Scandale du MediatorCondamnés en appel, les labos Servier vont devoir passer à la caisse
Le groupe pharma français devra verser une amende totale de 9,173 millions d’euros et rembourser plus de 415 millions aux organismes de sécurité sociale et assurances.
Plus de treize ans après le scandale du Mediator, médicament antidiabétique utilisé comme coupe-faim et tenu pour responsable de centaines de décès, le groupe pharmaceutique français Servier a été lourdement condamné mercredi par la Cour d’appel de Paris, au grand soulagement des parties civiles.
Le deuxième groupe médical français a été reconnu coupable de tromperie aggravée, homicides et blessures involontaires, obtention frauduleuse d’autorisation administrative et escroquerie pour avoir commercialisé le Mediator. Il devra notamment verser une amende totale de 9,173 millions d’euros et rembourser plus de 415 millions d’euros aux organismes de sécurité sociale et assurances mutuelles.
«Quel soulagement! C’est pour nous une très belle victoire, même si je ne peux m’empêcher de penser à la souffrance de chacune de ces victimes, qui reste la même aujourd’hui», a réagi Jean-Christophe Coubris, un des avocats des plus de 7000 parties civiles. L’Assurance maladie a salué de son côté «une décision historique».
«Le Mediator était un produit très dangereux que les laboratoires Servier ont maintenu sur le marché en connaissance de cause, en multipliant les victimes auxquelles justice est à nouveau rendue», s’est félicité le directeur général de l’Assurance Maladie, Thomas Fatôme. «Par son arrêt, la cour confirme que Servier a agi par cupidité», a-t-il ajouté.
Le groupe s’est pourvu en cassation
Le groupe Servier «a pris la décision de former un pourvoi en cassation», a annoncé dans un communiqué l’entreprise, tout en se disant «en mesure de faire face» financièrement à cette condamnation «décevante à bien des égards».
Jean-Philippe Seta, ex-bras droit du tout-puissant fondateur du groupe Jacques Servier (décédé en 2014) et seule personne physique prévenue au procès en appel, a, lui, été condamné à 4 ans de prison, dont un an ferme à accomplir sous bracelet électronique, et à un total de près de 90’000 euros d’amende.
En mars 2021, lors du procès en première instance, le Tribunal correctionnel de Paris avait condamné les six sociétés du laboratoire Servier à 2,7 millions d’euros d’amende, estimant qu’il disposait «à partir de 1995, de suffisamment d’éléments pour prendre conscience des risques mortels» liés au Mediator.
Un deuxième procès possible dans les années à venir
«Le groupe Servier prenait soin de taire les effets anorexigènes (ndlr: coupe-faim) du Mediator pourtant parfaitement connus de lui», a mis en avant le président de la Cour d’appel Olivier Géron. «Le groupe Servier n’a rien fait pour éclairer les autorités sanitaires lorsque est apparu le lien entre la consommation du Mediator» et de graves lésions cardiovasculaires chez des milliers de patients, a-t-il relevé.
Le Mediator, commercialisé en 1976 pour le traitement du diabète, mais largement détourné comme coupe-faim, a été prescrit à quelque cinq millions de personnes. Il a été retiré du marché en France en 2009, après qu’un lien avec des lésions cardiaques et de l’hypertension artérielle pulmonaire a été établi par la pneumologue et lanceuse d’alerte Irène Frachon. Le médicament avait été retiré du marché en Espagne et en Italie en 2003-2004.
Quelque 5000 autres dossiers pour homicides ou blessures involontaires sont toujours à l’instruction au parquet de Paris, ouvrant la voie à un probable second procès Mediator dans les prochaines années.