FranceUne Suissesse a tué ses deux filles «pour un monde apaisé»
La cour d’assises de l’Ain juge une trentenaire qui avait tué ses filles de 2 et 7 ans en 2018 à Saint-Genis.
- par
- R.M.
Une Suissesse est jugée depuis vendredi par la cour d’assises de l’Ain, à Bourg-en-Bresse, pour le meurtre de deux de ses enfants. Une affaire terrible, impensable, incompréhensible, souligne «Le Progrès», Lors des premiers jours, la justice a pu entendre l’accusée comme se pencher sur son lourd passé et sa grande détresse psychologique.
Mais les faits, d’abord, qui se sont déroulés le 11 septembre 2018 dans le domicile de la prévenue, à Saint-Genis-Pouilly (Ain), tout près de la frontière genevoise. Ce jour-là, cette Suissesse d’alors 30 ans a appelé l’école pour annoncer que ses trois enfants seront absents, car malades. Mais ce qu’elle avait prévu, c’est de se donner la mort. Et de partir avec ses enfants. Un «acte longuement réfléchi» et «décidé en toute conscience», avait-elle écrit.
Poignardés dans le cou
Pour les endormir, elle avait donné des médicaments à ses filles de 2 et 7 ans comme à son fils de 11 ans. Ensuite elle avait tenté de les étouffer, enfonçant des chaussettes dans leur bouche. Puis les a poignardés, dans le cou, raconte le quotidien français.
Bien que frappé au cou et sous médicaments, son fils de 11 ans n’était pas mort. Il avait réussi à regagner sa chambre, difficilement, en s’appuyant sur les murs. Là, il avait encore eu la force de trouver son téléphone et d’alerter son beau-père, le père de la fillette de 2 ans, qui était en Suisse.
Quand l’homme est arrivé il y avait trois corps sur le lit. Sa propre fille, morte. Sa sœur aînée, également décédée. Et la mère, inconsciente après sa prise de médicaments. Mais le garçon avait été hospitalisé et a pu être sauvé. Tout comme sa mère, qui n’a pas réussi à mettre fin à ses jours.
Abus et violence
Comment tenter d’expliquer l’inexplicable? Mardi, les proches de l’accusée comme des experts ont tous témoigné «du passé douloureux et de la grande souffrance de cette femme, littéralement enfermée dans une dépression chronique. Jusqu’à envisager le pire», relate «Le Dauphiné».
Selon son psychiatre suisse, la souffrance est née à l’adolescence, avec des abus sexuels perpétrés par son beau-père, et une mère qui ne la croit pas. Enceinte à 17 ans, elle avait aussi dû affronter la violence du père supposé de son enfant, qui ne voulait pas le reconnaître et l’avait terrorisée en tentant de lui donner des coups de barre de fer dans le ventre.
Suivie depuis sa jeunesse par les services sociaux, son parcours est également marqué par l’échec scolaire, un grand repli sur elle-même, des phobies ou une incapacité totale de travail: elle ne vivait que des aides sociales suisses, est-il précisé.
«Les regards des autres étaient une agression»
«Je la suivais pour des troubles anxio-dépressifs. Pour elle, les regards des autres étaient une agression, avec une agoraphobie allant jusqu’à la panique», a expliqué son psychiatre suisse. «Elle me disait que si on l’ouvrait, on ne trouverait que du vide. Elle était en énorme souffrance.»
Pour un expert psychiatre qui a constaté «les troubles de la personnalité, l’état dépressif chronique et ancien» de l’accusée, on peut parler d’«altération du discernement», et donc de la responsabilité pénale. Elle risque cependant 30 ans de réclusion.
À ces problèmes psychologiques se sont ajoutés des problèmes familiaux. Son fils, qui n’a jamais connu son père, est décrit comme extrêmement difficile, avec des troubles du comportement et des crises parfois violentes. Il est couvé par sa grand-mère, «trop aimante» et «omniprésente», qui lui passe tout. Tandis que la prévenue est décrite comme complètement dépassée, avec un conjoint qui au contraire voulait poser un «cadre éducatif».
«Elle avait baissé les bras»
Le père de sa plus grande fille a quitté la Suissesse avant même sa naissance. Puis elle a connu son compagnon actuel, père de sa fille cadette, et tous deux avaient déménagé à Saint-Genis. Mais plus rien n’allait et une séparation était inévitable, selon la presse française.
Ce conjoint a récemment découvert que sa compagne avait accumulé les dettes. «Elle avait une pile de 20 cm de factures, de rappels, de poursuites, qu’elle cachait, mais elle avait baissé les bras», a-t-il témoigné.
Entendue à la barre, la mère infanticide, aujourd’hui 33 ans, a tenté de décrire sa situation. «J’étais tellement épuisée que j’ai décroché, j’ai accumulé tellement de choses que j’ai pas réussi à encaisser», a-t-elle expliqué, rapporte «Le Progrès». «Je pesais 39 kilos, je me nourrissais de médicaments, comme des bonbons, pour aller de l’avant.»
«J’étais comme un robot»
Puis la trentenaire a raconté ses souvenirs du jour du drame. «J’étais là sans être là. J’ai vu les médicaments et c’était comme un billet d’avion vers un monde apaisé. J’ai vu ça comme une solution, partir avec mes enfants. Sur le lit, je leur ai raconté une histoire, que personne ne leur ferait plus de mal.»
Elle dit ne pas se souvenir de la suite, des coups de couteau. «Ça me semble absurde, moi qui ne pouvais même pas leur mettre une fessée.» Mais elle reconnaît les faits, qu’elle nomme «le drame». «J’étais en mode automatique, à un tel degré de mal-être que j’étais comme un robot», a-t-elle encore avancé. Et de conclure: «Mes filles n’auraient jamais dû partir. C’est moi qui aurais dû partir à leur place.»
Le procès se poursuit.