Viktor Bout, le «marchand de mort» libéré par les Etats-Unis

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PortraitViktor Bout, le «marchand de mort» libéré par les États-Unis

Rendu libre dans le cadre de l’échange de prisonniers entre Moscou et Washington, le trafiquant d’armes est entré dans la culture populaire en inspirant le film «Lord of War».

Viktor Bout a été condamné en 2012 à 25 ans de prison.

Viktor Bout a été condamné en 2012 à 25 ans de prison.

AFP

Viktor Bout, le marchand de mort. Ce nom a incarné deux décennies durant le trafic international d’armes né du chaos de la chute de l’URSS, une carrière qui inspira Hollywood avant que les États-Unis ne le rattrapent et l’enferment en prison. Jeudi, après de longues tractations, Washington a accepté de remettre à Moscou cet homme de 55 ans, arrêté en 2008 lors d’une opération américaine en Thaïlande, en échange de la basketteuse Brittney Griner, détenue en Russie depuis des mois pour une affaire de cannabis.

Condamné en 2012 à 25 ans de prison, ce moustachu charismatique faisait l’objet de négociations depuis des années entre Moscou et Washington. Né, selon un rapport des Nations Unies, à Douchanbé, capitale de l’ex-république soviétique du Tadjikistan, Viktor Bout étudie à l’Institut militaire des langues étrangères de Moscou, avant d’entrer dans l’armée de l’Air.

Il a su dès 1991 et la chute de l’URSS, selon ses accusateurs, profiter du chaos post-soviétique pour acquérir à bas prix quantité d’armements sur des bases militaires livrées à elles-mêmes et auprès d’officiers en quête de moyens de s’enrichir ou simplement de subsister. Autre coup de génie, il a constitué sa propre flotte d’avions-cargos pour livrer ses cargaisons à travers le monde.

«Seigneur de guerre»

Le journaliste américain Douglas Farah, coauteur en 2008 du livre enquête «Merchant of Death» («Marchand de Mort»), décrit Viktor Bout comme «un officier soviétique qui a su saisir la chance présentée par trois facteurs nés de l’effondrement de l’Union soviétique: des avions abandonnés sur des pistes entre Moscou et Kiev (…), d’énormes stocks d’armes gardés par des soldats que personne ne payait, et l’explosion de la demande en armes».

Il entre dans la culture populaire américaine en 2005, lorsque sort le film «Lord of War» («Seigneur de Guerre»), inspiré de sa vie, et dans lequel Nicholas Cage joue le trafiquant d’armes Yuri Orlov, pourchassé par Interpol. En Russie, certains estiment que Washington exagère ces faits d’armes pour en faire un épouvantail et diaboliser Moscou.

«Le mythe créé sur Bout par les États-Unis est indécemment primitif: un mauvais gars russe vendait illégalement des armes et essayait de nuire à l’Amérique, mais les bons gars américains y ont mis fin», écrit le journaliste russe Alexandre Gassiouk dans son livre paru en 2021 pour raconter «la vraie histoire» du «Marchand de mort».

«Homme d’affaires honnête»

Pour l’épouse de M. Bout, Alla, son mari est un «homme d’affaires honnête et un grand patriote de son pays, condamné pour des crimes qu’il n’a pas commis», a-t-elle écrit dans la préface de l’ouvrage d’Alexandre Gassiouk. Ancien traducteur et radio de l’armée de l’air soviétique, soupçonné par certains d’avoir été membre des services de renseignement militaires, Viktor Bout a été arrêté en Thaïlande en 2008, piégé par des agents américains.

Selon l’accusation, il a accepté de vendre un arsenal de fusils et de missiles à ces agents secrets se faisant passer pour des guérilleros des Forces armées révolutionnaires de Colombie qui disaient vouloir utiliser ces armes pour abattre des hélicoptères américains aidant l’armée colombienne. En 2010, il sera extradé de Thaïlande dans un jet spécialement affrété par les États-Unis pour être jugé.

Reconnu coupable en novembre 2011 de trafic d’armes, il a été condamné en avril 2012 à New York à 25 ans de prison. «Je ne suis pas coupable, je n’ai jamais eu l’intention de tuer qui que ce soit, je n’ai jamais eu l’intention de vendre des armes à qui que ce soit, Dieu sait la vérité», lancera-t-il avant l’énoncé du verdict.

Le ministère russe des Affaires étrangères promettra alors de tout faire pour obtenir son retour en Russie, qualifiant le verdict de «politique». Moscou n’a eu de cesse depuis de fustiger son incarcération, signe, pour certains observateurs, que M. Bout a pu agir avec le consentement au moins tacite de responsables russes.

(AFP)

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