Terrorisme - Dix ans après le carnage d’Utøya, Breivik demande sa libération

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TerrorismeDix ans après le carnage d’Utøya, Breivik demande sa libération

Le terroriste d’extrême droite Anders Breivik sera devant une cour norvégienne ce mardi pour demander sa libération conditionnelle.

Anders Breivik au dernier jour de son procès en appel le 18 janvier 2017.

Anders Breivik au dernier jour de son procès en appel le 18 janvier 2017.

AFP

Salut hitlérien, longue tirade décousue... Plaidant pour sa libération dix ans seulement après avoir tué 77 personnes en Norvège, l’extrémiste de droite Anders Behring Breivik a transformé mardi une procédure judiciaire a priori vouée à l’échec en tribune idéologique comme le redoutaient les familles de ses victimes.

Devant trois magistrats siégeant, pour des raisons de sécurité, dans le gymnase de la prison de Skien où il est incarcéré, l’extrémiste de 42 ans a une nouvelle fois dit se démarquer de la violence. Il a assuré qu’il ne pouvait être tenu pour responsable de ses attaques, invoquant un «lavage de cerveau» par sa mouvance.

Ses propos n’ont convaincu ni experts, ni rescapés de la tuerie, ni proches des victimes qui redoutaient que cette procédure de trois jours, retransmise avec un léger différé par certains médias, ne lui serve de plateforme.

Le 22 juillet 2011, Breivik avait fait exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo, faisant huit victimes. Il avait ensuite tué 69 autres personnes, des adolescents pour la plupart, en ouvrant le feu sur un camp d’été de la Jeunesse travailliste sur l’île d’Utøya. En 2012, il avait été condamné à 21 ans de prison avec possibilité d’extension, assortis d’une peine minimale de dix ans – le maximum à l’époque.

Crâne rasé

D’emblée, il a conforté les craintes mardi: crâne rasé et bouc soigné, il est entré dans le prétoire avec un écriteau «Cessez votre génocide contre nos nations blanches» en anglais sur sa mallette et son costume sombre, et fait un salut nazi à l’arrivée des trois juges.

Lors d’une longue intervention, il a ensuite affirmé n’avoir été qu’un simple «fantassin» du mouvement néonazi Blood & Honour. Il lui a imputé la responsabilité des attaques, n’endossant, lui, que celle de s’être laissé radicaliser.

Donnant sa «parole d’honneur» que la violence, en ce qui le concerne, relevait du passé, il a dit vouloir continuer son combat pour le national-socialisme de façon pacifique. Il s’est déclaré prêt à renoncer à tout engagement politique si la Cour le lui demandait.

«Maintenir l’illusion»

«Il ne fait aucun doute qu’il assume ce qu’il a fait même s’il essaie de prendre ses distances», a commenté Tore Bjørgo, directeur du Centre de recherche sur l’extrémisme de droite (C-REX) de l’université d’Oslo. «Il dit ce qu’il doit dire pour maintenir l’illusion d’une libération conditionnelle mais a vendu la mèche plus tôt quand il a justifié les crimes», a-t-il expliqué à l’AFP.

Dans la matinée, alors que la procureure Hulda Karlsdottir égrenait la longue liste des victimes et les circonstances dans lesquelles elles étaient mortes, Breivik l’avait interrompue, affirmant que «72% d’entre eux étaient des cadres du parti travailliste».

Dans sa tentative de se disculper, parfois déconcertante au point de soulever des rires dans l’assistance, l’extrémiste a disséqué son processus de radicalisation, l’occasion pour lui de tenir un laïus idéologique, rarement interrompu par le juge, où il a longuement parlé de «guerre culturelle» et de «white power».

La publicité qui lui a été accordée a scandalisé rescapés et familles. «Ce n’est pas parce que c’est «scandaleux» ou «douloureux» que j’estime que Breivik ne devrait pas être diffusé à la télé», a tweeté Elin L’Estrange, qui avait survécu aux attaques. «C’est parce qu'il est un symbole de l'extrême droite qui a déjà inspiré plusieurs autres tueries de masse».

TV, console de jeux et machine à écrire

Dans un pays qui n’avait pas connu de crime aussi violent depuis la Seconde Guerre mondiale, la demande de libération conditionnelle n’a, de l’avis général, aucune chance d’aboutir. Mais elle est considérée comme un test que l’Etat de droit – que Breivik avait tenté de détruire – doit surmonter en traitant l’extrémiste comme tout autre justiciable.

En 2016, Breivik, qui dispose en prison de trois cellules, d’une télévision avec lecteur DVD et console de jeux et d’une machine à écrire, avait réussi à faire condamner l’État pour traitement «inhumain» et «dégradant» en raison de son maintien à l’écart des autres détenus. Le jugement avait été cassé en appel.

Ce n’est pas la première fois que le terroriste norvégien dit renoncer à la violence. Il a tenu dans le passé de tels propos dans les prétoires ou des courriers, notamment à l’AFP, se comparant même à Nelson Mandela.

«Je ne veux pas qu’il sorte»

Ses attaques ont inspiré d’autres attentats, dont celui de Christchurch en Nouvelle-Zélande en 2019, et projets d’attentats à travers le monde.

En amont de l’audience, le groupe de soutien aux familles des victimes avait dit «encourager à accorder aussi peu d’attention que possible au terroriste et à son message».

Le père de l’extrémiste, Jens Breivik, qui n’a plus de contacts avec son fils depuis l’adolescence de celui-ci, a qualifié la procédure d’«absurde». «Car Anders ne sortira pas», a-t-il dit au journal allemand Bild. «Probablement pas pendant les vingt prochaines années. Je ne veux pas qu'il sorte».

(AFP)

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