NeuchâtelIl avait tué sa femme de 23 coups de couteau: 14 ans de prison
Le mari érythréen qui a tué la mère de ses trois enfants à Peseux sera également expulsé du territoire suisse.
- par
- Vincent Donzé
En retard de dix minutes le matin pour sa déposition, le mari érythréen qui a tué son épouse de 23 coups de couteau le 22 avril 2021 dans un appartement de Peseux était en avance d’un quart d’heure l’après-midi pour le prononcé du jugement: avec deux policiers debout à sa droite, le prévenu a attendu assis la Cour criminelle. Verdict: 14 ans d’emprisonnement, une peine qui sera suivie d’une expulsion du territoire suisse pour une durée de 15 ans, loin de ses enfants.
Les trois enfants du couple venaient de partir à l’école lorsque l’ancien militaire a poignardé son épouse lors d’une dispute conjugale. C’est «en toute conscience» et avec l’intention de tuer son épouse que le prévenu a saisi un couteau de cuisine, selon le président du Tribunal criminel du Littoral et du Val-de-Travers Niels Favre. Son mobile est qualifié de «futile»: le refus de l’épouse de reprendre la vie conjugale.
«Triple humiliation»
L’influence d’un marabout? Cette version «ne tient pas la route» selon les trois juges, pour qui le prévenu ment quand il affirme ne pas se souvenir des coups portés. Il a fait preuve de mépris en rejetant la faute sur sa victime. Son épouse a payé de sa vie son courage d’exercer son libre arbitre.
L’avocate du prévenu avait pour sa part souligné la «triple humiliation» identitaire, sociale et religieuse subie par le mari bafoué au point de perdre «totalement» son statut d’homme: «Il n’y a pas eu le respect attendu» de la part d’une épouse «totalement» émancipée qui entretenait une relation extraconjugale, selon l’avocate Victoria Leuenberger. Un désarroi admis par le Tribunal criminel, qui a aussi tenu compte du contexte migratoire.
Le procureur Nicolas Feuz sait par expérience que les auteurs de féminicide font passer les victimes pour des coupables. Pour étoffer son réquisitoire, ce magistrat auteur de romans a cité l’écrivain français Philippe Besson, passé le 5 janvier dernier sur France 5 dans l’émission «La grande librairie» pour déclamer que le meurtre arrive quand la femme dit «je m’en vais».
Pour le procureur, le crime de Peseux n’est pas cette fable qu’on appelle crime passionnel, quand le conjoint «l’aimait tellement qu’il l’a tuée», comme si son amour était une circonstance atténuante. À Neuchâtel, le Tribunal criminel a retenu la qualification de meurtre, mais pas passionnel.