FootballLes grands moments de Murat Yakin sur un banc
Entraîneur depuis une quinzaine d’années, le nouveau sélectionneur de l’équipe de Suisse a connu une ascension fulgurante. Avant de stagner.
- par
- Valentin Schnorhk
Murat Yakin fait partie du paysage du football suisse depuis bien longtemps. Et on ne parle même pas de sa carrière de joueur, lui qui a porté les maillots de Grasshopper, Stuttgart, Fenerbahçe, Kaiserslautern et Bâle entre 1992 et 2006. Une moitié de vie dans le football professionnel a guidé ses défenses, avant une autre à diriger des équipes. Le nouveau sélectionneur de l’équipe de Suisse a commencé à entraîner immédiatement, à 32 ans. C’était à Concordia Bâle, dont il est devenu le coach en 2006, en Challenge League.
Très vite, «Muri» se montre à sa place. Son Concordia déroule. Il occupe même de temps en temps la tête du classement. Il sera finalement limogé à trois journées de la fin de la saison, après une défaite 7-1 à Winterthour. Mais les Bâlois terminent la saison à la 5e place, et le technicien néophyte y est pour beaucoup. Il enchaînera par un passage en tant qu’assistant de Hanspeter Latour à GC, quelques mois en 2e ligue inter à Frauenfeld et une saison sur le banc des M21 de GC. Mais en 2009, on lui redonne sa chance: Thoune vient le chercher, et l’histoire est vraiment lancée. Retour sur les moments forts de la carrière d’entraîneur de Murat Yakin.
2010: La montée avec Thoune
Murat Yakin a appris depuis sa dernière expérience en Challenge League. Il a vu d’autres divisions, jusqu’à la 2e inter. Lorsque Thoune l’engage, à l’été 2009, il est toujours jeune (35 ans), mais il est déjà plus expérimenté. Et il va faire parler ses choix dans les moments importants.
Thoune venait de vivre une saison très moyenne dans une division qu’il retrouvait. Mais la seconde saison, avec l’aîné des Yakin aux commandes, sera beaucoup plus prometteuse. Très vite, les Oberlandais se démarquent dans ce championnat. Ils ne seront jamais en dessous de la 4e place, mais surtout près de la moitié de la saison à l’une des deux premières places. À l’avant-dernière journée, après un printemps moyen, Thoune reçoit son concurrent direct Lugano au Lachen. Si les Tessinois l’emportent, ils valident leur promotion. Mais Stjepan Kukuruzovic, l’actuel capitaine de Lausanne, inscrira le seul but du match et Thoune finira par valider sa montée lors du dernier match de la saison. Murat Yakin fait déjà parler sa science des matches importants.
Dans l’élite, Thoune enchaînera avec un très bon début de saison, avant de terminer à la 5e place pour son premier exercice en Super League. Yakin valide son ticket pour aller rejoindre son frère Hakan, encore joueur, à Lucerne.
2012: La finale de la Coupe avec Lucerne
L’ascension se poursuit. En Suisse centrale, Murat Yakin raconte son histoire d’entraîneur qui monte. La Suisse le regarde et elle voit surtout un FC Lucerne qui joue le haut du tableau toute la saison. Fin octobre 2011, il a même plus souvent occupé la place de leader qu’une autre. Avec le temps, il reculera tout de même logiquement, laissant Bâle passer devant. Mais l’équipe de Yakin termine dauphine de la Super League 2011-2012, sans que cela ne choque personne.
En fait, Lucerne est tout simplement la deuxième meilleure formation du pays cette année-là. En Coupe de Suisse, elle va même jusqu’en finale. Contre un Bâle injouable en championnat, Lucerne est plus qu’au niveau. Les Rhénans sont emmenés aux tirs au but. Là, les hommes de Yakin craquent devant un gardien qui savait déjà être un héros dans ce genre d’exercice. Le tout jeune Yann Sommer retiendra deux essais lucernois pour offrir la Coupe au FCB. Mais plus personne n’était dupe: Yakin allait recroiser Bâle. Ainsi que Sommer.
Printemps 2013: En demi-finale de la Ligue Europa avec Bâle
Le début de saison 2012-13 est plus compliqué pour Lucerne. L’équipe de «Muri» est en bas de classement très vite. Et après sept matches, l’entraîneur est remercié. Un mois et demi plus tard, Yakin retrouve un poste, celui «qui lui revenait», titre alors la presse. Heiko Vogel vient d’être viré du FC Bâle et c’est tout naturellement vers leur ancien capitaine que les Rhénans se tournent. La tentation était trop forte. Et pourtant, Yakin perdra son premier match contre… Lucerne.
Qu’importe, même en écartant petit à petit la légende Alex Frei, l’histoire sera belle. En Super League, avec une logique remontée pour s’adjuger un premier titre de champion devant GC. Mais surtout en Ligue Europa, où, très vite, Yakin se montre prépondérant. En poules, son FCB balaye par exemple 3-0 le Sporting CP, avec des buts de Schär, Stocker et David Degen. Et deux assists pour un certain Mohamed Salah. Le parcours est envoûtant: éliminations de Dnipro en 16es et du Zenit Saint-Pétersbourg en 8es. Avant de tirer Tottenham en quarts de finale.
À l’aller à White Hart Lane, Bâle mène très vite 2-0, avec des buts de Stocker et Fabian Frei, avant de concéder l’égalisation. Le résultat reste encourageant. À Saint-Jacques, le score est le même au terme du temps réglementaire. Séance de tirs au but donc, lors de laquelle les Rotblau accrocheront la qualification. Avec évidemment un arrêt à la clé pour Yann Sommer.
Murat Yakin devient alors le seul entraîneur d’un club suisse à atteindre les demi-finales d’une Coupe d’Europe. Une référence qui tient toujours. Même si, dans le dernier carré, Bâle hérite de Chelsea, futur vainqueur de la compétition. Les Bâlois s’inclinent lors des deux matches (2-1 à domicile, 3-1 à l’extérieur), mais avec les honneurs. Salah est buteur à chaque match et se fait un nom en Europe. Mais Bâle parvient à le garder encore quelques mois.
Automne 2013: Les deux victoires contre Chelsea avec Bâle
L’Égyptien sera bien utile à Yakin. Particulièrement lorsqu’il s’agira de confirmer au niveau continental. Bâle accroche cette fois la Ligue des champions et le technicien se confronte à un niveau encore plus haut. Il atteint son firmament cet automne 2013. Et il peut prendre sa revanche, puisque Chelsea est son premier adversaire en C1.
À Stamford Bridge, Bâle et Yakin (qui refuse alors l’équipe de Suisse, à la recherche d’un successeur à Hitzfeld) restent sur leur lancée. Ils l’emportent 2-1, avec un nouveau but de Salah. Le futur joueur de Liverpool signera durant l’hiver avec les Blues, le temps de se mettre une nouvelle fois en valeur lors du match retour au Joggeli. Bâle s’impose cette fois 1-0, avec un but tardif de son joyau. Mais celui-ci ne laissera pas son premier club européen en Ligue des champions.
En effet, Bâle s’incline contre Schalke 04 lors du dernier match de poules et sera reversé en Ligue Europa. Un petit échec pour Yakin et ses hommes, qui remportent une nouvelle fois la Super League. Reste qu’en C3, ils atteignent tout de même les quarts de finale, éliminant le Maccabi Tel-Aviv et le Red Bull Salzbourg. Ils battent même 3-0 Valence à l’aller, laissant croire à un nouvel exploit. Mais à Mestalla, les Rhénans craquent complètement et s’inclinent finalement 5-0 après prolongation. La fin d’une ère. Yakin s’en va à la fin de la saison au Spartak Moscou et ne vivra plus jamais de moments aussi glorieux.
2017: Le spectaculaire redressement de Schaffhouse
En Russie, son séjour d’une saison est en effet compliqué. Il ne termine que 6e du championnat et n’accroche pas de qualification européenne. Il est limogé après un an et revient en Suisse, dans l’attente d’un nouveau défi. Mais sa cote descend. Il faut attendre un an et demi avant de le revoir sur un banc. Ce sera en Challenge League, à Schaffhouse.
Adresse surprenante, pour celui qui était encore régulièrement évoqué en Bundesliga. Mais force est de constater que Yakin n’entraînait plus et que la lanterne rouge de deuxième division était prête à l’accueillir. Elle a bien fait. Le redressement est alors incontestable.
En une demi-saison, Schaffhouse séduit: quatre défaites seulement en 19 matches, dans un championnat dominé par Zurich, devant Xamax et Servette. La formation de Yakin termine juste derrière, avec une belle série de huit succès au cœur du printemps, avec un Steven Lang en fanfare (14 buts en une demi-saison). Schaffhouse est l’attraction de la Challenge League. Dans la foulée, il remporte ses six premiers matches de la saison suivante. Avant que GC ne tape à la porte.
Fin août, «Muri» retourne donc dans le club de ses débuts. Les débuts sont prometteurs, avant de lâcher du lest pendant l’hiver. Il sera finalement renvoyé en avril de la même saison. La magie n’opère plus. À Sion, où il débarque en septembre 2018, cela ne fonctionne pas mieux. Il ne s’épanouit jamais et Christian Constantin le congédie à quatre journées du terme de la saison. Son retour à Schaffhouse à l’été 2019 est presque anonyme. 9e la première saison, 4e l’an dernier, sans jamais laissé croire aux miracles. C’est ce «Muri»-là qui est désormais à la tête de l’équipe de Suisse.