NaufrageLa Royal Navy rejette toute responsabilité pour le Bugaled Breizh
Les familles des cinq marins tués dans le naufrage du chalutier breton Bugaled Breizh, en 2004, ont mis en doute la version présentée par la Navy mardi.
Les familles crient au mensonge: le commandant d’un sous-marin britannique de la Royal Navy suspecté d’avoir provoqué le naufrage meurtrier du chalutier breton Bugaled Breizh a rejeté mardi toute responsabilité dans le drame inexpliqué depuis 2004.
Avec le témoignage très attendu de l’ancien commandant du sous-marin Turbulent devant la Haute Cour de Londres, Andrew Coles, les familles des cinq marins tués dans le naufrage espéraient approcher de la vérité et enfin découvrir ce qui s’est passé le 15 janvier 2004, quand leurs proches ont été emportés par le fond.
Depuis le début, elles pensent que le chalutier qui pêchait au large des Cornouailles (sud-ouest de l’Angleterre) a été coulé par un sous-marin qui se serait pris dans ses filets. Mais interrogé durant une heure environ, Andrew Coles, qui n’est plus dans la Royal Navy, a rejeté toute implication de son sous-marin nucléaire d’attaque.
«Nous étions à quai»
«Nous n’étions absolument pas impliqués. Nous étions à quai» à Devonport (sud-ouest de l’Angleterre) «le 15» janvier 2004, a-t-il affirmé. Selon lui, le Turbulent devait prendre part à des exercices de l’Otan prévus dans la zone à partir du 16 janvier, mais n’a pu le faire en raison d’une avarie. Le sous-marin, qui était stationné pour maintenance depuis le mois de novembre précédent, n’a repris sa navigation que le 19 janvier.
À la sortie de l’audience, ce témoignage a été sérieusement mis en doute par les familles des victimes. «Ce ne tient pas debout. Il y a encore plein d’éléments qui ne sont pas éclaircis», a regretté Thierry Lemétayer, le fils d’une victime, devant la presse. «C’est là qu’on voit que la justice n’avance pas».
«Il n’y a eu aucun moment de vérité aujourd’hui», a dénoncé son avocat, Dominique Tricaud. «Ce n’est pas aujourd’hui qu’il a choisi de faire la paix avec sa conscience», a-t-il ajouté à propos d’Andrew Coles: «Le fait que le Bugaled Breizh a été coulé par un sous-marin est une certitude acquise par tous les gens sérieux».
L’avocat a rappelé que c’était Andrew Coles qui était aux commandes d’un autre sous-marin, Astute, lorsqu’il s’était échoué en Écosse en 2010, peu après l’entrée en service du submersible nucléaire qui faisait la fierté de la Navy.
«Deux Marines qui mentent»
Andrew Coles a aussi évoqué une rencontre avec Thierry Lemétayer il y a plusieurs années lors de la projection d’un documentaire sur l’affaire dans une ville des Cornouailles. «J’ai fait de mon mieux avec mon très mauvais français pour l’assurer que je n’avais rien à voir là-dedans», s’est-il souvenu. «J’ai pu faire allusion au fait que si un sous-marin l’avait accroché, cela aurait pu être une cause, mais pas que c’était le cas», a-t-il ajouté.
À la fin de l’audience, l’ancien commandant a serré la main de Thierry Lemétayer, se disant «désolé» et espérant qu’il trouverait des «réponses». Plus tôt mardi, deux autres haut-gradés de la Royal Navy avaient assuré que le Turbulent était à quai le jour du naufrage.
Communications officielles à l’appui, l’un d’eux, le commandant Daniel Simmonds, un responsable des opérations sous-marines de la Marine, a répété que seuls trois sous-marins se trouvaient en mer quand le Bugaled Breizh a sombré (l’allemand U22, le néerlandais Dolfijn et le britannique Torbay), et aucun à proximité immédiate. Il a aussi jugé «impensable» qu’un sous-marin militaire allié ait pu se trouver dans la zone assignée aux exercices de l’Otan sans avoir signalé sa présence.
Longue procédure judiciaire
Quand la piste d’un sous-marin de l’US Navy avait été évoquée en 2016, les États-Unis avaient réfuté. Tout aussi «impensable», selon l’officier, serait de falsifier le journal de bord d’un sous-marin ou les documents relatifs à ses mouvements: cela constituerait un «manquement grave» de nature à «éroder la confiance» entre pays alliés. Des exercices de la marine britannique étaient aussi programmés le jour du drame – sans sous-marins, selon Daniel Simmonds.
En France, une longue procédure judiciaire, clôturée en 2016, n’avait pu trancher entre l’hypothèse d’un sous-marin et celle d’un accident de pêche. Interrogée lundi, la marine néerlandaise avait exclu toute implication du sous-marin Dolfijn, assurant qu’il naviguait en surface quand l’accident est survenu. «On a deux marines qui mentent, on a deux gouvernements qui mentent», a déploré Dominique Tricaud.