InterviewFrédéric Recrosio: «J’ai une expérience magnifique de la paternité»
Après dix ans d’absence, l’humoriste romand revient sur scène en solo avec «Durer, choisir et chanter des berceuses». Le spectacle, mis en en scène par Yann Marguet, est à voir dès le mardi 31 octobre au Théâtre Boulimie, à Lausanne.
- par
- Laurent Flückiger
Frédéric Recrosio n’avait pas fait de seul en scène depuis dix ans, avant son retour mardi 31 octobre à Lausanne et une tournée dans toute la Suisse romande. Et cela aurait peut-être pu durer plus longtemps. L’humoriste romand était en effet «apaisé». Mais sa vie a connu un tel bouleversement qu’il lui fallait le raconter: il est devenu papa. Une fois, deux fois, trois fois.
C’est dans «son» Théâtre Boulimie que nous retrouvons Frédéric Recrosio, 48 ans, pour parler de la genèse de «Durer, choisir et chanter des berceuses», mis en scène par Yann Marguet.
Frédéric Recrosio, qu’avez-vous fait durant ces dix dernières années et qu’est-ce qui vous a poussé à revenir sur scène en solo?
Je me suis toujours dit qu’il fallait que j’aie un vécu suffisamment tourmenté pour pouvoir en faire un spectacle autobiographique. Vers 35 ans, il y a quelque chose qui s’est apaisé, j’ai endeuillé une partie de ma première peau de jeune loup. Et dans la résolution, il n’y a pas de spectacle. C’est le problème qui est intéressant. Donc j’ai fait d’autres choses, j’ai ouvert un restaurant, j’ai lancé un saucisson et également une revue où le sujet n’était pas moi, et je me suis marré durant six éditions. Je me suis aussi mis à écrire de la fiction (ndlr.: «La vie devant», diffusée sur la RTS fin 2022), c’était la liberté. Je me suis posé la question si je ne voulais plus faire de solo. Et j’ai pensé à un spectacle sur la paternité.
Pour quelle raison avez-vous pensé à faire un spectacle sur votre paternité?
C’est un sujet immense. Il y a une résolution avec, en même temps, un nouveau problème, des émotions positives et des angoisses totales. Comme j’ai une expérience magnifique de la paternité (il a trois fils de 5, 3 et 2 ans), il me fallait du grinçant. Et je me suis aperçu que, quand on a des enfants, on a un seul problème: il faut qu’ils aillent bien. Avant, j’en avais un milliard. Avec ça, je tenais peut-être un projet de spectacle.
Sans cette idée, vous arrêtiez vraiment les spectacles en solo?
Je ne me réveille pas le matin en me disant qu’il faut que je monte sur scène. Mon besoin, c’est de me vider le corps avec l’écriture. Je suis arrivé sur scène à 20 ans parce que c’était une solution pratique. J’étais grande gueule et téméraire. Si j’avais gratté un peu de guitare et que j’étais moins pudique, j’aurais fait de la chanson.
Après cette grande pause, vos premières répétitions sur scène ont-elles été compliquées?
Pas vraiment, parce que je suis accompagné par Yann Marguet. Ce n’est pas comme remonter sur un vieux vélo. J’ai quelqu’un qui connaît ma manière de faire du vélo! Il m’a guidé vers ce qui l’a marqué dans mes premier et deuxième spectacles. Je travaille aussi la dramaturgie avec Carine Corajoud.
Avec Yann Marguet comment vous êtes vous choisis?
J’ai fait la mise en scène de son spectacle «Exister, définition.», et je lui ai parlé de mon projet. C’est lui qui a eu envie de faire la mise en scène. On a commencé il y a un an et demi et je me suis aperçu très vite qu’il était un interlocuteur de grande subtilité.
Comment se construit «Durer, choisir et chanter des berceuses»?
En gros, je raconte des anecdotes liées à des âges en faisant des allers-retours à aujourd’hui. La deuxième partie du spectacle ne porte que sur le maintenant, relié à l’avant. Par exemple, je parle du fait qu’en tant que papa je suis surestimé par mes enfants. Et c’est quelque chose auquel je n’avais plus droit après mes 20 ans, un âge où je n’avais pas encore déçu.
Vous l’imaginez comment votre première représentation?
On a déjà fait une sorte de répétition générale. Et pour avoir le vent dans le dos, j’ai fait une lecture publique en juillet. Je suis content de ce qu’on a fait, et le spectacle aura le destin qu’il aura. Le risque est qu’il soit générationnel. Mais faut-il vraiment que j’aille vers les jeunes? Pas sûr. Durant la générale publique, la moitié du public avait moins de 35 ans. Ils se sont reconnus, ça s’est bien passé. D’après ce que j’en sais, ils ont compris que c’était OK de changer d’avis, et c’est quelque chose qu’on ne leur a pas dit souvent. Ah oui, ça, c’est peut-être le plus important: avec Yann, on s’est rendu compte que, dans une vie, on changeait d’avis et à chaque fois on était convaincu d’avoir raison. Ce n’est pas que j’étais complètement con. J’avais tort. (Rires.) Et ce que je dis maintenant sera certainement invalidé par mon futur.
Avez-vous un autre projet d’écriture de série TV?
Oui, cette fois c’est de la comédie et je tiens le projet avec Brigitte Rosset et Julien Doquin de Saint Preux. Ça s’appelle «Bedaine» et raconte la disgrâce du temps qui passe. On a déjà passé la phase 1 avec la RTS, j’attends mes délais.
«Durer, choisir et chanter des berceuses», du 31 octobre au 11 novembre au Théâtre Boulimie, Lausanne. Puis en tournée en Suisse romande. Toutes les infos: fredericrecrosio.com