Festival de CannesMichel Gondry, des clips et des claps
Michel Gondry est de retour après huit ans d'absence. Il présente son nouveau film «Le Livre des solutions» à la Quinzaine des cinéastes, ce dimanche.
Auteur star des clips de Björk et Daft Punk, le bricoleur d’images français Michel Gondry est devenu au fil d’une filmographie baroque et onirique un digne représentant du cinéma français des années 2000.
Avec «Le Livre des solutions», présenté dimanche à la Quinzaine des cinéastes, le réalisateur d’»Eternal Sunshine of the spotless mind» (2004) et de «La Science des rêves" (2006) fait son retour au cinéma après huit ans d'absence.
Dans ce conte, tourné dans les Cévennes, région montagneuse du sud de la France, où il avait déjà réalisé «L’Epine dans le coeur» (2010), Michel Gondry livre avec Pierre Niney et Blanche Gardin une nouvelle ode au rêve.
L’imagination de ce «Monsieur Bricolage» de l’image – capable de fabriquer une séquence magique avec un bloc de Lego et un trombone en pâte à modeler – a investi de multiples champs, du dessin animé à la publicité en passant par la BD, le documentaire et les expositions.
Multi-récompensé, son film publicitaire pour Levi’s figure dans le Guinness des records. En 1999, il fait du ciel, pour Air France, «le plus bel endroit de la Terre», dans une publicité à l’univers léché à la manière de Jacques Tati.
Avant d’arriver au cinéma, ce Français de 60 ans a vécu le rêve américain en mettant en images les univers sonores des plus grandes pointures de la pop: Lenny Kravitz, Kylie Minogue, les White Stripes, les Rolling Stones, Massive Attack.
Etudiant à l’Ecole des arts appliqués de Paris, il rejoint comme batteur le groupe «Oui Oui» formé avec des amis. Bientôt, il tourne des petits films d’animation qu’il greffe à la musique de cette formation à l’univers ingénu. Puis il monte des clips pour des chanteurs et groupes français, de Jean-Luc Lahaye, à Laurent Voulzy, en passant par les Négresses vertes...
Réinvention permanente
La même année, Björk découvre son clip «La Ville», sur MTV.
Les deux âmes soeurs démarrent une fructueuse collaboration, de «Human Behaviour» en 1993 à «Crystalline» en 2011. Ses huit clips, aussi insolites que les mutations musicales de l’icône islandaise, renversent tous les codes d’un genre encore très commercial. Ses trouvailles impriment la rétine.
En 1997, Gondry tourne la célébrissime chorégraphie d’»Around the World» des Daft Punk. Sur un vinyle géant, il fait défiler robots, athlètes et squelettes apparaissant à chaque changement d’instruments. Il reproduit cette synchronisation de l'image et du son dans le «Star Guitar" des Chemical Brothers (2003) dans un plan-séquence de quatre minutes.
En 2001, le vidéaste fait son entrée dans le cinéma poussé par Charlie Kaufman, scénariste de «Dans la peau de John Malkovitch». Tournés aux Etats-Unis, où Michel Gondry s’est installé à la fin des années 90, «Human nature» et «Eternal Sunshine of the spotless mind» inaugurent une œuvre centrée sur la mémoire et sa représentation.
Son deuxième long-métrage – avec Jim Carey amoureux de Kate Winslet – veut lutter contre la torture de l’amour éconduit. Le scénario s’inspire de Boris Vian, dont l’empreinte est centrale chez Gondry. En 2013, il adapte «L’Ecume des jours».
Là encore, la mémoire y est traitée comme une matière malléable que l’on peut découper et rejouer sous forme de mille-feuilles visuels. «Soyez sympas, rembobinez» (2008) reprend cette pratique branchée aux sources de la nostalgie enfantine.
Deux hommes ayant effacé par erreur des cassettes empruntées au vidéo-club entraînent les habitants d’une ville du New Jersey à «suéder» – à tourner en amateur les blockbusters de leur enfance.
Il prolonge cette expérience dans le réel avec son «usine de films amateurs» à New York, Rio, Sao Paulo ou encore au Centre Pompidou à Paris qu’il aménage en plateau de tournage mis à la disposition des visiteurs.
Le cœur de sa filmographie reste «La science des rêves», dont le titre résume sa recherche funambulesque entre le contrôle et la fuite dans l’imaginaire, la nécessité du réel et son échappatoire dans le merveilleux, dans une réinvention permanente d’un imaginaire unique.