FranceMacron créé une commission sur le complotisme et la désinformation
Le président français veut, entre autres écueils, éviter les déstabilisations alors que la campagne électorale s’intensifie.
Emmanuel Macron installe mercredi une équipe d’une quinzaine d’universitaires et personnalités, présidée par le sociologue Gérald Bronner, chargée de faire d’ici fin décembre des propositions face à l’emprise des théories complotistes et de la désinformation dans le débat public. La commission, intitulée «Les lumières à l’ère numérique», «devra formuler d’ici à la fin de l’année des propositions concrètes dans les champs de l’éducation, de la régulation, de la lutte contre les diffuseurs de haine et de la désinformation», indique la présidence de la République dans un communiqué.
Les membres de la Commission devaient être reçus par le président de la République en fin d’après-midi mercredi. La nouvelle initiative d’Emmanuel Macron intervient à quelques mois de la campagne des élections présidentielles, période particulièrement propice aux manipulations et désinformations de toutes sortes. Victime d’une tentative de déstabilisation lors des derniers jours de la campagne électorale de 2017, qu’il a par la suite attribuée à la Russie, Emmanuel Macron a multiplié depuis avec sa majorité les initiatives pour tenter de réduire le risque.
Nouvelle loi européenne
Le Parlement a notamment adopté en 2018 une loi relative à la manipulation de l’information en période électorale, qui a attribué de nouvelles compétences au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) face aux plateformes numériques en période électorale. Le gouvernement a également créé mi-2021 Viginum, une agence rattachée au secrétariat général à la défense nationale (SGDSN) et chargée de traquer la désinformation en période électorale.
Et l’exécutif tente de pousser les feux au niveau européen pour faire adopter rapidement la nouvelle loi européenne dite «DSA», qui doit notamment renforcer les obligations faites aux grandes plateformes internet en matière de modération des contenus. L’enjeu de la commission lancée mercredi sera de faire des propositions pour que le débat public soit un exercice «d’intelligence collective» où la profusion d’informations est un atout, et non une menace, a expliqué Gérald Bronner.
Aujourd’hui, la surabondance d’information s’accompagne d’une certaine «cacophonie», avec une «mise en concurrence directe de toutes les visions du monde», qu’elles relèvent «de la science, de la rationalité, de la croyance, de la magie, de la superstition», a-t-il souligné en particulier. Les études ont montré par exemple la tendance que les réseaux sociaux avaient à surpondérer les fausses informations dans leurs algorithmes de recommandation, a-t-il rappelé.
Un «avertissement numérique»
En 2019, une étude sur YouTube a montré qu’une requête avec le mot «climat» menait à «plus de 50% sur une vidéo climatosceptique», a-t-il dit. M. Bronner a évoqué huit thématiques de travail pour la commission, à commencer par la façon dont les algorithmes des réseaux sociaux et des grandes plateformes internet peuvent provoquer un «asservissement numérique», en modelant la conversation au sein de la société.
La commission s’intéressera aussi à la façon dont le marché publicitaire tire profit de ces fausses nouvelles, mais aussi aux moyens de développer l’esprit critique, à la liberté éditoriale des médias face à la pression des plateformes, ou encore aux ingérences étrangères, a-t-il indiqué.
La commission est composée de chercheurs comme le sociologue Laurent Cordonier, la spécialiste du cyberespace Frédérick Douzet, l’historien Jean Garrigues, l’anthropologue Rahaf Harfoush, mais aussi des personnalités comme Rudy Reichstadt (directeur de Conspiracy Watch), la professeure des écoles Rose-Marie Farinella, la journaliste web Aude Favre ou Rachel Kahn, ancienne athlète de haut niveau devenue juriste, actrice et écrivaine.
En février 2020, Emmanuel Macron avait prévenu que la Russie «allait continuer à essayer de déstabiliser» les démocraties occidentales en s’ingérant dans leurs élections et en manipulant les réseaux sociaux. «Face à ces attaques, nous avons extrêmement peu d’anticorps», avait-il ajouté.