SantéMère de la LAMal, Ruth Dreifuss se désole de son évolution
L’ex-conseillère fédérale critique sévèrement la loi sur l’assurance maladie qu’elle a introduite en 1994. «Depuis trente ans, on a bricolé, et on continue de le faire», estime-t-elle.
- par
- Christine Talos
Alors qu’Alain Berset doit annoncer, fin septembre, de nouvelles fortes hausses des primes maladie, l’ancienne conseillère fédérale Ruth Dreifuss critique vertement, dans «Le Matin Dimanche», l’évolution de la LAMal, qu’elle a introduite en 1994 lorsqu’elle était à la tête du Département fédéral de l’intérieur. «Depuis trente ans, on a bricolé, et on continue de le faire. C’est du rafistolage», indique-t-elle.
La socialiste genevoise raconte avoir dit à l’époque à ses collaborateurs qu’il fallait ouvrir le chantier des révisions, parce que la loi avait des défauts qui devaient être corrigés progressivement. «Mais le chantier n’a jamais vraiment été ouvert, alors qu’il était d’emblée certain que le compromis prévoyant un système libéral et une supervision par le politique était boiteux», regrette-t-elle.
«Il y a trop de pilotes dans l’avion»
Mais l’État a peu de moyens d’intervention et, pour le coup, les différents intérêts se paralysent mutuellement, selon elle. «Il n’y a pas de pilote dans l’avion. Ou plutôt il y en a trop et tous tirent dans des directions différentes. Ainsi, disons que l’avion ne vole pas très droit… Il ne va pas s’écraser, mais trop de passagers sont secoués.»
Et de rappeler qu’une promesse initiale n’a pas été tenue. «Dans la loi que j’ai défendue lors de la votation populaire, il y avait l’assurance que les subsides suivraient l’évolution des coûts de la santé, avec un partage des frais entre la Confédération et les cantons. Or de nombreux cantons n’ont pas suivi», souligne-t-elle.
L’ex-conseillère fédérale se veut toutefois confiante. Pour elle, la crise de la LaMal peut offrir une occasion. «Regardez l’expérience du passé. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, nous avons rencontré de grosses difficultés. Ça a provoqué un sursaut qui a permis de créer une large coalition pour introduire la LAMal», compare-t-elle.
«Certaines propositions sont tout à fait sensées»
«Je ne suis pas désespérée: certaines propositions faites aujourd’hui sont tout à fait sensées», estime aussi Ruth Dreifuss. Elle soutient ainsi la caisse publique prônée par le PS, qui «pourrait apporter un meilleur suivi des personnes et une plus grande solidarité si elle inclut tout le monde. Cette caisse doit être unique. Sinon elle devra s’aligner sur ses concurrents. Ou alors elle n’attirera que les mauvais risques», prévient-elle. Elle balaie en revanche la proposition de l’UDC Natalie Rickli de supprimer l’assurance obligatoire. «On s’attaque au principe de solidarité qui est à la base de notre pays. On s’attaque aussi aux personnes de la classe moyenne qui ne pourraient pas se payer une assurance facultative.» Il faut se souvenir qu’avant la LAMal, il n’y avait pas de solidarité entre malades et bien-portants, ni entre jeunes et vieux.