Église catholiqueLa police n’a rien su des abus sexuels suspectés pendant des mois
Alors qu’en mai déjà, la Conférence des évêques suisses apprenait que des prêtres étaient accusés d'abus sexuels, la police n’a reçu des plaintes que la semaine passée.
La police cantonale fribourgeoise et le Ministère public vaudois ont confirmé au «SonntagsBlick» que ce n'est que le vendredi 8 septembre dernier, soit après les recherches du journal alémanique, que des plaintes pour abus sexuels ont été déposées par les évêques.
Pourtant, Felix Gmür, président de la Conférence des évêques suisses, avait été informé le 24 mai dernier déjà des graves accusations portées par le curé Nicolas Betticher contre six évêques. Certes, l’évêque Joseph Bonnemain avait été chargé alors par Rome de l’enquête préliminaire interne. Mais l'idée de faire appel à la police n'est apparemment venue à personne avant les recherches du «SonntagsBlick», déplore le journal.
Interrogé à ce propos, Felix Gmür ne répond pas. Et l'évêché de Coire justifie l'hésitation de Joseph Bonnemain par les informations jugées vagues du lanceur d'alerte Nicolas Betticher: «Il s'agit d'accusations, de suppositions et de questions. Il manquait toutefois des informations concrètes pour chaque situation décrite», estime l’évêché. L'évêque aurait voulu clarifier ces imprécisions dans son enquête préliminaire ecclésiastique avant d’aller à la police.
«A quel point peut-on être stupide?»
Dans les milieux ecclésiastiques, le comportement de la hiérarchise du clergé catholique suscite l'incompréhension. «A quel point peut-on être stupide pour commettre à nouveau toutes les erreurs connues dans un cas aussi explosif? Les évêques affirment pourtant qu'ils font immédiatement appel à la police», s’insurge un cadre du diocèse de Coire souhaitant rester anonyme. Et pour Simon Spengler, porte-parole des catholiques zurichois, «c'est une honte. Les évêques continuent à n'agir que lorsque la pression des médias devient trop forte. Ce qui dérange les apparences est dissimulé aussi longtemps que possible. C'est systématique, et il n'y a pas eu de changement», déplore-t-il.
Documents toujours gardés secrets
Monika Dommann et Marietta Meier, les deux historiennes de l'Uni de Zurich dont l’étude a révélé les nombreux cas d’abus sexuels au sein de l’Eglise catholique suisse depuis 1950 avaient demandé l'accès aux archives de la nonciature (ndlr. l'intermédiaire entre les diocèses suisses et Rome) à Berne. Mais Martin Krebs, archevêque et nonce apostolique, le leur a refusé. Le «SonntagsBlick» s’est aussi vu refuser catégoriquement l’accès à ces archives. L’archevêque se justifie par la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques de portée internationale. Elle stipule que les archives des ambassades sont inviolables à tout moment, où qu'elles se trouvent. Martin Krebs s'oppose aussi à un accès ponctuel aux dossiers, concentré uniquement sur les cas d’abus.