Hugo Clément en interview: «Devenir végétarien me paraissait insurmontable»

Publié

InterviewHugo Clément: «Devenir végétarien me paraissait insurmontable»

Le journaliste de «Sur le front» sera à Genève le 2 décembre pour une conférence intitulée «Le pouvoir est dans votre assiette». Rencontre.

Fabio Dell'Anna
par
Fabio Dell'Anna

Hugo Clément était à Genève la semaine dernière pour nous parler de sa prochaine conférence.

Media Profil

Il paraît loin le temps où l’on a découvert Hugo Clément dans «Le Petit Journal» aux côtés de Yann Barthès. Aujourd’hui, celui qui partage sa vie avec l’ex-Miss France Alexandra Rosenfeld veut mettre en lumière une révolution écologique qui est en marche.

Face à l’urgence climatique et au fil de ses enquêtes de terrain, le reporter de 32 ans a décidé de devenir végétarien. Entre récits et projections, il partagera ses expériences lors d’une conférence inédite au Théâtre du Léman à Genève le 2 décembre prochain. Nous l’avons rencontré quelques jours avant dans un hôtel de la Cité de Calvin pour nous en donner un aperçu.

La conférence que vous donnez s’intitule «Le pouvoir est dans votre assiette». Qu’allons-nous y découvrir?

Je vais partager mon expérience du terrain. Je vais revenir sur l’envers du décor de l’élevage intensif, de la pêche industrielle, des abattoirs, de l’impact de l’élevage et de la pêche sur l’environnement. J’en profiterai pour raconter comment je suis devenu végétarien alors que j’étais un gros consommateur de viande et de poisson. Je vais également donner des pistes aussi aux gens pour lutter contre les idées reçues.

Justement, comment êtes-vous devenu végétarien?

Cela s’est fait progressivement. Je le suis complètement depuis environ six ans. J’ai d’abord arrêté la viande. J’ai continué à manger du poisson pendant un an à peu près. À chaque fois, j’ai été surpris par la facilité de passer d’un mode d’alimentation à un autre, alors que j’étais persuadé de ne jamais y arriver. Tout cela s’est fait en lisant pas mal de bouquins, lors de mes reportages et en discutant avec des gens qui sont dans ce secteur. C’est pour dialoguer avec les gens que je viens à Genève. N’importe qui pourra poser des questions et lancer une discussion.

Il n’y a jamais eu de rechute?

Attendez, je vais manger un steak frites et je reviens. (Rires.) Nous pensons que c’est une dépendance, mais ce n’est pas le cas. Avant de devenir végétarien, cela me paraissait quelque chose d’insurmontable. Aujourd’hui, faire marche arrière me paraît impossible.

Il n’y a vraiment eu aucune exception?

Il y en a eu quelques-unes, évidemment. Le premier type d’exception arrive lorsque la personne ignore que le plat est végétarien. Par exemple, des gens considèrent que l’on peut tout de même manger du poisson, mais c’est faux. On m’offrait des petits-fours dont j’ignorais les ingrédients. Je n’ai pas recraché. Je suis poli et je ne vais pas gâcher. Le deuxième type d’exception est lorsque je pars en reportage dans des endroits très reculés. Il se peut que l’on reçoive de la nourriture comme rituel de bienvenue. Je n’ai jamais refusé, car cela aurait pu être considéré comme un affront. En Sibérie, les gens mangent principalement du poulain et on nous a donné un bouillon de poulain dès notre arrivée. Le traducteur m’a bien fait comprendre qu’il fallait que j’accepte. Je ne suis pas idiot et j’ai conscience des sacrifices que cela peut impliquer de proposer un plat à des visiteurs. Je fais passer le respect de mes hôtes avant.

Il y a d’innombrables études qui ont montré que les véganes et les végétariens étaient au moins en aussi bonne santé que le reste de la population.

Hugo Clément, journaliste

Une question revient souvent: le manque de viande ou de poisson crée-t-il des carences?

Non, c’est une idée reçue contre laquelle il faut lutter. Il faut bien comprendre qu’il y a des carences dans la population, mais les principales ne sont pas celles en protéines. En tout cas, en France, nous mangeons trop de protéines et pas assez de fruits, de légumes, de vitamines… C’est d’ailleurs la cause de nombreuses maladies cardiovasculaires. Rien de tout cela ne concerne le régime végétarien. Mais être végétarien ou végane implique d’avoir un régime équilibré. Si vous ne mangez que des pâtes et du riz, vous rencontrerez des complications. En résumé, on peut avoir des carences en étant végétarien ou non. Il y a d’innombrables études qui ont montré que les véganes et les végétariens étaient au moins en aussi bonne santé que le reste de la population. Certaines montrent même qu’ils ont une espérance de vie supérieure. Des sportifs de haut niveau prouvent également que l’on peut être végane et champion olympique.

Vous êtes végétarien, pourquoi ne pas pousser jusqu’au véganisme?

Par faiblesse. (Rires.) Je mange encore des œufs et des produits laitiers de temps en temps. Je n’arrive pas à trouver les ressources et la motivation nécessaire pour devenir complètement végane. J’ai bien conscience de l’impact qu’a sur les animaux l’industrie de l’œuf et du lait: c’est catastrophique pour la souffrance des bêtes et pour l’environnement. Je voyage beaucoup et cela supposerait une organisation un peu plus poussée. Je devrais prévoir mes plats en avance. Ce serait compliqué mais possible. Je le répète souvent: je ne suis pas du tout exemplaire et je n’ai pas la prétention de l’être. La seule ambition que j’ai est que les gens sachent ce qu’impliquent nos modes de consommation. Et je sais qu’en consommant des produits laitiers cela engendre des souffrances envers les vaches et les veaux qui sont séparés de leur mère pour être envoyés à l’abattoir.

Vous avez réalisé plusieurs reportages pour votre émission «Sur le front» sur France 2. Lequel vous a le plus touché?

Celui sur la chasse aux dauphins aux îles Féroé m’a marqué par sa violence. Cela a été très difficile à vivre et à observer. Mais il y a des dizaines d’autres reportages qui m’ont touché, comme le fait d’être témoin de la déforestation en Amazonie, de voir la banquise qui disparaît au pôle Nord, de rencontrer des populations qui sont dans une situation catastrophique à cause du changement climatique. Tout ça est très touchant et très bouleversant.

Lors du tournage de l’une de vos émissions, vous avez participé au sauvetage de Mike Horn au pôle Nord. Racontez-nous.

Nous étions en tournage au Svalbard (ndlr.: un archipel de Norvège) et avons su que Mike Horn avait envoyé un message de détresse depuis la banquise. Il ne lui restait plus beaucoup de nourriture. Après avoir pris contact avec ses filles qui se trouvaient sur le même archipel, nous avons participé à l’opération de récupération des deux aventuriers (ndlr.: il était avec Borge Ousland). C’était une expérience unique et très forte émotionnellement. Elle nous a permis d’apprendre beaucoup sur le changement climatique dans cette région du monde. Mike Horn a été aux premières loges. C’est d’ailleurs ce qui a rendu sa traversée de la banquise extrêmement compliquée. Les glaces étaient plus fines que prévu, il y avait des zones d’eau, ce qui n’était pas du tout normal à cette période. Il a même plu!

Vous êtes restés en contact?

Nous ne sommes pas en contact régulier. Je suis ses activités et ses filles. Je prendrai des nouvelles prochainement.

«C’est en grande partie pour mes filles que j’ai envie de mettre toutes mes forces dans la bataille»

Hugo Clément, journaliste

Ne pas avoir d’enfant est le meilleur moyen de réduire notre empreinte carbone. Quel est votre avis là-dessus en tant que journaliste mais aussi père de deux filles?

Je n’ai jamais voulu avoir dix enfants. Effectivement, si on ajoute au monde un être humain, il va polluer tout au long de sa vie. De plus, nous, Occidentaux, avons une responsabilité nettement plus importante que les pays les plus pauvres. Quelqu’un qui grandit au Nigeria aura un impact beaucoup plus faible qu’un enfant en Suisse ou en France. Mais c’est aussi important d’avoir des générations qui seront sensibilisées à ces questions-là. Ils vont être les combattants de demain pour faire en sorte que le monde aille dans la bonne direction.

Donc avoir des enfants et défendre la planète, c’est compatible?

Si l’on veut avoir un impact zéro, on fait disparaître l’humanité. On se suicide tous et c’est réglé. Mais je ne pense pas que ce soit un horizon souhaitable et acceptable. (Rires.) J’aime l’humanité. Je crois à notre efficacité en tant qu’espèce à réduire notre impact et à régler une partie des problèmes que l’on a créés. Je suis assez optimiste. Avoir des enfants motive à se battre. C’est en grande partie pour mes filles que j’ai envie de mettre toutes mes forces dans cette bataille. J’ai envie qu’elles puissent profiter elles aussi d’une vie agréable, qu’elles puissent être heureuses dans un monde qui n’est pas en crise permanente.

En France, l’élection présidentielle approche. Allez-vous interpeller les candidats sur la souffrance animale et sur l’écologie?

Interpeller des candidats directement, je ne sais pas. Nous continuerons à faire des enquêtes et à mettre en lumière des problèmes. Nous proposerons aussi des solutions. J’espère que les candidats s’en saisiront et s’engageront fortement sur l’environnement et les animaux de manière générale. Il est plus que temps que les femmes et hommes politiques prennent des mesures.

Est-ce que les récents sondages qui montrent Emmanuel Macron en tête des intentions de votes, suivi d’Eric Zemmour et de Marine Le Pen vous surprennent?

Rien ne me surprend. Je ne suis pas effrayé par le débat ni par les campagnes électorales. Il faut prendre les sondages pour ce qu’ils sont: une photographie de l’opinion à un moment T. Je ne suis pas inquiet par la campagne qui s’annonce. Nous avons la chance de vivre dans une démocratie et d’avoir des élections libres. Je n’ai pas envie de céder au défaitisme et à la dépression un peu générale qui peut toucher mon pays en ce moment. C’est surtout dans l’action que se trouve l’espoir.

Hugo Clément sera au Théâtre du Léman le 2 décembre prochain pour donner une conférence intitulée «Le pouvoir est dans votre assiette». Infos et billetterie: livetalks.ch

Ton opinion