FootballFinalement, c’est quoi le secret de la Suisse?
La Nati s’apprête à disputer sa cinquième Coupe du Monde d’affilée depuis 2006. Une présence ininterrompue qui trouve son origine dans le système de formation mis en place en 1994 déjà. Explications.
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Ruben Vargas (auteur du 2e but contre la Bulgarie) s’envole, la Suisse décolle… Atterrissage prévu en novembre 2022 au Qatar.
Martin Meienberger/freshfocusC’est une douce habitude enivrante à laquelle la Suisse et le peuple de ses supporters ont pris goût avec délectation, mais en vérité, cela n’en est pas vraiment une. En se qualifiant pour une cinquième Coupe du Monde d’affilée, l’équipe nationale a pourtant pris rendez-vous avec son destin comme si tout cela allait de soi.
Pourtant, à considérer la démographie, rien ne va de soi pour un «petit» pays comme le nôtre. Après 2006 en Allemagne (avec Köbi Kuhn), 2010 en Afrique du Sud (Ottmar Hitzfeld), 2014 au Brésil (Hitzfeld encore) et 2018 en Russie (Vladimir Petkovic), il y aura dorénavant 2022 au Qatar sous la houlette de Murat Yakin. Peu de nations peuvent se targuer d’être aussi fidèles au rendez-vous quadriennal.
«Le projet existait, il est devenu plus fort, les structures se sont développées. La force de l’ASF, c’est de les avoir ensuite adaptées au développement du football»
Comment expliquer cette présence helvétique chaque fois assurée au plus haut niveau? Y aurait-il un secret et si oui, lequel? Au moment de savourer le nouvel exploit helvétique, Yves Débonnaire met en avant une forme de continuité sans cesse renouvelée. «Est-ce normal pour la Suisse d’être toujours là?, (s’)interroge le Vaudois en préambule. Je vois une continuité dans ce qui a été mis en place à l’époque par Hansruedi Hasler après la World Cup américaine de 1994, notamment en termes de formation. (...) Le projet existait, il est devenu plus fort, les structures se sont développées. La force de l’ASF, c’est de les avoir ensuite adaptées au développement du football, tant le jeu de 2021 n’est pas celui de 1994. La Suisse a aussi su profiter de sa diversité pour y dénicher ses talents, ce qui est toujours le cas aujourd’hui.»
Une énergie incroyable
Sur une base commune, l’une des clés du modèle helvétique réside dans la détection, puis la mise en valeur de ses «produits». «Le système perdure, avec chaque fois des améliorations, reprend Débonnaire. Aujourd’hui, cette équipe de Suisse dégage un truc, on sent une énergie, une force incroyable. Réussir quelque chose ensemble rend plus fort.»
Si Murat Yakin a dû composer avec son lot de défections et montrer sa capacité d’adaptation, il y a aussi les circonstances, chaque fois favorables. «Si la Suisse avait encaissé les deux penalties de Jorginho contre l’Italie, on parlerait autrement, avec la perspective de barrages qui sont une véritable galère. Mais cela n’aurait rien enlevé à la performance globale.»
«Cette qualification représente un nouvel exploit dont peu de gens se rendent vraiment compte tant ils y sont habitués»
Pour Michel Pont également, il n’y a pas de hasard heureux. «Avec la Suisse, reconnaît-il, tout paraît normal alors que rien ne l’est. Cette qualification représente un nouvel exploit dont peu de gens se rendent vraiment compte tant ils y sont habitués.»
L’avènement d’une nouvelle génération sert les intérêts helvétiques. Devant l’insouciance primesautière de cette Suisse rafraîchissante se niche la conséquence d’une politique délibérée. «Ce n’est pas un hasard si les grands clubs européens s’arrachent nos jeunes, estime le Genevois. Dans la compétition et les résultats, la Suisse est devenue un pays de foot.»
Murat Yakin en nouveau Köbi Kuhn
Le succès de la Suisse 2021 est aussi celui des hommes du banc. Après le pragmatique Petkovic, voici l’intuitif Yakin, dont la science du jeu sinon parfois le détachement inspiré ont déjà réussi à nous bluffer. «Murat est instinctif comme l’était Köbi, reprend l’ancien assistant du sélectionneur. C’est notre nouveau Köbi, rien ne l’effraie.»
Alors que le succès s’invite au rendez-vous avec une régularité que nous envient nombre de pays alentours, que se passera-t-il demain en cas d’échec, lequel se produira inévitablement tôt ou tard? «Comme il faut apprendre à gérer la victoire, conclut Yves Débonnaire, il faut savoir gérer l’échec. Quand celui-ci arrivera, ça ne sera pas la fin du monde non plus.»
En attendant l’éventuel reflux, on ne peut que s’incliner devant le moment présent. Et en profiter.