Basketball«Je serai toujours un fervent supporter de Fribourg Olympic»
Comme son coach Petar Aleksic, le président Philippe de Gottrau a tiré sa révérence après dix ans à la tête du club et six titres de champion.
- par
- Christian Maillard Fribourg
Tandis que Dusan Mladjan et ses copains de Massagno sèchent leurs larmes, c’est la fête à Saint-Léonard. Le coach, le staff et toute la majorité du public savourent le 21e titre de champion du club. Il y a beaucoup de t-shirts bleus préparés pour l’événement en l’honneur de Petar Aleksic que les 3000 spectateurs ont remercié pour toutes ces années, toutes ces victoires, tous ces titres: 17 trophées en dix ans.
Dans cette salle immaculée de sueur et d’ondes positives, le président Philippe de Gottrau a, lui aussi, la larme à l’œil. Il y a eu aussi beaucoup d’émotions ce mardi pour cet homme qui a également décidé, comme son entraîneur, de tirer sa révérence après dix ans à la tête de Fribourg Olympic, un bail.
Philippe de Gottrau, on vous sent ému après ce nouveau titre de champion, votre sixième en dix ans de présidence?
C’est effectivement une page qui se tourne. Mais je pensais sincèrement être plus ému que ça. Maintenant il est fort possible que je vais comprendre ce qu’on a réalisé après, une fois que toute cette effervescence sera derrière. Je pense qu’il y a eu d’autres titres, d’autres victoires, qui m’avaient certainement plus touché que ce nouveau trophée…
Lesquels?
Je me souviens de notre toute première victoire en 2013, à… Massagno, alors que l’équipe était complètement nouvelle. On avait pris tout ce qu’on pouvait à l’académie, tout ce qui était grand et qui connaissait un peu le basket. Il y avait peu de joueurs qu’on avait pu signer à part ceux qui étaient encore sous contrat. Je me rappelle que nous avions un étudiant qui s’appelait Slobodan Miljanic (aujourd’hui aux Lions de Genève) et qui se contentait d’un peu d’argent de poche!
Cette première année, vous étiez même arrivés en finale du championnat?
C’est juste! Durant cette première année de présidence, la première aussi de Petar Aleksic, j’aurais été heureux qu’on termine dans les six premiers et là on a poussé, en finale, le grand favori Lugano au 7e match. Il nous a manqué très peu de chose pour être champion. Sur le moment, cela avait été une immense déception mais aussi une énorme motivation pour la suite. Je pense que ce match à Lugano a été vraiment le détonateur. Il nous a démontré qu’en continuant de travailler de cette manière et en apprenant de nos erreurs, on était dans le juste. Voyez le résultat!
Un résultat exceptionnel: un premier titre en 2016 puis cinq d’affilée à partir de 2018: c’est quoi votre recette?
Je pense qu’il y a d’autres manières d’y arriver mais j’ai envie de dire aux autres clubs en Suisse qu’il est important de bien se structurer et de bosser et je suis convaincu que vous serez un jour comme Fribourg Olympic!
Ce nouveau trophée, Massagno ne vous l’a pas offert, au contraire. À l’image de votre début de saison, votre équipe a connu quelques frayeurs ce mardi…
Mais vous savez, comme je l'ai déjà dit, naviguer sur une mer d’huile où il ne se passe rien n’est pas intéressant. Je préfère une victoire disputée avec des temps très forts humainement et psychologiquement avec une réelle opposition. Je ne dis pas qu’on a eu de la chance car c’est terrible de voir un joueur qui se blesse (Isaiah Williams lors de l’acte 2 de la finale) mais il faut aussi parler de ces faits de jeu même si à la fin c’est quand même le collectif et la profondeur du banc qui a permis à Fribourg de gagner. Je dois reconnaître que c’est toujours plus beau de s’imposer après une tempête avec des éléments parfois déchaînés. Le capitaine était toujours là, les joueurs ont toujours souqué dans la même direction et on arrive dans le port avec au bout cette récompense. Tout est extraordinaire, profitons du beau temps, du soleil et de cette joie et surtout bravo pour le basket qui a aussi gagné ce soir.
Vous avez un t-shirt où il est écrit «merci Petar», c’était aussi, comme vous, son dernier match ce soir. Avec quelles émotions pour le président qui était allé le chercher il y a dix ans?
Je pense que la décision de Petar de ne pas continuer a été très dure pour lui et pour moi. Parce qu’on a parfois souffert mais aussi beaucoup connu de joie ensemble. On ne s’est peut-être pas complètement compris mais c’est vrai que dix ans comme président c’est aussi énorme, surtout avec les défis qui se sont présentés à nous. Il y a eu l’Europe, il y a eu beaucoup de succès mais les succès demandent d’autres succès. Vous savez c’est très facile de monter mais c’est encore plus difficile de rester au sommet. C’est tellement rapide de descendre tout en bas. Chapeau à Petar, chapeau à tous dans le club, car on a toujours réussi à se remotiver malgré beaucoup de réussite. Parce qu’on a faim et qu’on peut toujours faire mieux.
«Toujours faire mieux» dites-vous. Que va-t-il se passer l’an prochain alors que vous ne serez plus là, que Petar Aleksic s’en ira aussi et que le budget va être revu à la baisse avec un effectif rajeuni? Quelles seront les ambitions d’Olympic?
Chaque année est un nouveau défi où les autres nous poussent à être meilleurs. Il devrait y avoir sensiblement le même noyau (ndlr: seul Roberto Kovac et Aloïs Leyrolles ont un contrat). Maintenant, je dirais qu’on est toujours relativement respectueux de notre budget et c’est un risque qu’on peut prendre. C’est vrai que la campagne européenne cette année nous a apporté de bons résultats mais ils n’ont pas été la hauteur de ce qu’on pensait avoir investi. C’est extrêmement cher ces sept matches que ce soit au niveau de l’organisation et des joueurs supplémentaires qui coûtent 120 000 francs. C’est presque le tiers d’un budget d’une équipe de deuxième moitié du classement de la SBL. Donc c’est certain qu’il faut trouver l’argent. Nous avions des réserves mais on les a utilisées.
D’où votre décision de renoncer donc à la Coupe d’Europe?
On a malheureusement vu trop d’équipes qui se sont brûlé les ailes à vouloir à tout prix rester en Europe, je pense que ça a été un des éléments déterminants dans la décision de Petar de s’en aller. Il aurait bien voulu continuer mais je suis trop prudent. Je ne pouvais pas lui offrir ce que j’ai réussi à faire pendant des années. Chaque début de saison il y avait un petit peu plus pour ceci ou pour cela. Cette année on a engagé un préparateur physique à plein temps. C’était extraordinaire car cela nous a permis de récupérer plus rapidement des joueurs blessés pour revenir au top et physiquement on était vraiment la meilleure équipe à la fin du championnat. Mais qu’est-ce qu’on pouvait offrir de plus à M. Aleksic?
Il aurait bien voulu un nouveau contrat de quatre ans…
Je ne pouvais pas lui certifier lui offrir la même chose. Il y a eu le Covid, les aides Covid et pas mal de produits extraordinaires qu’on a utilisés à très bon escient, mais je le répète: il faut une certaine prudence car je n’ai pas envie qu’il y ait un club de plus qui dise à la fin de saison qu’il se retire comme d’autres l’ont fait il y a peu (ndlr: Boncourt, Swiss Central et peut-être Starwings). On a une certaine image qui est un exemple dans le basket suisse alors montrons-le dans la réussite mais aussi dans une certaine humilité et une certaine modestie. Je crois que c’est qui est aussi un des moteurs d’une organisation comme Fribourg Olympic: de faire chaque fois le mieux mais avec prudence.
Président, allez-vous revenir comme supporter la saison prochaine?
Oui le basket est beaucoup trop important pour moi pour le lâcher. Je serai toujours un fervent supporter de Fribourg Olympic. Mais j’ai besoin quand même de faire un petit break avant.
De toute manière, ce sera encore Fribourg qui va gagner à la fin…
C’est un peu réducteur de dire ça. Je crois que s’il y avait une recette, d’autres l’auraient copiée depuis longtemps. C’est beaucoup de travail et de modestie mais une excellente confiance en soi qui nous ont fait gagner autant.