Politique du genreLes États renoncent à légiférer sur l’écriture inclusive
Forte des assurances de la Chancellerie fédérale, la Chambre des cantons a rejeté la motion de Benjamin Roduit qui était pourtant passée au Conseil national.
![Eric Felley](https://media.lematin.ch/4/image/2023/10/25/649be52d-9129-4cd2-ac7f-eff88dafc17d.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=crop&w=400&h=400&rect=0%2C0%2C1430%2C1408&fp-x=0.5&fp-y=0.5&crop=focalpoint&s=c05b8698680dd925ea79774cbcb35ae1)
![Lisa Mazzone (V/GE) a développé les arguments de la commission pour rejeter cette motion devenue inutile. Lisa Mazzone (V/GE) a développé les arguments de la commission pour rejeter cette motion devenue inutile.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/08/cd581ff5-85d9-4ff5-94f8-d983f5084e9c.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C1039%2C780&fp-x=0.5004812319538018&fp-y=0.5&s=1af45bdbef2c30929ca798ca03fed2ec)
Lisa Mazzone (V/GE) a développé les arguments de la commission pour rejeter cette motion devenue inutile.
DRLe Conseil des États a rejeté tacitement mercredi une motion du conseiller national Benjamin Roduit (C/VS), qui s’attaquait à l’usage du langage épicène ou des formulations inclusives «non reconnus par l’Académie française» dans les textes de la Confédération. En juin dernier, le Conseil national l’avait acceptée par 98 voix à 77. Le titre de sa motion était: «Le respect de la langue française prime l’idéologie».
Au nom de la commission, Lisa Mazzone a expliqué pourquoi elle proposait le refus de cette motion, car des mesures ont déjà été prises: «Un élément qui a été décisif dans la discussion de la commission est l’existence du document intitulé: Pratiques d’écriture alternatives dans les textes de la Confédération en français – directive et explications du 1er novembre 2021».
Pas de «iel» ni de «froeur»
La Genevoise en a cité un extrait: «Les pratiques d’écriture alternatives, notamment les pratiques graphiques, astérisque, point médian, doublets abrégés et les néologismes – iel, froeur, etc. - ne sont pas utilisés. On recourt, en lieu et place et selon les cas, à des termes épicènes ou collectifs». Le principe vaut également pour les textes externes à la Confédération, où ces graphies ne sont pas reprises.
Les sénateurs se sont aussi laissé convaincre par les arguments du chancelier Walter Thurnherr au nom du Conseil fédéral. Il a rappelé que la Confédération avait pris des dispositions dans les années 2000 pour mettre en place dans les trois langues le «principe de la formulation non sexiste» et cela «dans un langage adéquat, clair et compréhensible pour tous».
«Des procédés encore expérimentaux»
À l’instar de Benjamin Roduit, le chancelier remarque: «Depuis peu, de nouvelles pratiques linguistiques se développent dans les textes qui ne relèvent pas de la Confédération, dans l’intention de donner de la visibilité aux personnes qui ne se reconnaissent pas dans le modèle binaire. La Chancellerie fédérale estime toutefois que ces procédés encore expérimentaux ne permettent pas d’atteindre l’objectif de visibilité pour tous».
Philippe Bauer pour le contrôle
Quant à l’enjeu «idéologique» soulevé par le conseiller national valaisan, il n’en a pas été directement question. Philippe Bauer (PLR/NE) a déclaré: «Si je ne m’oppose pas au rejet de la motion, c’est parce que le travail a été fait. J’espère que, comme on le disait dans une autre vie au service militaire: après avoir commandé, il y aura le contrôle nécessaire au sein de la chancellerie et, éventuellement, les punitions tout aussi nécessaires si les règles ne devaient pas être appliquées.».
L’Académie n’est pas forcément une référence
Isabelle Chassot (C/FR) a tenu à rappeler cependant que l’Académie française, dont se réclame l’auteur de la motion, n’a pas toujours été à la pointe de l’adéquation de la langue française avec les progrès sociaux, loin s’en faut. Alors qu’elle siégeait au gouvernement fribourgeois en 2000, le canton avait entrepris de féminiser les professions, ce qui restait une hérésie pour les 40 «Immortels». Il aurait fallu continuer de dire Madame l’avocat, Madame le procureur, Madame l’ambassadeur… C’est seulement en 2019, que l’Académie a cédé sur la féminisation des titres et fonctions sur la pression du gouvernement français.
Benjamin Roduit satisfait
Quant à l’auteur de la motion, Benjamin Roduit, il s’attendait à ce que sa proposition finisse ainsi: «J’aurais préféré que la motion soit votée pour plus de sécurité, mais la pression a porté ses fruits et le message est passé. Pour moi l’objectif est donc atteint et nous sommes à l’abri pour plusieurs années de cette dérive de l’écriture inclusive», conclut-il.