Asie du SudEspoir d’une éclaircie entre Inde et Pakistan après des années de tension
L’Inde espère que le nouveau Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif enclenchera un dégel diplomatique entre les deux rivaux dotés de l’arme nucléaire.
Élu lundi Premier ministre du Pakistan, Shehbaz Sharif, réputé pragmatique et favorable aux affaires, a face à lui plusieurs défis de taille. Parmi ceux-ci, les épineuses relations avec le voisin indien, issu comme son pays de la partition de l’Empire britannique des Indes en 1947, et contre lequel le Pakistan a livré trois guerres depuis.
Mais le nouvel homme fort d’Islamabad est issu d’une famille politique de l’élite considérée en Inde comme conciliante envers New Delhi, et prête à régler les différends par le dialogue plutôt que par la confrontation – contrairement à son prédécesseur immédiat Imran Khan. «Ce n’est pas quelqu’un qui ira jusqu’à se mettre l’Inde à dos», déclare à l’AFP Ajay Darshan Behera, professeur d’études internationales à l’université Jamia Milia Islamia de Delhi.
Liens avec l’Inde
Fait inhabituel pour un homme politique pakistanais de haut rang, Shehbaz Sharif s’est déjà rendu en Inde, en 2003, en tant que ministre en chef du Pendjab, un État qui a été divisé entre les deux pays lors de la partition de 1947. Il y avait visité le village ancestral de sa famille du côté indien de la frontière, et rencontré le Premier ministre de l’époque Manmohan Singh à New Delhi, ainsi que d’autres responsables. Son homologue indien Narendra Modi a pour sa part assisté à un mariage de la famille Sharif.
«Relations cordiales»
Le leader nationaliste hindou a fait un voyage surprise au Pakistan en 2015, un an après sa prise de fonction, où il a été accueilli par le frère aîné de Shehbaz Sharif, Nawaz, lui-même Premier ministre à l’époque. Les deux frères ont généralement eu des «relations cordiales» avec les dirigeants indiens, note Imtiaz Gul, du Centre de recherche et d’études sur la Sécurité d’Islamabad. «C’est un bon point de départ pour que l’Inde reprenne le dialogue», a-t-il ajouté.
La question du Cachemire
Le voyage de Narendra Modi a été suivi de plusieurs séries de pourparlers visant à restaurer la confiance, tombée au plus bas après les attentats terroristes de Bombay en 2008, que l’Inde a accusé le Pakistan d’avoir parrainés. Mais l’embellie s’est brutalement interrompue l’année suivante avec la reprise du conflit au Cachemire, un territoire âprement disputé par les deux pays et à l’origine de deux de leurs trois guerres. Une série de raids aériens dans la région frontalière en 2019, de fortes tensions et le silence entre les deux gouvernements ont fait craindre un nouveau conflit ouvert.
Sous le gouvernement du Premier ministre Imran Khan, réputé proche de l’armée pakistanaise où l’hostilité à l’Inde reste très présente, les relations diplomatiques se sont encore dégradées. Le commerce bilatéral a été suspendu après une tentative de l’Inde de renforcer son pouvoir sur la partie du Cachemire qu’elle contrôle. Imran Khan a fortement critiqué son homologue indien Narendra Modi, et a appelé à une action internationale pour mettre fin à ce qu’il qualifie de «génocide» dans la région contestée.
Viser la prospérité
Dans son premier discours après son élection, Shehbaz Sharif a déclaré que son pays souhaitait une «meilleure relation avec l’Inde». Mais il a également averti qu’aucune paix durable ne serait possible sans une résolution du statut du Cachemire. Et suggéré «au Premier ministre Modi de nous laisser résoudre la question du Cachemire et de consacrer toutes nos énergies à apporter la prospérité dans nos pays».
Difficultés économiques
Shehbaz Sharif devra composer avec la difficile situation économique du Pakistan, avec une inflation galopante, une roupie en dépréciation constante, et une dette qui se creuse. Selon Ajay Darshan Behera, de l’université Jamia, ces sombres perspectives financières pourront pousser Islamabad à rétablir les liens commerciaux avec l’Inde. «Le Pakistan traverse une période très difficile. Il n’a pas vraiment le choix.»
Relations imprévisibles
Mais le gouvernement indien, après des décennies de méfiance et d’hostilité bien ancrées, reste sur ses gardes. Si les signaux sont globalement positifs, les relations avec le Pakistan sont très imprévisibles et il suffit d’une seule attaque terroriste (...) pour changer le discours», note le journal «Indian Express», citant un haut fonctionnaire anonyme. «Nous allons attendre et surveiller de près chaque mouvement», ajoute-t-il.