondiale…»

Voilà qui est de nature à rappeler l’«Angoisse du gardien de but au moment de l’erreur» pour paraphraser le livre de Peter Handke concernant plus spécifiquement le penalty. Pour n’importe quel gardien, qu’il soit de 5e ligue, de 2e ligue, de Super League helvétique, du PSG ou du Bayern Munich, l’erreur reste toujours la hantise, personne, y compris les plus grands, n’étant à l’abri d’en commettre une au moment où l’on s’y attend parfois le moins.

Seul son prix, et par là même les conséquences d’une bourde, diffère considérablement. En redevenant humain avec sa gaffe aussi monumentale, Manuel Neuer a certainement dû réconforter la grande famille des portiers du monde entier. Où qu’ils se trouvent et qu’importent le club et le niveau dans lequel ils évoluent, ils doivent être nombreux, depuis hier soir, à l’en remercier. Ils ne joueront plus jamais seuls. Les voici qui peuvent partager avec Neuer leur(s) bévue(s) et autres maladresses, dès l’instant où celles-ci arrivent aussi aux autres. Parce que l’erreur surgit même quand ça ne doit pas arriver.

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