LittératureLe jury du Goncourt éclaboussé par une affaire de conflit d’intérêts
L’Académie qui remet le prestigieux prix littéraire est sous le feu des critiques après la découverte qu’un auteur retenu en lice est le compagnon d’une jurée.
L’Académie Goncourt, qui décerne le plus prestigieux prix littéraire français, est sur la sellette après une première sélection de 16 auteurs dont l’un est le compagnon d’une jurée, cette dernière ayant de plus publiquement étrillé une concurrente.
«La saison des prix littéraires commence à peine, et déjà, la première sélection du Goncourt semble entachée par un problème de conflit d’intérêts. L’un des 16 écrivains sélectionnés n’est autre que le compagnon de l’une des jurées, la romancière Camille Laurens. Les membres du jury le savaient et sont passés outre», a dénoncé mardi la radio publique France Inter sur son site internet.
Le jury du Goncourt a démenti tout conflit d’intérêts après ces révélations sur les liens de Camille Laurens et du philosophe et essayiste François Noudelmann, sélectionné pour «Les Enfants de Cadillac», un récit de la vie de son grand-père et de son père à travers les deux guerres mondiales.
«Ce n’était pas une raison pour pénaliser un bon livre»
«Nous avons estimé que ce n’était pas une raison pour pénaliser un bon livre», a déclaré le président de l’Académie Goncourt Didier Decoin à France Inter.
Le secrétaire de l’Académie, Philippe Claudel, a affirmé à l’AFP que les règles avaient été suivies strictement. «Il y avait une majorité d’entre nous qui avaient apprécié ce livre et qui ont découvert après coup qu’il y avait un lien entre François Noudelmann et Camille Laurens. Lien à propos duquel on a interrogé Camille Laurens», a-t-il rapporté.
«Il y a eu un vote pour dire que oui, on pouvait inclure le livre, que ce n’était pas un problème éthique ou déontologique, ce qui serait le cas s’il émanait d’un conjoint, d’un descendant, d’un ascendant. Et il a réuni une majorité qui lui a permis d’être dans la sélection. Pour l’Académie, le conflit d’intérêts a été écarté», a-t-il ajouté.
Une jurée étrille dans la presse un roman en lice
France Inter soulève un autre conflit d’intérêts potentiel: une critique sévère par Camille Laurens dans le journal «Le Monde» de «La Carte postale» d’Anne Berest, le 16 septembre, huit jours après la publication de la première liste du Goncourt où figurait ce roman.
L’usage veut que les jurés du Goncourt ne s’expriment pas publiquement sur les livres en lice et restent solidaires des choix de l’Académie en toutes circonstances. «Je n’ai pas apprécié du tout. Et nous en parlerons», a affirmé Didier Decoin à France Inter.
«Lors de la prochaine réunion, je serais favorable à ce que ce soit inscrit, sinon dans notre règlement, du moins dans nos règles orales: quand l’un d’entre nous a une tribune dans la presse, quelle qu’elle soit, il s’interdit de parler d’un livre qui est dans les sélections», a ajouté Philippe Claudel.
Le jury du Goncourt, qui compte dix membres, remet son prix annuel le 3 novembre.