CyclismeMarlen Reusser: «Cette année, c’est fou…»
La Bernoise sera une des trois favorites pour le titre mondial de contre-la-montre, ce lundi à Bruges (dès 14 h 40). Elle y croit dur comme fer.
- par
- Robin Carrel Bruges
Parler avec la toute fraîche championne d’Europe du chrono, c’est différent de n’importe quelle interview. La future trentenaire aime faire passer des messages, prend plaisir à le faire et ne tait pas ses ambitions. La Suissesse vit la période la plus faste de sa carrière et n’a pas le temps de se retourner sur ses exploits. Ça tombe bien, elle en a encore quelques-uns à réaliser cette semaine, dans les Flandres. Interview.
Lundi, c’est votre anniversaire… Que peut-on vous offrir?
Le trentième, même! J’espère que je vais m’offrir moi-même un titre de championne du monde…
Vous avez des ongles parés pour l’occasion…
Non, ça, c’est plutôt pour la votation du 26 septembre sur le mariage pour toutes et tous. Mais aussi pour le maillot arc-en-ciel, c’est vrai… Les deux en un!
Vous êtes une des favorites pour le chrono de lundi. Peut-être la favorite, non?
Je pense que je suis une des favorites, mais pas LA favorite. Annemiek van Vleuten et Ellen van Dijk ont aussi la possibilité de gagner. Mais moi, je me sens prête, en pleine forme et je vais me battre à fond. Ensuite, on verra!
C’est un parcours tout plat. Fait pour vous?
Pour mon physique, oui, pas pour mon mental. Je n’aime pas trop ça, mais je vais essayer.
Il se passe quoi dans votre tête, quand vous êtes ainsi, toute seule sur le tracé?
C’est le secret! C’est intime.
Comment expliquer votre progression formidable depuis deux ans?
Ça fait plus que deux ans. Et j’ai l’impression de faire de grands pas toutes les saisons. C’est une bonne question à laquelle moi-même je n’ai pas vraiment de réponse. Premièrement, je suis vraiment douée. J’ai ensuite beaucoup travaillé. Et il y a aussi mon entourage, qui m’aide beaucoup, beaucoup. Autrement, je ne sais pas comment c’est possible… Chaque année, avant les Mondiaux, on me demande comment ça va et je réponds que je suis dans la forme de ma vie. Mais l’année suivante, je suis encore meilleure!
Musique, médecine, politique. Et puis maintenant ne faire que du vélo. Ce n’est pas ennuyeux?
Non, pas du tout! C’est très exigeant et beaucoup de choses se passent. Quand on voit ce qu’il s’est passé dans ma vie ces dernières semaines… Il n’y a rien d’ennuyeux là-dedans! D’abord j’ai fait les Jeux olympiques. J’ai fini deuxième. J’ai fait de grands Tours. Aux Pays-Bas, en Norvège, en Espagne, trois épreuves World Tour. Au final, je fais une fois quatrième et deux deuxièmes places au général. J’ai gagné plusieurs étapes, en battant les plus grandes cyclistes de la planète. Les championnats d’Europe, ensuite. J’ai gagné le contre-la-montre et j’ai fait une bonne course en ligne. C’est comme dans un rêve. Je ne m’attendais pas du tout à ça. C’est super!
Vous pourrez être six Suissesses au départ de la course en ligne la semaine prochaine. Ça permettra de courir différemment?
Oui. Je pense que c’est une bonne opportunité pour nous. On a pu emmener deux vététistes (ndlr: Sina Frei et Nicole Koller) et je pense qu’on pourra faire quelque chose de joli.
Devoir sélectionner des spécialistes de VTT… Ça veut dire qu’il n’y a pas assez de coureuses sur route en Suisse. C’est un problème?
Oui, mais si on voit où on en est aujourd’hui avec tous nos points UCI… On est la quatrième nation mondiale. Donc on a beaucoup de places dans les courses, mais on n’a pas tellement de filles qui sont en lice. Il nous en faut plus!
Un programme a été lancé pour améliorer ça, «Fast and Female». Vous en voyez déjà les effets?
Je pense qu’il est encore un peu trop tôt pour ça. Certaines sont en train d’arriver et il y a du talent. Mais elles sont encore un peu jeunes.
Il y aura aussi le relais mixte en milieu de semaine. Ce sera intéressant!
Je ne peux pas encore y penser. Pour moi, lundi est tellement mon but ultime… Mais on aura aussi, mercredi, une belle opportunité. Je me réjouis d’avance.
Marlen, vous vivez beaucoup de choses en très peu de temps et vous êtes dans une forme étincelante. Vous avez le temps de vous poser et d’y penser?
Mais non, je n’ai pas le temps! A chaque fois que je fais quelque chose, il y a un nouveau but à atteindre juste derrière! Cette année, c’est fou. Il y a toujours un nouveau truc qui arrive, par exemple sur la Vuelta. J’ai fait… (…) J’ai d’abord pensé que j’étais trop fatiguée, car j’avais travaillé pour l’équipe. Et ensuite, j’étais tellement forte! J’ai encore gagné une étape et du coup, derrière, j’avais de nouveaux objectifs. Et ç’a été ça tout le temps. Un nouveau but à atteindre, un nouveau but à atteindre, etc… Vraiment, je n’ai pas le temps de réfléchir à ce que j’ai fait. Peut-être que cet automne ou cet hiver, je vais y repenser.
Il y a toujours ce côté un peu politique chez vous, forcément. Du coup, le vélo permet de faire passer des messages. Le sport est une jolie «scène» pour ça…
Oui. Pour moi, tout le monde a son côté politique. Tous les gens qui ont une certaine visibilité. Moi, j’ai mes idées quant à la manière de faire changer les choses, et il y a de bonnes initiatives sur lesquelles on va voter tout bientôt, le 26 septembre. Alors j’utilise ma position pour dire «Hey! Votez oui trois fois à Berne et deux fois les autres», pour tout le monde en Suisse.