Les trois moments marquants d’Eric Zemmour dans «Face à Baba»

Cyril Hanouna promettait «des duels fous». Et il n’a pas menti. Les échanges ont en effet été mouvementés. Ce jeudi sur C8, le présentateur de «Touche pas à mon poste» a reçu le candidat d’extrême droite à la présidentielle de 2022, Éric Zemmour, pour le lancement de sa nouvelle émission politique «Face à Baba». Pendant environ trois heures et devant 2,2 millions de téléspectateurs, le prétendant à l’Élysée est revenu sur ses idées et sa vision de la France. Il s’est confronté à une dizaine d’intervenants, dont le journaliste Aymeric Caron.

Le militant antispéciste s’est lancé dans une bataille de chiffres face à son ex-collègue de «On n’est pas couché». Il a commencé fort en appelant ce dernier «le Monsieur Jourdain du racisme» avant de rappeler que les calculs qu’il avance sur les mineurs isolés venus de l’étranger seraient complètement faux. Le politicien affirme qu’il y en a entre 40’000 à 50’000 par an, pour un coût de 50’000 euros d’aides sociales par an par mineur, soit environ deux milliards d’euros minimums à l’année.

Selon Aymeric Caron, on est plutôt entre 10’000 et 17’000 mineurs isolés étrangers arrivant par an, pour un coût de parfois 8’000 euros selon le département. Les 40’000 mineurs évoqués par Éric Zemmour, «c’est la globalité de tous les mineurs isolés étrangers qui sont présents sur le territoire français», a souligné alors Aymeric Caron, ce qui a eu le don d’irriter le polémiste.

Un autre sujet qui a également fâché a été le nombre d’étrangers arrivant en France chaque année. Pour Éric Zemmour, il y en a 400’000 par an, soit 2 millions pendant le quinquennat. Selon Aymeric Caron, se basant sur des chiffres de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), il y a eu en France une arrivée de 750’000 étrangers en cinq ans, car il y a des gens qui arrivent, mais il y en a qui repartent, ou décèdent. Comme l’a précisé LCI, les chiffres donnés par le candidat d’extrême droite ne représentent qu’une estimation d’entrées et non une immigration définitive. Par exemple, les étudiants étrangers représentaient 90’000 personnes arrivées sur le sol français en 2019, or environ la moitié repart au bout d’un an.

L’acteur Mathieu Kassovitz a aussi posé plusieurs questions dérangeantes auxquels Eric Zemmour a répondu avec plus de calme. «J’aurais aimé comprendre certaines logiques de sa politique, par rapport à sa propre histoire aussi, qui est proche de la mienne», a-t-il commencé. «J’ai dix ans de moins, mais mon père est arrivé en France dans les années 60 en tant que réfugié politique. Je suis né en France, j’ai pris la culture française, je l’ai mélangée à la culture hongroise de mon père, j’ai mélangé les religions de mes parents et je suis devenu comme vous, M. Zemmour, ce qu’est la France.»

«Nous sommes métissés et nous sommes métissés de souche maintenant. Il n’y a plus ce fantasme de la France aux blancs, la France catholique n’existe plus depuis longtemps», a poursuivi le comédien dans sa vidéo. «C’est une notion obsolète dont vous vous servez pour faire peur aux gens en parlant de «grand remplacement», mais ce remplacement n’existe pas. Il n’y a qu’une évolution du monde. Le monde évolue, les gens voyagent, le métissage est inévitable. Comment allez-vous faire pour placer la France dans un monde qui continue d’évoluer en voulant la refermer sur elle-même, tandis que nous avons toujours été l’étendard de cette ouverture, cette ouverture républicaine et démocratique que nous défendons tous à travers le monde et dont vous, vous êtes un des meilleurs exemples puisque vous êtes capable aujourd’hui en étant fils de juif algérien de vous présenter aujourd’hui pour être candidat à la présidence française?» a-t-il demandé.

«Sa question est très intéressante. Il fait une petite confusion dans les termes. Il mélange toutes les notions. Il mélange métissage, ouverture, république», a répondu le candidat d’extrême droite. «Moi, je suis un Français de confession juive assimilé. C’est-à-dire que je considère que mon grand-père est Napoléon et ma grand-mère est Jeanne d’Arc. Dans mon sang, il n’y a pas ça: je n’étais pas à la bataille d’Eylau et aux côtés de Murat. C’est là le génie de la France et c’est là qu’il ne comprend pas. Le génie de la France ce n’est pas ce qu’il dit. Le génie de la France ce n’est pas le mélange comme ça, la diversité. Le génie de la France, c’est l’assimilation et c’est le contraire du racisme. Ça veut dire que d’où qu’on vienne, où qu’on soit, quel que soit notre sang, telle la fameuse formule de Romain Gary: «Je n’ai pas une goutte de sang français, mais la France coule dans mes veines», c’est ça l’assimilation, c’est culturel et c’est génial.»

«Et quand il dit le mythe de la France chrétienne, ce n’est pas un mythe: il n’y aurait pas de France sans le christianisme, il n’y aurait pas de France sans la culture gréco-romaine», a continué Éric Zemmour dans sa réponse à l’acteur. «Les immigrés se sont tous imprégnés de cette culture-là. Et donc, pour que la France reste la France. il faut que toutes les vagues d’immigration s’imprègnent et s’assimilent à cette culture française qui est, oui, imprégnée de christianisme et de culture gréco-romaine».

Enfin, le débat avec Karim Zéribi, conseiller municipal à Marseille pendant une douzaine d’années jusqu’à 2020, a également parlé de religion. Les deux personnalités se sont accrochées sur les questions de l’islam, du port du voile et de la laïcité, notamment dans les banlieues

«Il y a d’innombrables quartiers aujourd’hui qui sont des enclaves étrangères, tenues à la fois par les mœurs islamiques et par les caïds de la banlieue. Des enclaves étrangères qui s’entretiennent elles-mêmes par des apports incessants», a balancé Éric Zemmour. «80% des habitants des HLM sont des Français», a alors rétorqué Karim Zéribi, qui un peu plus tôt lui avait répondu: «Vous n’y avez jamais mis un pied dans ces quartiers.» «Excusez-moi, je ne peux pas y mettre un pied aujourd’hui», avait-il répondu.

«Quand il y a des femmes voilées, excusez-moi, on n’est plus en France», a déclaré un peu plus tard le candidat, qui veut interdire le voile «partout». Comme il l’a dit dans une interview au «Parisien» ce jeudi, il souhaite aussi rendre les mosquées «discrètes», «comme le sont les synagogues et les temples protestants». «Ce qui me pose problème dans votre logiciel, c’est votre manque de discernement, vous essentialisez tout», regrette alors Karim Zéribi. «C’est une forme d’obsession contre les musulmans, vous partez en croisade contre les musulmans».

Ils ont conclu par une dispute sur la définition de la laïcité. «La laïcité, c’est le devoir de discrétion dans l’espace public», selon Éric Zemmour. «Mais pas du tout, la laïcité, c’est la liberté de croire ou de ne pas croire», a répondu l’ancien conseiller municipal.