JaponLe compositeur Ryuichi Sakamoto est mort à 71 ans
Le musicien et compositeur japonais Ryuichi Sakamoto est décédé d’un cancer, fin mars. Il était âgé de 71 ans.
Il a composé des musiques de films inoubliables, inlassablement défriché en pionnier les sons numériques et milité avec ferveur pour l’environnement: le foisonnant artiste Ryuichi Sakamoto, adulé dans son Japon natal, est mort d’un cancer le 28 mars à 71 ans.
«Il a vécu avec la musique jusqu’à la toute fin», a déclaré son équipe dans un communiqué publié sur son site officiel, ajoutant que l’artiste avait souhaité des funérailles discrètes réservées à son cercle familial. Sakamoto avait révélé début 2021 souffrir d’un cancer colorectal, après avoir été traité pour un cancer de la gorge depuis 2014.
Oscar de la meilleure musique
Le grand public international l’a découvert avec ses musiques de films, à commencer par celle de «Furyo» de Nagisa Oshima (1983), film subversif sur un camp de prisonniers en Asie durant la Seconde Guerre mondiale, où Ryuichi Sakamoto brille aussi en tant qu’acteur aux côtés de David Bowie et Takeshi Kitano.
Il décroche en 1988 l'Oscar de la meilleure musique de film pour avoir co-écrit celle du «Dernier Empereur» de Bernardo Bertolucci, qui a joué plusieurs fois avec lui, notamment sur son film suivant, «Un thé au Sahara» (1990) . Ryuichi Sakamoto avait aussi travaillé pour Brian de Palma et Pedro Almodovar, et plus récemment écrit la bande originale de «The Revenant» d’Alejandro González Iñárritu (2015).
Il a baigné dans la culture et les arts
Né à Tokyo le 17 janvier 1952, il a grandi en baignant dans la culture et les arts, son père étant éditeur de romanciers japonais, dont les immenses Kenzaburo Oe et Yukio Mishima. Il découvre le piano très jeune. Adolescent, le rock des Beatles et des Rolling Stones le fascine tout autant que Bach et Haydn, avant de tomber éperdument amoureux de Debussy.
Tout en menant des études d’ethnomusicologie et de composition, ce qui lui vaudra au Japon le surnom respectueux de «professeur», il commence à se produire sur scène dans le Tokyo bouillonnant des années 1970. «Je travaillais avec l’ordinateur à l’université et je jouais du jazz, j’achetais de la musique psychédélique West Coast et les premiers disques de Kraftwerk l’après-midi, et la nuit je jouais du folk. J’étais pas mal occupé!», racontait-il en 2018 au quotidien britannique «The Guardian».
Succès phénoménal
En 1978 il co-fonde avec Haruomi Hosono et Yukihiro Takahashi le groupe Yellow Magic Orchestra (YMO), dont l’électro-pop survitaminée aura par la suite une énorme influence sur la techno, le hip-hop et la J-pop, et inspirera les mélodies synthétisées des premiers jeux vidéo.
Le succès de YMO sera phénoménal au Japon et certains de ses tubes seront remarqués aussi en Occident, comme l’électro-funk «Computer Game/Firecracker», qui sera samplé par le pionnier américain du hip-hop Afrika Bambaataa, ou «Behind the Mask », qui donnera lieu à des reprises par Michael Jackson et Eric Clapton. Après la dissolution de YMO fin 1983, Ryuichi Sakamoto donne libre cours à ses projets solo, explorant au fil de sa carrière une foule de styles musicaux (rock progressif et ambient, rap, house, musique contemporaine, bossa nova…).
Ecologiste convaincu
Il multiplie les collaborations avec des artistes avant-gardistes, mais aussi avec des stars comme le punk Iggy Pop, la chanteuse capverdienne Cesaria Evora, le Brésilien Caetano Veloso ou encore le Sénégalais Youssou N’Dour. «Je veux être un citoyen du monde. Cela peut sonner très hippie mais j’aime ça», disait Ryuichi Sakamoto, qui vivait à New York depuis les années 1990.
Loin d’être un artiste dans sa tour d’ivoire, Ryuichi Sakamoto était aussi très sensible aux grands enjeux sociétaux. Militant écologiste de longue date, il était devenu une figure de proue du mouvement antinucléaire au Japon après la catastrophe de Fukushima en mars 2011. Marié et divorcé à deux reprises, Ryuichi Sakamoto était notamment le père de la chanteuse de J-pop Miu Sakamoto, née en 1980 de son union avec la chanteuse et pianiste japonaise Akiko Yano.