Hôpitaux en SuisseManque de places aux soins intensifs: un «échec politique»
En offrant des incitations financières aux ex-employés des soins intensifs pour qu’ils reviennent, les hôpitaux pourraient exploiter un tiers de places supplémentaires selon des experts en santé.
Face au nombre insuffisant de places aux soins intensifs, les directeurs d’hôpitaux argumentent qu’ils manquent de personnel qualifié. Pour des experts et des initiés du monde hospitalier, il ne s’agirait que d’une fausse excuse.
Économiste de la santé, Heinz Locher déclare ainsi dans la «SonntagsZeitung» que «le fait qu’après deux ans de pandémie, il y ait moins de places aux soins intensifs au lieu d’en avoir plus, n’est pas une fatalité, mais un pur échec de la politique».
Avis aux retraités et «frustrés»
Selon lui, les hôpitaux pourraient exploiter un tiers de places de soins intensifs en plus. Comment? En mobilisant les spécialistes des soins intensifs retraités ou «frustrés» d’avoir quitté le métier ces dernières années.
Il préconise de donner à chaque personne qui quitte le métier une prime suffisamment élevée et des conditions d’embauche aussi adaptées que possible à ses souhaits. «Nombre d'entre elles reviendraient, au moins pour une période limitée», assure-t-il. Face aux milliards dépensés pour la pandémie, une «prime spéciale de 20’000 francs pour chaque infirmier en soins intensifs serait justifiée».
Heinz Locher demande donc aux politiques, et aux cantons, responsables de la gestion des hôpitaux, de prendre un paquet de mesures urgentes pour rattraper les négligences.
Une «conspiration»
L’ancien directeur administratif de l'hôpital universitaire de Zurich, Werner Widmer, tenait des propos similaires récemment dans la «NZZ»: «Si le Conseil fédéral payait aux hôpitaux le double du montant pour chaque patient Covid aux soins intensifs (IPS), les hôpitaux pourraient également doubler les salaires du personnel soignant».
Selon Heinz Locher, les mauvaises incitations dans les hôpitaux conduisent même à ce que des traitements inutiles soient effectués aux frais des unités de soins intensifs. Ainsi, des rapports de l'Office fédéral de la santé publique et du Contrôle fédéral des finances montrent que jusqu’à 20% d’opérations inutiles du cœur et du genou sont effectuées chez les assurés complémentaires. «Mais personne ne veut changer cela», car selon lui, tout le monde en profite, des médecins aux hôpitaux, en passant par les caisses maladie et même les cantons. «C’est une conspiration.»