Qatar 2022Trois questions pour préparer Serbie – Suisse
Jouer le nul? L’approche de la Serbie? Les faiblesses adverses à exploiter? Tout ce qu’il y a à prendre en compte en vue du match décisif pour la qualification pour les 8es de finale de la Coupe du monde, avant ce vendredi 20 heures.
- par
- Valentin Schnorhk Doha
C’est peut-être là, au Stade 974, que tout se terminera ce vendredi soir, peu avant minuit à Doha. L’équipe de Suisse doit avoir en tête cette éventualité, pour mieux l’éviter. Il n’y a pas beaucoup de scénarios qui l’enverront à la maison après ce match contre la Serbie (20 h en Suisse, 22 h au Qatar): une défaite, forcément. Et celui moins probable d’un match nul pendant que le Cameroun battrait le Brésil. C’est le premier qu’il faut surtout éviter.
Il y a encore une forme d’épreuve pour Murat Yakin. Cette fois, ce n’est pas face à une grande sélection qu’il doit s’opposer, mais une dont la valeur est similaire à son équipe de Suisse et qui doit absolument l’emporter. Une configuration encore différente de celles auxquelles l’équipe nationale a été déjà confrontée. Elle comporte donc son lot de questions: en voici trois, pour se préparer au mieux.
La Suisse doit-elle parier sur le nul?
C’est un exercice d’équilibriste. Mais le contexte l’impose. Un point pourrait suffire pour la qualification. Mais zéro l’en prive forcément. Et trois points seraient gages d’un ticket pour les 8es de finale. Comment donc aborder cette rencontre décisive? Le discours se veut ambitieux. «Nous sommes, je pense, la meilleure équipe, footballistiquement parlant, alors nous essaierons de dominer ce match, se convainc Manuel Akanji. Nous voudrons prendre les trois points, et nous serons suffisamment intelligents pour ne pas nous livrer complètement. Mais notre objectif est clairement de gagner.»
Au-delà du résultat, qui est une fin en soi, il y a un autre enjeu, celui qui doit permettre à la Suisse de remplir sa mission: produire du jeu, offensivement parlant. «Nous devrons être plus courageux, admet Murat Yakin. Nous obtiendrons notre qualification en réalisant une prestation convaincante. Je suis aussi persuadé que nous pouvons être plus efficaces. Il nous faudra pour cela prendre le match en main.» On peut se fier à l’intention.
Mais on peut aussi douter de sa mise en œuvre. À moins de changer d’approche, peut-être même de joueurs. Et pourquoi pas de système. Ce n’est pas vraiment le chemin que semble suivre Yakin. La quête de l’équilibre, toujours. Même s’il semble inenvisageable que la Suisse ne commence pas le match de vendredi sans Xherdan Shaqiri, préservé contre le Brésil. Il est disponible, au même titre que Noah Okafor. Dans la perspective d’une Suisse capable de se projeter, c’est toujours mieux.
Autres bonnes nouvelles: Yann Sommer et Nico Elvedi, absents de l’entraînement de veille de match pour refroidissement, doivent également être aptes. C’est Yakin qui l’a presque garanti jeudi. Chasser les doutes, c’est probablement la meilleure façon d’avoir une Suisse conforme aux attentes. Autrement dit, elle n’aura pas d’excuses: qu’importe comment, la qualification ne se négocie pas.
La composition probable de la Suisse: Sommer; Widmer, Akanji, Elvedi, Rodriguez; Sow, Freuler, Xhaka; Shaqiri, Embolo, Vargas.
La Serbie va-t-elle pimenter le match?
C’était un drapeau serbe, dans le vestiaire serbe. Avant le premier match de poules contre le Brésil. Mais cela n’avait rien d’anodin: il y représentait également le Kosovo aux couleurs de la Serbie et cette inscription qui, traduite littéralement, promettait qu’il n’y aurait «pas de reddition» . Qui l’avait placé là? Un joueur, un dirigeant, un VIP? Peu importe, la photo a été diffusée et elle a fait parler, déclenchant une enquête de la FIFA. Et mettant, de fait, un peu d’huile sur le feu.
Voilà pour le contexte, qui comporte forcément les antécédents de 2018. Va-t-on toutefois revivre le même match? Côté suisse, le discours s’éloigne de politique, dès lors que le thème est abordé. Le plus souvent, c’est même Adrian Arnold, le responsable de la communication de l’ASF, qui prend la parole, et pas Murat Yakin ou le joueur qui est assis à côté de lui. Et côté serbe? On balaye tout autant les polémiques: «C’est un autre match, différent de celui de 2018, tempère l’attaquant Aleksandar Mitrovic. 30% de notre effectif n’est plus le même. Les joueurs sont différents, l’ambiance est différente. Nous devons nous concentrer sur nous-mêmes et penser au terrain.» Justement.
Sur quel plan la Serbie va-t-elle vouloir placer cette rencontre? C’est elle qui a la pression. C’est elle qui ne peut que gagner si elle entend se qualifier. C’est donc à elle d’imposer son propre rythme, sur le papier. Va-t-elle chercher les duels? Elle n’est pas beaucoup plus tournée vers ça qu’une autre équipe. Elle pourrait d’ailleurs changer, faire évoluer son approche, avec un attaquant supplémentaire. Elle peut s’appuyer sur des profils costauds dans la surface (Mitrovic ou Vlahovic qui devrait être disponible) ou autour (Milinkovic-Savic), mais son jeu est plus construit que ça.
En fait, là où la Serbie peut être menaçante, c’est dans sa capacité à déployer de l’intensité dans les courses. Dans ce Groupe G, elle court largement plus que les autres équipes (115 km contre le Brésil, 117,5 km face au Cameroun) et notamment lorsqu’il s’agit de le faire à haute intensité (plus de 25 km/h). Pas de raison qu’elle soit plus sur la retenue dans un match décisif. La Suisse doit s’y préparer, elle qui avait passablement souffert lors des deux matches contre la République Tchèque, une équipe qui mettait notamment le jeu sur ce plan-là, en Ligue des Nations.
La composition probable de la Serbie: V. Milinkovic-Savic; Milenkovic, Veljkovic, Pavlovic; Zivkovic, S. Milinkovic-Savic, Lukic, Kostic; Tadic; Mitrovic, Vlahovic.
Les infos bonus
La clé tactique: comment exposer la Serbie?
Le «courage». La «justesse». La «concrétisation». Tout cela a manqué à l’équipe de Suisse contre le Brésil lundi. C’est du moins la teneur du discours qui a été porté depuis cette défaite 1-0. Entraîneur et joueurs les ont invoqués. Autant dire qu’ils seront tous attendus au tournant vendredi. La Suisse doit être meilleure offensivement. Elle doit (mieux) penser ses attaques placées et croire à ses transitions, pour exploiter le déséquilibre adverse.
La Serbie l’a démontré, notamment contre le Cameroun: son organisation est instable et manque de vitesse. Le 3-4-2-1 qu’elle met en place a tendance à s’exposer défensivement. Et il y a des zones dans lesquelles la Suisse pourrait faire mal dans ce match décisif. Elles se trouvent essentiellement dans le dos de la défense. Avec différents chemins pour les atteindre et les exploiter.
En utilisant la largeur, notamment, il y a de quoi faire. Dans le système défensif serbe, l’extérieur (Kostic à gauche et Zivkovic à droite) est celui qui sort sur le latéral adverse. Dans son dos, les défenseurs centraux doivent coulisser. Mais ce n’est pas si évident que ça. Et en attaquant la profondeur qui s’ouvre, il y a de quoi se créer des situations.
Par l’axe aussi, il y a des solutions qui peuvent se dégager. Parce que les trois centraux serbes sont très orientés sur l’homme dans leur marquage et leur façon de défendre. Autrement dit, quand un joueur dézone ou décroche devant eux, ils le suivent. Et presque mécaniquement, ce sont des espaces qui s’ouvrent dans leur dos. En effectuant des appels complémentaires (un ou deux joueurs décrochent, un ou deux autres attaquent la profondeur), la Serbie est vite trompée.
La gestion des transitions défensives interpelle aussi dans la sélection de Dragan Stojkovic. Cela fut criant en deuxième période contre le Cameroun, où la gestion de l’avantage était inexistante. À chacune des pertes de balles hautes, un Camerounais pouvait avancer sans être cadré. La ligne défensive Milenkovic-Veljkovic-Pavlovic ne reculait pas, toujours focalisée sur leurs adversaires directs. De quoi permettre aux Camerounais (et notamment Aboubakar) d’attaquer l’espace qui s’offrait à eux, en laissant le passeur dans les meilleures conditions.
Tout cela peut donner des idées. Même si pour la Suisse, cela implique une chose: attaquer la profondeur. Tiens, c’est ce qui manque terriblement à l’équipe nationale sur ses deux premiers matches. Une chance pour Noah Okafor?