CommentairePrimes 2022: faut-il dire merci aux assureurs maladies?
Les caisses sentent qu’elles sont allées trop loin avec leurs réserves. Les gens comprennent aussi de moins en moins leur double casquette d’assureurs maladie et d’acteurs financiers.
- par
- Eric Felley
Si quelqu’un vous doit 6000 francs et qu’il vous rembourse 380 francs, pensez-vous être quitte? Probablement que non… C’est ce qui passe avec les réserves excédentaires des assurances maladie. Sur les 12,4 milliards de réserves accumulées ces dernières années, on peut estimer qu’une moitié correspond à la couverture légale des risques, mais que l’autre moitié n’est pas techniquement justifiable. Sur ces 6 milliards, qui appartiennent aux assurés, les caisses ont décidé d’en restituer 380 millions, ce qui correspond à 6,3% ou environ 45 francs par assuré en Suisse.
Dans l’appréciation de ces réserves, le conseiller fédéral Alain Berset a attiré l’attention mardi sur le fait que cet argent «ne dort pas». Il produit des revenus de capitaux qui profitent à la bonne santé de l’ensemble, mais ces bénéfices appartiennent toujours aux assurés «et à personne d’autre». Là où la situation est bancale, c’est que l’assureur s’occupe de votre argent, mais il ne vous dira jamais comment. La gestion de cette fortune est laissée au bon vouloir des caisses dans la plus grande confidentialité, ou opacité, c’est selon.
17 milliards sur les marchés financiers
Le conseiller national Olivier Feller (PLR/VD) vient de déposer une interpellation à Berne, où il constate que les assureurs maladie «placent quelque 17 milliards sur les marchés financiers: obligations, actions, produits dérivés, etc.» Le contrôle de cette appréciable activité financière, qui doit obéir à un certain nombre de règles, relève de l’Office fédéral de la santé publique (et non pas de la FINMA comme c’est le cas pour la plupart des acteurs financiers du pays). Le Vaudois demande dans quelle mesure l’OFSP pratique effectivement ces contrôles et s’il serait prêt à en rendre compte publiquement. Pour une fois, c’est un élu de droite qui réclame de la transparence autour des caisses.
Les petites mains et les financiers
Le fait est que le métier de l’assurance-maladie cache deux activités. Il y a la ruche et ceux qui vendent le miel. La première est celle d’assurer les gens, d’encaisser les primes, de vérifier et payer les factures, de contrôler si les prestations des médecins ou des hôpitaux sont correctes, etc. Bref, c’est le métier de base effectué par des milliers de petites mains tous les jours. La deuxième est celle qui relève de la finance et celle-ci a pris une sacrée ampleur. Plus il y a d’argent (en particulier les réserves), plus cette activité est valorisée dans l’entreprise et gratifiante pour ceux qui y travaillent. Au fil des ans (après le rejet de la caisse unique notamment), il s’est produit une dérive vers la deuxième activité plus lucrative, à laquelle les caisses fixent pour une bonne part leurs propres règles.
Des restitutions pendant trois ans
Aujourd’hui, les assureurs se disent prêts à restituer une partie de cet argent, car ils sentent qu’ils sont peut-être allés trop loin dans cette voie. La pression du Conseil fédéral pour qu’ils restituent «volontairement» cet argent intervient dans un contexte, où ils doivent redorer leur image, après que certains ont refusé d’utiliser leurs réserves dans le cadre de la pandémie. Espérons que cela aura une suite. Le Groupe Mutuel, par exemple, a promis mercredi qu’il allait continuer à restituer des réserves ces trois prochaines années. Mais la question demeure: si quelqu’un vous doit 6000 francs et qu’il vous en rend finalement 2000, pensez-vous être quitte?