Cette Suisse qui refuse de soigner les blessés ukrainiens

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CommentaireCette Suisse qui refuse de soigner les blessés ukrainiens

Le DFAE a mis son veto à la venue en Suisse de blessés ukrainiens, civils ou soldats, de peur de nuire à la neutralité… Après l’accueil des réfugiés, c’est une décision difficile à comprendre.

Eric Felley
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Eric Felley
Une femme blessée le 7 juillet dernier à Kramatorsk après une frappe aérienne russe qui a tué une personne et blessé de nombreuses autres.

Une femme blessée le 7 juillet dernier à Kramatorsk après une frappe aérienne russe qui a tué une personne et blessé de nombreuses autres.

AFP

Après la terrible bataille de Solférino, dont il avait parcouru le champ de bataille, Henry Dunant avait écrit un livre sur cette épreuve. Le 24 juin 1859, environ 30 000 blessés étaient abandonnés sur le champ de bataille après l’affrontement entre les troupes piémontaises et françaises sous la conduite de Napoléon III d’un côté et celles de l’armée autrichienne de l’autre. C’est à partir de là qu’a germé l’idée de la Croix-Rouge, dont le Comité international a son siège à Genève. Et dont la Suisse tire tant de fierté.

Nouvelle facette de la neutralité

Lundi, le «Tages-Anzeiger» a révélé que le DFAE avait refusé au mois de mai une demande l’OTAN pour soigner des blessés de la guerre en Ukraine dans des hôpitaux suisses. Ceux-ci et les cantons avaient pourtant donné un avis favorable, mais le Département fédéral des affaires étrangères d’Ignazio Cassis a mis son veto. Le DFAE a évoqué une nouvelle facette de la neutralité à respecter. Si un pays neutre soigne des soldats blessés d’un État en guerre, il devrait veiller à ce que ces soldats, une fois guéris ne puissent pas retourner à la guerre. Difficile à appliquer. Dans la foulée, la Suisse a refusé aussi des blessés civils venant d’Ukraine, parce qu’il serait difficile de les distinguer des militaires.

Une décision lourde de sens

Le DFAE dit vouloir aider directement les hôpitaux sur place en Ukraine. La RTS a contacté le Comité international de la Croix-Rouge pour savoir comment il évaluait la position de la Suisse. Sa réponse est qu’il n’y a pas d’obligation pour les états tiers d’accueillir des blessés de guerre. Pas d’obligation, certes, mais c’est tout de même une décision lourde de sens pour la Suisse de refuser les blessés, ce d’autant que les établissements concernés avaient donné leur accord.

Est-ce donc ici que se joue la neutralité de la Suisse dans ce conflit? Certainement pas. Après la reprise des sanctions européennes ou les déclarations de soutien à l’Ukraine, la Suisse est dans ce conflit comme ses voisins européens, aux côtés de l’Ukraine et non de la Russie. Cette décision est aussi en contradiction avec l’esprit de l’accueil de dizaines de milliers de réfugiés ukrainiens depuis le début du conflit.

Tradition humanitaire?

Certes, on ne pourrait pas soigner des milliers de blessés, mais poser le principe qu’on les refuse tous pour ne pas fâcher la partie adverse (déjà fâchée) est pour le moins surprenant. En tout cas, cette décision est en rupture avec la tradition humanitaire de la Suisse, qui revient pourtant si souvent dans les discours d’Ignazio Cassis. Comme l’avait posé Henry Dunant dans son livre sur Solférino: «Un militaire hors de combat à cause de ses blessures cesse d’être un ennemi et doit désormais être considéré comme un être humain qui a besoin d’aide». Qu’il soit ukrainien ou russe d’ailleurs.

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